Donner un sens à sa retraite
Le Club des vieilles lampes
Dans l’atelier d’un musée se cachent des lutins, qui tout en réparant de vieilles radios, bavardent et partagent de beaux moments autour d’une bouteille de vin et d’un bon repas. Ces lutins font partie d’un groupe, le Club des vieilles lampes du Musée des ondes Émile Berliner à Montréal. De passage dans leur atelier, je vous partage mon expérience en leur compagnie.
Annie Dion-Clément dossiers Communautaire, Culture
Joe, un ancien technicien qui a travaillé pendant 38 ans pour la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, raconte que leur local est un atelier de réparation. McDuff, ancien employé de Radio-Canada surnommé le castor constructeur, a réalisé l’atelier en bois recyclé: «Tout le bois vient soit de sa maison, explique Joe, soit de morceaux jetés dans le stationnement en arrière du musée.»
Ces lutins sont le cœur du musée. Tous bénévoles, ils réparent radios, anciens téléviseurs, transistors, gramophones ou tout autre objet appartenant au studio d’enregistrement du Musée des ondes Émile Berliner. Et notamment grâce à eux, le Musée possède une collection de plus de 30 000 objets, auxquels ces messieurs se prêtent volontiers comme guide pour les visiteurs.
Au cœur de la radio
McDuff explique l’engagement de ces lutins bénévoles: «En vieillissant, on souhaite retrouver nos zones de confort et il devient parfois difficile d’avoir une activité où on se sent compétent et à l’aise. Alors, ici, les membres ont l’impression d’exister. En travaillant dans l’électronique, ça nous rappelle de bons souvenirs. On est tous contents de partager la même passion pour des objets. Et c’est pour une bonne cause.»
Joe rappelle que le Club est avant tout un endroit de rencontres et d’échanges de gars pour la plupart à la retraite: «À la maison, les gars ne parlent pas d’électronique et de technologie du son avec leur femme. Moi, j’ai atterri au Club après ma séparation. C’était dur les premiers temps! Avec des gars, on a même organisé un souper de Noël pour ne pas être tout seul. Les gens sont chaleureux et solidaires.»
Plus que de la réparation, les lutins s’entraident et forment un groupe de soutien. Le tout pour le grand bénéfice du Musée des ondes Émile Berliner.
Club des vieux tubes
Rémi, un Français de la région du Pas-de-Calais ayant fait carrière chez VIA Rail, a eu l’idée de créer le Club en 2004: «On l’avait nommé au départ le Club des vieux tubes. L’idée de tubes venait de l’expression anglaise Radio tubes.»
Il me montre la première publicité du Club présentant une fusée de bande dessinée qui évoquait les testeurs de vieilles lampes. La publicité n’a jamais été distribuée. Il l’avait conçu par plaisir, pour développer le sentiment d’appartenance au Club.
Robert, autre lutin bénévole, explique: «À l’époque, la plupart des gars n’étaient pas encore à la retraite donc il leur était difficile de s’investir dans cette activité. Mais il y a environ 6 ans, les membres ont eu accès à un local dans le même édifice que le musée et c’est devenu ainsi plus facile de se réunir.
«Au fil des années, le nom a changé pour le Club des vieilles lampes. On le surnomme aussi le groupe CDVL en référence à une chaîne radiophonique comme CIBL par exemple. Aujourd’hui, il y a une vingtaine de gars réguliers. Tout le monde est le bienvenu!»
Les membres se réunissent pour faire fonctionner de vieilles radios et écouter des stations aux États-Unis et même une de Mexico City.
Lutins acheteurs
Plusieurs des hommes qu’on retrouve au Club des vieilles lampes sont aussi membres de la Société québécoise des collectionneurs de radios anciens: «Plusieurs membres s’y recroisent pour faire les encans et découvrir des pièces de collection. On organise même des activités comme celle à la cabane à sucre. La dernière a eu lieu à la ville de Mont St-Grégoire», raconte Robert.
Il ajoute que le Musée de radios de Sorel est en train de fermer. Dans cette région, plusieurs marchés aux puces sont organisés où des pièces exceptionnelles y sont revendues. Rémi me présente sa dernière acquisition: un radio RCA Victor ayant été fabriqué au Japon.
Au même moment, un autre membre du club apporte une vieille table tournante des années 1930: «Cette table était utilisée pour les 78 tours. C’est un modèle qu’on appelle Stream line ou de style Art déco. Elle a été créée par un designer industriel américain qui était très connu, John Vassos.»
Il m’invite à le suivre dans la salle d’exposition pour me montrer où il va mettre l’objet. En passant, il me désigne une publicité du Stream line où on voit un train qui à la même forme que l’aiguille de la table tournante qu’il vient de réparer. «Je suis passionné par la restauration de vieux objets, mais je ne suis pas un ébéniste de formation. Mon oncle a travaillé pendant la Guerre en Angleterre et il s’intéressait aux radios. C’est de lui que me vient cet intérêt.»
À notre retour, une dame discute avec Robert de lampes qu’elle vient tout juste de lui apporter. Son père était un important collectionneur et passionné de lampes, de radios, de tanks, et d’avions de la marine durant la Seconde Guerre mondiale. Il a fait un don important de 1 100 lampes de radios au Musée des ondes Émile Berliner.
Bonne franquette
Sur l’heure du midi, les membres se mettent à table. Quelques-uns ont leur repas maison, d’autres vont se chercher des plats et certains poursuivent leur bricolage. Plusieurs ont apporté une bouteille de vin et parlent cépage et provenance. L’ambiance est à la bonne humeur et au partage. Des chips, des olives et des verres de vin sont servis sur une table. Tout le monde déguste en bavardant. Les lutins du Musée des ondes Émile Berliner prennent leur pause avant de retourner réparer d’autres petits trésors de l’Histoire d’ici et d’ailleurs.
Musée des ondes Émile Berliner
Le Musée des ondes Émile Berliner de Montréal a été fondé en 1988 par l’historienne de l’art Nicole Cloutier. D’après le secrétaire du musée, M. Pierre Valiquette, le Musée des ondes Émile Berliner est important pour l’histoire sociale et technologique du Québec. La province a été un fleuron de l’industrie des communications avec notamment le transmetteur construit par M. Berliner qui fut vendu à travers le monde.
Actuellement, le musée est en voie de mutation. À l’heure actuelle, il fonctionne sans financement public, avec pour seule énergie celle de ses fondateurs et de ses bénévoles. L’inconvénient de cette situation est la difficulté de produire des changements dans un échéancier raisonnable.
Pour les années à venir, la volonté de Mme Cloutier et de son mari, M. Jean Bélisle, est d’institutionnaliser le musée pour correspondre aux critères de muséologie. L’une des étapes étant de reconstruire de leurs locaux.
Le Musée des ondes Émile Berliner compte plus de 30 000 objets pour une valeur totale de 600 000$. Le Musée regroupe tout ce qui est relié au son. Le matériel pour diffuser et écouter, mais également des CD, vinyles… Leur répertoire de disques contient approximativement 18 000 articles.
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