Un samedi pas comme les autres

Par Eric Bernardin

Samedi dernier, j'étais invité à Saint-Yrieix chez l'ami Christian. J'y ai retrouvé quelques membres du club de dégustation que j'anime. Son épouse Dominique nous avait concocté un très bon repas, accompagné de tout aussi bons vins. Bref. Un samedi comme j'aime :-)

Nous avons démarré le repas avec un Champagne Extra-Brut de Bourgeois-Diaz, la seule bouteille de la journée qui vienne de Vins étonnants. Il est fin, rafraîchissant, avec une bulle discrète et juste ce qu'il faut de vinosité. Un vin parfait pour accompagner un plat sans le dominer ni l'affaiblir. Simplement passer un bon moment.

Ces feuilletés d'escargots en persillade m'ont réconcilié avec le gastropode. Je trouve cela nettement meilleur que lorsque la bête est seulement servie dans sa coquille. Le feuilletage atténue le goût du beurre aillé/persillée et apporte une croustillance bienvenue. Il y avait aussi des toasts au tartare d'algues et aux cèpes, mais la maîtresse de maison les jugeait peu photogéniques.

Ce tourteau en rémoulade de céleri était délicieux.  Un travail collectif puisque c'est Christian qui s'est chargé de décortiquer patiemment les crabes. Les splendides assiettes m'ont rappelé un repas chez Kei. Normal. En retournant l'une d'elles (vide), j'ai vu la signature "Jaune de Chrome". 

C'est justement ce porcelainier local qui fabrique les assiettes de Kei.

Le Limoux Louis 2011 des Hautes terres (Chardonnay/Chenin), rond et frais, doté d'une belle matière, a parfaitement accompagné le tourteau.

Puis nous sommes passés à un pavé de boeuf du Limousin longuement maturé accompagné de morilles et d'un cannelloni au cèpes. Petite touche originale terre/mer : une huître était posée sur le boeuf (juste après la photo), apportant une note iodée le temps d'une bouchée. La viande tendrissime était parfaitement cuite, c'est à dire bien saisie à l'extérieur, et très peu à l'intérieur.

Ce Morey Saint Denis 1955 de Léon Violland apporté par Claudine était loin d'être en fin de course même s'il était prêt à boire. Il avait un nez de cerise confite, d'encens et d'épices, et une bouche fine et séveuse, au toucher très doux, avec une belle persistance. Il a montré une bonne résistance à l'air, puisque le fond de bouteille servi 1 heure plus tard était toujours aussi bon.

Ce Daumas Gassac 1998 vous réconcilierait presque avec ce domaine qui a perdu de son prestige ces dernières années. Il faut dire qu'à l'époque, les meilleures vignes de Cabernet Sauvignon était dans cette cuvée alors qu'elles vont aujourd'hui dans "Emile Peynaud". Du coup, on a ici un véritable hybride entre un grand Bordeaux et un grand Languedoc, avec cette tension majestueuse médocaine enjolivée par la garrigue méditerranéenne. Superbe (il faut dire que 1998 est un grand millésime dans la région).

Lorsque Christian m'avait contacté pour me questionner sur les accords, je lui avais conseillé le Saint-Nectaire s'il voulait servir un beau rouge sur le fromage. Apparemment, c'est le moment idéal pour l'apprécier, car il était juste parfait, avec une pâte hyper moelleuse et un goût très vin.

Non seulement il ne nuisait pas au vin mais le mettait en valeur.

Ouvert au débotté, ce Château Giscours 1990 s'est montré à la hauteur du millésime : bien mûr, équilibré, avec des tannins parfaitement polis, et beaucoup d'élégance. Mais il faut admettre qu'il a souffert un peu après le Daumas Gassac, plus puissant et complexe.

Nous finissons le repas avec fraises cuites rapidement dans un sirop au poivre japonais et une touche de grand marnier accompagnés d'une glace à la vanille (chaud/froid, donc). C'est relevé sans arracher, car ce poivre n'est pas très fort (il ressemble au Voatsiperifery sauf qu'il semble avoir été mariné au sel).

Le mariage avec le Marie Kattalin 2007 du domaine de Souch fonctionne bien. Son côté pur et cristallin évite toute lourdeur et ses parfums exotiques s'allient à la fraise et aux épices.

Nous finissons par un Sake (?) au yuzu, très rafraîchissant même s'il est à température ambiante

et un sake tout court, doux et délicat.

Ce repas était non seulement un régal pour le nez et la bouche, mais aussi pour les oreilles et ce qui se situe entre les deux. Les discussions étaient en effet très intéressantes, que l'on parle vin, gastronomie, Japon et de plein d'autres choses !...