"Meurtre à la cathédrale"! Si le titre n'avait été pris en son temps (1935) par l'éminent T.S. Eliot dans sa pièce de théâtre consacrée au meurtre de Thomas Becket, l'archevêque de Cantorbery en 1170, Jacques Fortier aurait tout-à-fait pu intituler ainsi son nouvel ouvrage.
Car, aujourd'hui, le meurtre relaté par Jacques Fortier dans "Chapitre fatal à la cathédrale" a lieu en 1994, au pied du célèbre Pilier des anges de la non moins célèbre cathédrale de Strasbourg.
Neuf chanoines s'apprêtent à célébrer la messe du matin, lorsqu'on s'aperçoit qu'il en manque un, hélas retrouvé assassiné!
L'église fait alors appel discrètement à Jules Meyer, le détective bien connu des afficionados de Quinze jours en rouge, Dessine-moi un loup, Sherlock Holmes et le mystère du Haut-Koenigsbourg, tous ouvrage parus dans la collection "Les enquêtes rhénanes", chez Verger Editeur".
L'intrigue complexe relie les événements du lointain passé de la cathédrale en 1419 à ceux d'un passé récent. Quel mystère caché sous les pierres de l'édifice, appartient aux deux époques? Comme dans Le Nom de la rose qui se présentait à la fois "comme un mystère médiéval, pastiche du genre policier", la rencontre des interrogations de la fin du Moyen âge rejoint celle des bâtisseurs de tous les temps. Et comme chez Umberto Eco, qui avait calqué sur le Zadig de Voltaire les savantes déductions de son enquêteur à partir de quelques traces sur le sol, l'arrivée de Jules Meyer et ses fines intuitions sont réellement dignes d'un Sherlock Holmes.
Comme toujours, l'ouvrage de Fortier est très documenté. Sous l'humour, court la trame historique. Les amoureux de la cathédrale se régaleront de découvrir nombre de secrets sur sa construction et les promeneurs de la ville se délecteront d'arpenter les rues rebaptisées selon le nom qui leur était donné au XV° siècle. Déambulation à travers l'espace et le temps.
Et puis, traversant les siècles également, il faut découvrir le charme d'un stammtish, "ce repas des habitués et- par extension- la rencontre régulière d'amis dans les débits de vin ou de bière, d'Alsace".
Ils sont quatre amis justement à se retrouver par-delà le temps pour commenter les événements de la cité: "Antoine était écrivain public, et troussait de belles lettres en latin pour les juristes, en alsacien pour les amours, en strasbourgeois pour les affaires. Denys était marchand de biens, Dominique, marchand de grains." Il me semble bien les reconnaître, ces trois là, auxquels s'est joint Jean, le héros de ce récit. Il me semble bien que leur présence est réelle à la Table de certaines auberges d'aujourd'hui...Il me semble encore les avoir croisés ici et là, de temps à autres...Mais peut-être n'est-ce qu'illusion, simple réminiscence d'un passé que l'auteur nous révèle à chacun de ses ouvrages. Allez savoir!
Pendant de temps, la cathédrale, vieille dame très digne, fête ses mille printemps. Belle idée de faire sortir l'ouvrage en ces temps de célébrations!
Chapitre fatal à la cathédrale
Jacques Fortier
Verger Editeur
240p. 10 euros
tableau du stammtish emprunté à ce blog.