Il aura fallu quatre jours pour que les digues lâchent. Si tant de beauté m’a happée dès les premières heures, si la générosité de mon hôte m’inondait, mon cœur restait sec, verrouillés mes sentiments à l’intérieur. Il m’a fallu me faire mal, courir à m’en brûler les poumons, marcher à m’en anesthésier les jambes pour qu’enfin les émotions enfouies au fond de moi débordent à nouveau.
Cette fois la mer n’a pas suffi, il y avait trop, trop longtemps, trop lourd, trop tu. Il a fallu la pierre, la montagne, la douleur. Le bleu turquoise tout en bas. La pierre chauffée au soleil sur laquelle je me suis assise comme sûrement tant d’autres avant moi, le soleil qui brûle les épaules, l’odeur d’immortelle qui me ravit, les buissons qui me griffent les jambes, les lézards qui filent sous mes pas. La nature sauvage et pure encore.
Alors seulement j’ai ôté les couches d’indifférence et laissé la vie prendre toute sa place. Mis mon cœur à nu et accepté la noirceur pour mieux la laver de l’eau salée de mes larmes, laissant des sillons dans la sueur et la poussière de mes joues. Déposé les armes à mes pieds sur le sable. Fait la paix avec moi-même, et le chemin à l’envers. Pris le temps d’écouter la vie qui roule et gronde au dedans comme les vagues sur les rochers par grand vent.
Les larmes ont jailli alors de gratitude et de joie, trop-plein de mon coeur, pour ce que la vie me permet d’expérience à engranger. Là en bas, tout engoncée dans mon quotidien qui court, il m’arrive d’oublier ma chance de nantie. Le sel et l’eau pour mettre mon âme à nu, vierge à nouveau, j’ai quitté le Sentier des Douaniers pour renaître au monde.