Je regarde cette porte, que tu as poussée hier, la lumière qui frôle le sol, le jeu des ombres sur les murs. Et tu me manques. Ton rire me manque. Le jour s'est levé sur ton absence, plein de perplexité. Ce n'était pas un rêve, je t'ai vraiment demandé de t'en aller. Je me pensais incapable de faire de nouveau cela dans ma vie, m'arracher le coeur. Mais j'ai réussi. Et tu es parti. Et peu importe à présent si mon corps est blessé, strié de grandes cicatrices douloureuses, si je ressens physiquement la lame d'un poignard me transpercer le ventre et y creuser ta tombe. Nous n'étions plus que des fantômes l'un pour l'autre, en danger. Et j'avais besoin que tu t'en ailles pour retrouver celle que je suis. Dans le tumulte qu'est notre vie présente, nous nous serions perdus de toutes façons. Je commençais à me détester de te chercher, de t'attendre. Depuis la veille, étrangement, chacun de mes gestes résonnent dans l'appartement. Le choc de la bouilloire sur la gazinière a provoqué tout à l'heure un long écho lugubre. Toi parti, les sons semblent avoir appris un autre langage. Le temps s'écoule par petites gouttes pointues. J'ose à peine bouger, je redoute la vague de remord qui me fera douter. J'ai pris ma journée pour pleurer ce qu'il faut, m'enrouler dans des pulls, des écharpes, éprouver ma douleur jusqu'au bout, boire et manger du bout des doigts. Oublier les échanges, les autres. Rester avec la part animale qui hurle en moi. Toutes les deux nous avons besoin de parler, de décider du silence des prochaines semaines, de l'abandon. Tu as tes erreurs à faire. Ces erreurs qui font vibrer ton téléphone les week-ends, et te rendaient dernièrement trop soucieux. J'ai confiance. Je sais que ce qui nous rapproche trouvera bientôt son chemin dans mes disparitions. Que ton départ était le seul moyen de ne pas te perdre. Qu'il n'y a pas de souffrance inutile, pas de patience vaine. J'attends ton retour. Mon alter ego.
Une photo (de Marion Pluss), une inspiration, beaucoup d'imagination, et au final un texte... tout ça pour l'atelier d'écriture de Leiloona [clic]. Un texte, rédigé in extremis dimanche soir, et largement inspiré par la chanson de Jean-Louis... et peut-être aussi par mes souvenirs de Soie d'Alessandro Barrico, parce qu'elle me rappelle ce roman cette photo.