Arrivés dans la place, et alors que résonnent au loin les borborygmes mélodieux du chanteur de Fucked Up, adepte vérifié du hugging, le festivalier hâte ses pas vers la grande salle.
Au rayon légendes, l'an passé nous avions The Fall, cette année place à Swans, et à son démiurge Michael Gira. Bon, le set prévu est l'un des plus longs du festival, mais 15' d'incantations auront raison de nos forces. A-t-on envie d'entendre un vieux disque de Can rayé ? Pas plus que ça, alors direction le club...
Un festival, et plus encore lorsqu'il s'agit de jouer des coudes, ça se mérite. Donc, l'envoyé babylonien se place en vue d'un concert ultérieur. Là, il s'agit de OUGHT, groupe québéquois. Et de chercher dans ces chansons au format pop tout ce qu'il y a de plus conventionnel, le chant, le look, la présence qui pourraient déclencher un frémissement, le commencement de quelque chose. En vain. poupins de cire....
La mode cette année est au cheveu court, ou en tout cas raccourci. Un grand nombre de frontmen habituellement échevelés se sont par conséquent fait rafraîchir la couenne. Parmi eux, le premier grand moment du festival, le camarade de jeu du grand (et également poupin) Ty Segall. J'ai nommé Mikal Cronin, qui avec John Dwyer attendu plus tard en soirée et les Wand le lendemain constituent les derniers noms de la riche scène de Frisco à poser leurs amplis à Paloma - ne reste sans doute que The Fresh and Onlys pour compléter le tableau de chasse.
Auteur cette année d'un troisième Lp de bonne facture, l'américain convainc sans peine en quelques accords bien assénés, chansons immédiatement mémorisables, énergie de bon aloi. Plus pop encore que ses confrères précités, ceci explique sans doute cela. Excellent.
Dis-moi qui tu fonkes...
Dans un registre somme toute différent, la grande salle accueille la nouvelle icône de disco transgenre de Vegas, l'étonnant Shamir qui du haut de ses 20 ans, offre une fusion assez inédite d'un fonk old skool, celui du Madonna de "Holiday" et du Prince de Controversy. Le tout avec l'organe vocal d'un enfant. Shamir on le sait, est la dernière sensation black du moment. Sensation nettement justifiée, et autant due au charisme qu'au talent. On connaît les hits bien-sûr, ces "On the Regular" ou "Call It Off", où ne pas tortiller du cul relève du challenge impossible. Mais à la vérité, c'est tout le répertoire du jeune américain qui est emballant.
Hormis peut-être sur ces titres où son trio accompagnateur est réduit à sa plus simple expression -un batteur, une claviériste et une vocaliste- sont plus en retrait, et lorsque les ballades le disputent au groove. Celles-ci cassent en effet le rythme résolument tourné vers le dancefloor. Et sont immanquablement desservies par l'attitude parfois indisciplinée voire irrespectueuse d'un public venu là certes pour prendre du bon temps, mais qui passe parfois son temps à bavarder sans se soucier de ce qui se passe sur scène ! Shamir en fera gentiment la remarque. Autrement, examen de passage plus que réussi.
On passera vite fait sur Thurston Moore, qui contrairement à son compère Lee (Ranaldo) l'an passé, lui aussi accompagné de Steve Shelley, n'a pas daigné s'attarder su le site, fût-ce pour customiser ses baskets à Yonic South, fan ultime. Rien que pour ça et le fait qu'il n'arbore pas vraiment un aspect poupin, on délaissera le grand échalas et la grande scène pour rejoindre le club et poursuivre notre quête de joufflus.
Car Kevin Morby, ex-bassiste de Woods et guitariste des Babies, s'est lui aussi coupé les cheveux, après avoir offert un nouvel album (Still Life) un peu moins dylanien que le précédent (Harlem River). Flanqué d'un batteur efflanqué et d'une bassiste maigrichonne, l'ami Kevin peine à emballer son set, la faute sans doute à un répertoire d'entame trop basiquement folk. Tout cela est de la belle ouvrage, mais l'on attend plus de peps. Et notamment sur la foi d'un dernier Lp pop et enthousiasmant.
El maestro
gazcoombes.com
Redirection la grande salle pour assister à la prestation de la plus célèbre paire de rouflaquettes pop depuis Neil Young - à peine devancée par celle de Joel Gion du BJM. On l'oublierait vite, car Gaz Coombes n'a pas 40 ans, mais notre homme fait de la musique et produit des disques depuis déjà 20 ans.
En rupture de Supergrass de façon brutale, Gaz n'a pas tarder à rebondir prestement, d'abord en concoctant un album avec son ex-complice Danny Goffey (Hot Rats en 2009). Puis en se lançant dans une épique et magistrale carrière solo. Epique, car qu'il s'agisse de Here Come The Bombs (2012) ou de son dernier-né Matador (2015), son œuvre moins immédiate que celle de son défunt groupe évoque les potes voisins de Radiohead, et tutoie les sommets à travers d'improbables (parfois) changement harmoniques. Témoignant du savoir-faire toujours intact de l'artiste.
C'est exclusivement centré sur sa paire d'albums et sans le moindre emprunt à Supergrass, que Coombes va enchanter le public plus d'une heure durant : qu'il s'agisse des ruptures abruptes mais enchanteresses de "Sub Divider", de l'émotion palpable de "One of These Days", la classe de "Seven Walls" ou bien le finale déchainé de "Break the Silence", l'ex-homme fort d'Oxford fait feu de tout bois. Chapeau bas Mr Coombes !
Pause bières et retrouvailles sur fond nightclubbing géant initié par Caribou, sur la grande scène, dans un rôle et un horaire qui étaient dévolus à Suuns l'année passée. La foule est déjà dense et bien chauffée (le tout dans un esprit impeccable) et les canadiens remportent sans problème l'adhésion.
Les sangles hauts longs...
sinequanonsalons.comL'heure est déjà bien avancée, et nos ischio-jambiers bien tétanisés, quand vient le moment pour John Dwyer d'en découdre avec ses Thee Oh Sees. La guitare sous le menton et vêtu d'un improbable débardeur rayé sur bermuda, le rubicond et omnipotent leader des californiens donne à fond dans le dandysme, il n'y a pas de doute. Délaissant le trio pour le gimmick un peu éculé et donc agaçant du double batteur, l'homme puise dans son imposante discogaphie. Le rite est immuable : son à fond, cris d'orfraie, cadence infernale. On peut reprocher au groupe ce qu'il est, à savoir un "groupe à formule" - comprendre qui joue un peu toujours le même morceau - mais dans le genre, la démarche est efficace.
Le quadra lambda et pas encore rompu au métabolisme du festival, commence à trépigner à force de station debout et de tension musculaire exacerbée... Demain sera un autre jour, et le métabolisme aura repris la main. D'ici là, keep rockin' dudes...