Certes, l'été ce n'est pas encore pour tout de suite, mais quand même quand on est en juin depuis hier, on peut commencer sérieusement à y penser : et c'est ainsi que les trois romans policiers que nous avons lu récemment Michel et moi constituent d'excellentes lectures à vous conseiller pour amener à la plage. Plus de vulgaires enquêtes de routine, comme il en sort par centaines sur les rayons des libraires, il s'agit ici de livres proposant un suspense original, parfois même dérangeants, et qui sont l'oeuvre de trois solides auteurs :
1. Six Fourmis Blanches : Sandrine Colette, la Stephen King du Morvan..
« En ce début de journée du mois de mars 2013, nous ressemblons à une courte file de fourmis montant à l’assaut des montagnes, sages et ordonnés bien en ligne, et peut-être les autres se demandent-ils comme moi pourquoi ils ont plongé dans cette escapade, à quoi cela leur sert, et si le plaisir de raconter ce qu’ils auront vécu là-haut vaut la peine que nous avons à enchainer un pas après l’autre, inlassablement, entre les pauses pour boire, respirer, boire encore. Vigan nous a prévenus : nous perdons un litre d’eau par tranches de cinq heures en altitude, et nous perdons aussi le sentiment de la soif, à cause du froid. »
Lou, Elias, Arielle, Lucas, Etienne et Marc auraient dû se méfier, un tirage au sort qui vous fait gagner un trekking de quelques jours au nord de l’Albanie à la frontière du Monténégro, servir de cobaye pour un nouveau circuit dans une région aride aux superstitions encore vivaces n’est-ce pas trop pour eux ? Mathias lui, il connait ces montagnes comme sa poche, son métier de sacrificateur impose le respect dans tous les villages alentour mais lorsque le parrain local lance un contrat sur sa tête alors Mathias doit fuir et si la nature est parfois cruel il sait que l’Homme lui est sans pitié. Forcément ces deux mondes vont se rencontrer et cela va mal se passer.
Avec pour décor un enfer glacé, ce récit illustre à la perfection la locution latine chère à Hobbes : « l’Homme est un loup pour l’Homme ». Sans fantôme, sans esprits maléfiques, sans force surnaturelles, la romancière avance ainsi dans son récit - et le lecteur avance avec elle- avec une efficacité diabolique.
Grâce à une écriture rapide, claire et sèche, elle croise ses intrigues et accroche le lecteur. Après « Des nœuds d’acier » ( voir notre excellente critique ici même) et « Un vent de cendres » Sandrine Collette signe un nouveau roman angoissant qui met les nerfs du lecteur à rudes épreuves. Sandrine Collette possède indéniablement a du talent et du culot dans l’écriture, un peu comme Stephen King de ses débuts.
Oui, vous avez bien lu, Le Stephen King français est une femme, elle vit dans le Morvan, une région où au détour d’un sentier on croise un rocher porteur des griffes du Diable, et le Diable , Sandrine Collette le connait bien, elle le convoque dans chacun de ses romans.
2 Dressé pour tuer ; Tchinguiz Abdoullaïev : un formidable roman d'espionnage à la russe
« A en juger d’après la situation dans le pays, reprit Drongo, le ministre des finances est une figure clé dans le gouvernement. Demain, il va à Londres, et vendredi il parle à la Douma. Donc, vous voulez que j’assure sa protection. Ou plutôt non. Il vous faut un expert capable de déjouer un attentat dirigé contre lui. J’en déduis que vous avez identifié l’organisateur du crime et que vous le craignez. Et vous redoutez une nouvelle tentative, où on ne pourrait pas escompter un nouveau miracle. Et enfin, Colonel il y a ce porte-documents que vous tenez. Manifestement il contient le dossier sur l’organisateur de l’attentat. J’ai deviné ? »
Un attentat manqué contre le ministre des finances, en plein centre-ville, un ultimatum qui met le gouvernement tout entier en danger et c’est « 24 heures chrono » lancé en plein Moscou. Des tueurs sans foi ni loi, des politiciens intègres ou corrompus, des militaires bornés et sur les dents, des courses poursuites, des alliances et des trahisons, un pays, un président et un gouvernement en danger mais aussi un détective privé intuitif sans peur mais pas tout à fait sans reproche, oui tout cela on l’a déjà vu dans les romans de John le Carré, Robert Littell ou Robert Ludlum, mais là, nous sommes à Moscou au cœur du pouvoir Russe voilà tout le sel de « Dressé pour tuer ».
Formidable roman d’espionnage à l’écriture sèche et rapide, Abdouullaïev nous entraine dans la Russie contemporaine entre Kremlin et Douma, précisément là où s’écrit l’avenir du pays et où tout se décide.
Son intrigue menée sur les chapeaux de roue illustre à la perfection la maxime prêtéeà un roi de Macédoine : « Gardez moi de mes amis, mes ennemis je m’en charge ».
La littérature Russe distrayante est plutôt rare, une raison de plus pour accepter la ballade avec un auteur qui apparemment sait de quoi il parle puisqu’il fut historien, juriste et qu’il servi dans le renseignement militaire.
Entre la place Rouge et la place du Manège, il a un sacré prénom notre guide : Tchinguiz……
3. La ferme, Tom Rob Smith : un thriller psychologique sous fond de conflit familial
"Lorsqu'on vit dans une communauté qui croit à ces mensonges, qui les répète, ils deviennent réalité - pour toi et pour les autres. Impossible d'y échapper, parce qu'il n'y a pas de preuve qui tienne. Il s'agit là de méchanceté, et la méchanceté se moque des preuves. Tout ce qu'on peut faire, c'est disparaître dans sa tête, vivre dans ses propres pensées, dans son imagination, mais le répit est de courte durée".
Daniel reçoit le même jour deux appels téléphoniques qui l'inquiètent au plus haut point, l'un de son père, l'informant que sa mère a été internée et un autre de sa mère, lui disant qu'il ne faut surtout pas croire ce que son père pourrait lui raconter. Daniel vit à Londres alors que ses parents ont acheté une ferme en Suède pour leur retraite, ce qui ne facilite pas les échanges. Daniel va devoir jongler entre des informations contradictoires et choisir lequel croire et aussi forcément lequel trahir...
Oscillant entre la théorie du complot et les arcanes de la mémoire, voilà un excellent thriller psychologique, écrit par l'auteur d'Enfant 44 ( que je n'avais pas lu mais que je devrais vite voir en film lors de sa sortie DVD) qui fait évoluer le lecteur sur une corde bien pentue .
Au fil des révélations, nous sentons se manifester un sentiment d'égarement pour le moins peu confortable, entre paranoïa et mythomanie. On ne sait qui et que croire et l'on se retrouve quasiement aussi perdu que Daniel qui est obligé de se fier à son instinct pour tenter de démeler le grain de l'ivraie dans ses versions totalement contradictoires.
Thriller à la fois familial et psychologique, le roman de Rob Smith est particulièrement réussi sur ce qu'il dit sur les non-dits, les secrets qui empoisonnent toute famille. Tom Rob Smith s'interroge sur la connaissance que nous avons de nos proches, sur les secrets, et sur la manipulation imbriquée dans les sentiments familiaux.
J'aime quand, comme ici, un roman policier joue ainsi plutot finement sur la psychologie de ses personnages, ainsi que sur la différence d'appréhension des différentes scènes qui nous sont présentées.
Le roman est d'autant plus passionnant de part la nature autobiographique de la genèse du roman (dévoilée à la fin du livre par l'auteur). En effet, à partir d'un fait qui a réellement concerné sa propre famille, l'auteur a écrit un roman qui ne nous laisse aucun répit, et si la fin est légèrement déceptive, ce roman reste un fort bon cru à dévorer sans attendre.
Alors, ils vous plaisent pas nos trois romans policiers singuliers?