Magazine Cuisine

Le meilleur est chez Meyer :-)

Par Eric Bernardin

DSCF3119

Je démarre ma "tournée alsacienne" par un couple de vignerons que j'apprécie particulièrement : Mireille et Patrick Meyer. Ils font partie des pionniers de la bio dans la région puisqu'ils sont passés en bio il y a presque 30 ans, à une  une époque où ce n'était pas encore tendance et où tu passais aux yeux de tes collègues pour un fou dangereux (lire ce très bon article  paru il y a quelques jours dans Rue 89).

DSCF3121

Puis ce fut le passage en biodynamie en 1998. Une suite logique dans leur démarche qualitative et d'expression du terroir. Cela permet de baisser progressivement les doses de sulfites ... jusqu'à ne plus en ajouter du tout. Ce qui peut paraître audacieux lorsqu'on produit 90 % de vins blancs. Et pourtant, le pari est pleinement réussi. Leurs différentes cuvées ont une pureté et une expressivité que leur envieraient nombre de leurs collègues en "conventionnel".

DSCF3128

Leur domaine de 8 ha est situé à Nohalten au nord de Sélestat. On y trouve le Grand Cru  Muenchberg, connu surtout grâce à André Ostertag (sables roses sédimentaires issus de roches vieilles de 250 milions d'années dont certaines volcaniques). Les vignes hors GC bénéficient d'un sol relativement proche, ce qui donne ce mélange de finesse et de grand caractère à tous les vins du domaine.

DSCF3123

Il est toujours intéressant de goûter côte à côte les cuvées Nature et Mer & Coquillages.  A 90 %, elles sont identiques (même lot de Sylvaner. Puis Patrick ajoute dans le premier du Pinot blanc (en fait 2/3 Pinot blanc  1/3 Auxerrois) et dans le second du Riesling. Et ça change tout, d'autant qu'ils réagissent diffémment à la mise récente.

Nature 2014:  c'est le fruit bien mûr qui ressort, légèrement fumé, avec une rondeur gourmande, charnue. Mais encore brouillon.

Mer et Coquillages 2014 : là, c'est l'énergie et la fraîcheur qui dominent, avec une acidité bien présente, mais totalement diffuse. C'est déjà bien en place.

Pinot blanc Pierres chaudes 2014 : on retrouve le fruit mûr et la rondeur de Nature, mais avec une pureté, une tension, une précision supérieures. Un très beau vin en devenir (Patrick m'avoue sa tendresse pour ce cépage qui fait bien ressortir la minéralité dans les vins).

Crémant : nez sur la pomme fraîche. Bouche d'une fraîcheur cristalline, avec des bulles délicates. Classe et délicieux.

Pinot gris 2013 : nez sur le miel et la fumée. Bouche ronde, presque moelleuse, très bien équilibrée.

Sylvaner Zellberg 2013 : nez intense sur l'agrume confit. Bouche très douce, caressante, légèrement miellée, mais tendue et tonifiée par une fraîcheur citronnée.

Riesling Grittermatte 2013 : long, pur, d'une grande élégance.

"Notre objectif, c'est d'atteindre cette fluidité qui s'approche de l'eau. On veut éviter le côté fatigant, que ce soit dû à l'alcool ou à la concentration...

L'oxydation déstructure la partie organique qui est trop puissante. Ce qui est organique est décomposable. Ce qui est minéral est stable. On accélère le processus en décomposant les parties organiques pour arriver à quelque chose de pur. Plutôt que garder l'organique qui peut paraître sexy, mais que je trouve fatiguant. Contrairement à  ce que l'on pense, les vins ont besoin d'oxydation.

Dans les vinifications, les Anciens allaient autrefois au plus simple. Après avoir pressé le raisin, ils mettaient en tonneau. Lorsque le vin était clair, ils tiraient. Et puis c'est tout. Tout était une question de temps. Soit ils faisaient de la piquette, c'est à dire vin issu des plaines, vendu en tonneau trouble avec du gaz carbonique aux auberges du coin (et non piqué comme on pourrait le croire), soit ils gardaient le vin le temps qu'il fallait jusqu'à ce qu'il soit prêt à boire. La mise en bouteille d'un vin qui a encore besoin d'évoluer est une conception moderne. Et nous, nous sommes en décalage avec ça. Du coup, nos vins ne sont pas en place dans leur jeunesse. Ils ont besoin de plusieurs années en bouteille pour atteindre leur pureté.  Les gens manquent de patience. Dans le monde marchand d'aujourd'hui, cette notion a été totalement dézinguée. On n'est plus que dans l'esthétique, la gourmandise, le rapide. On le voit avec la multiplication des carbos dans le milieu nature Il n'y a pas de fond dans les vins. Et on éduque toute une nouvelle génération à ce type de vins. C'est de la non-culture. Ce n'est guère mieux que les vins travaillés chimiquement pour une esthétique gourmande immédiate. Si tu prends les Régnié de chez Ducroux, tu  n'as pas cette esthétique là. Il y a un fond, un travail, une profondeur. Par contre, ils ne sont pas sexy. Mais 7-8 ans plus tard, c'est magnifique. 

La plupart de nos vins sont bus trop tôt. Même Mer et coquillages, au bout de 5-6 ans, je les re-découvre en me disant "c'est pas possible !"

Ce qui explique que les vins de Patrick présentent parfois un caractère oxydatif dans la jeunesse, puis le perdent au bout de plusieurs années et se mettent à exprimer pleinement leur terroir.

DSCF3125

Muscat Petite fleur 2014 : rond, frais, lumineux. Finale pas encore en place. A attendre quelques mois.

Riesling Muenchberg 2013 : nez très riche. Superbe tension en bouche, enrobée par une matière délicate, caressante. Equilibre topissime.

Gewurztraminer Pucelles 2014 (mise en septembre) : nez surréaliste de chausson aux pommes sortant du four, avec ce mélange de fruit chaud et de feuilletage au beurre. La bouche pure et longiligne révèle les mêmes arômes. Une pâtisserie liquide !

Puis nous faisons un tour au chai, où nous goûtons successivement le Sylvaner et le Riesling du Zellberg, puis les deux assemblés dans un verre. Y a pas, l'assemblage des deux est meilleur que chacun séparément. 2014 sera une année S+R ! (Patrick me dit que dès qu'ils entrent au chai, il sent tout de suite s'il les assemblera ou non).

Puis c'est au tour du Pinot noir Pierres chaudes 2014 (mis en bouteille en juin) : oufti, c'est bon, d'un fruit éclatant, avec des tannins fins et soyeux. D'la bombe !

Enfin nous passons au Pinot noir 2013 Heissenstein : là, c'est vraiment une classe au-dessus. Un nez superbe digne d'un cru bourguignon. Une bouche séveuse et élancée, d'une grande intensité aromatique. J'adore !

DSCF3124

Merci à Mireille et Patrick pour leur accueil chaleureux (et le bon repas !)



Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Eric Bernardin 4274 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine