Note : 4/5
On avait un petit peu perdu George Miller ces dernières années, reconverti dans l’écriture, la production et la réalisation de films pour enfants (Babe 1 et 2, Happy Feet 2). Le réalisateur de la fameuse trilogie australienne post-apocalyptique Mad Max, semblait loin, très loin de ses films fondateurs, de la fureur, de la violence qui l’animaient alors. Mais cela était sans compter sur le Fury Road dont George Miller parlait déjà au milieu des années 90, alors qu’il avait déjà fort à faire avec le porcelet bavard.
© Village Roadshow Films (BVI) Limited
Bien lui en a pris de revenir à ses fondamentaux tant Mad Max : Fury Road est impressionnant de maîtrise, et tant ce dernier opus de la saga post-apocalyptique s’avère être l’un des meilleurs films d’action de ces dernières années, démontrant avec brio le talent de chorégraphe du réalisateur australien qui signe réellement une très belle danse métallique. Il est vrai que la valse des voitures, monster-trucks, et camions en tout genre qui constitue l’écurie des immenses courses poursuites de Mad Max, est incroyablement maîtrisée et elle-même soumise, au sein de la diégèse, à la rythmique imposée par un camion mené tambour battant et guitare furieuse, ainsi qu’à une mise en place minimaliste qui met toute sa maestria en valeur.
Il faut dire que le scénario du dernier opus de la saga tient aisément sur un ticket de métro : Mad max se retrouve malgré lui dans une course-poursuite qui vise à récupérer les nymphes du grand méchant Immortan Joe, enlevées par la puissante Furiosa, et les aide à s’en sortir une fois qu’il se trouve en leur compagnie. La dimension chorégraphique du film est tellement importante que le réalisateur lui-même a confié récemment vouloir en faire une version noir et blanc, muette, accompagnée seulement de la musique du film composée par Junkie XL, qui serait présente dans la version Blu-Ray du film (on attend ça avec impatience !).
Porté magnifiquement par le duo Tom Hardy (magnifique dans son rôle mutique et animal de Max) et Charlize Theron (la Furiosa impressionnante de puissance et d’assurance), le scénario, derrière sa simplicité réserve souvent quelques surprises réjouissantes. La plus belle étant de retrouver Mad Max non pas comme personnage principal du film, mais seulement comme celui qui apporte son aide. La véritable héroïne est Furiosa : c’est elle qui a l’objectif d’amener les femmes d’Immortan Joe dans le « sanctuaire vert » de son enfance, et c’est elle qui évoluera le plus et rencontrera les plus grands obstacles pour atteindre son objectif.
En réalité, Mad Max, et c’est aussi une des plus belles idées du film, est le personnage qui rappelle sans cesse que la Désolation, nom du territoire que se partagent les « maîtres » de l’eau (Immortan Joe), des balles, et de l’essence, n’est plus peuplé d’hommes, sinon d’humains animés par les seuls réflexes primaires de reproduction, pouvoir, et survie. Mad Max fait le chemin de l’animalité vers l’humanité. Il est aussi ce héros mythique que tout le monde a vu évoluer dans les films précédents, dont tout le monde a entendu parler, le seul qui puisse nous projeter vers d’autres personnages, celui que l’on suit pour entrer dans la fable féministe surprenante que met en place George Miller.
© Village Roadshow Films (BVI) Limited
Aussi réduit que le scénario qui le porte, le message du film, qui voudrait que les femmes soient la seule alternative à une humanité dirigée par des mâles réduits aux instincts de guerre et de sexe, est simpliste. Mais, à trop complexifier son propos, George Miller se serait éloigné de la mise en scène baroque machiniste qu’il souhaite mettre en place. Il faut dire que les aventures de Mad Max permettent la mise en place de longues séquences d’action qui n’existent presque que pour elles-mêmes et frisent même parfois, pour notre plus grand plaisir visuel, l’abstraction purement graphique. Dans un paysage cinématographique qui veut toujours que les blockbusters soient porteurs d’une morale bien pensante gonflée aux effets spéciaux, Mad Max : Fury Road fait un bien fou, remettant au centre de son dispositif la cascade à l’ancienne, artisanale, qui faisait la beauté de l’âge d’or du cinéma aux gros biscotos des années 80-90. Un film à voir !
Simon Bracquemart
Film en salles depuis le 14 mai 2015