Sympathique, ce roman présente un personnage de femme assez marquant. Tout commence avec un constat cruel de la condition féminine, avec une Marie qui attend sagement que les détails de son mariage soient réglés par les hommes de sa famille comme un vulgaire contrat commercial, pendant qu’elle baisse les yeux devant le regard de Michel, son ami d’enfance qui lui, l’aime sincèrement, mais qui en tant que fils cadet ne peut même pas envisager de s’accomplir par le mariage. Par une ironie du sort terrible, l’accusation terrible portée à Marie devient son lot quotidien. Loin des fantasmes dorés et sulfureux, la vie de prostituée itinérante est sordide, entre la maladie qui rôde, l’hygiène toujours nécessaire, la rivalité entre filles, l’appât du gain et surtout, la violence omniprésente, tant les hommes peuvent être prompts à obtenir par la force ce qu’ils ne peuvent obtenir par l’argent. L’évolution de Marie, d’ailleurs, soigneusement dépeinte dans la dernière partie du livre, fait un pincement au coeur: la douce jeune fille sûre de sa vertu au début du livre devient une femme dure, impossible à émouvoir, détachée de son propre corps.
Dans sa quête pour la vengeance et la vérité, Marie nous offre ainsi un regard intéressant sur la prostitution et la manière dont elle est perçue. Tantôt engagée pour divertir un mari pendant la grossesse de son épouse, tantôt sur les routes à enchaîner les hommes de passage, tantôt protégée par un riche seigneur, et même participant à la révolte des catins lorsque les femmes respectables se mettent à vendre leurs charmes pour s’encanailler dans une concurrence déloyale, elle dessine un portrait de prostituée tout en nuances.
Mon seul regret concerne le style que j’ai trouvé bien sage, bien convenu pour un roman qui se veut sulfureux. Le sexe est décrit à mots couverts, et on est loin de l’esprit provocateur du titre. La fin, elle aussi, est bien convenue, puisque Marie ne parviendra jamais totalement à s’affranchir de la domination masculine : épouse ou catin, voilà l’alternative dont on ne sort jamais. Vous me direz, c’est réaliste. Mais j’espérais justement un peu d’espoir de la part du roman.
La note de Mélu:
Un bon moment de lecture.
Un mot sur l’auteur: Iny Lorentz est le pseudonyme de Ingrid Klocke (née en 1949), une auteure allemande.