Titre original : All Is By My Side
Note:
Origines : États-Unis/Angleterre/Irlande
Réalisateur : John Ridley
Distribution : André Benjamin, Imogen Poots, Hayley Atwell, Burn Gorman, Ruth Negga…
Genre : Biopic/Drame
Date de sortie : 26 mai 2015 (DTV)
Le Pitch :
De l’été 1966 à l’été 1967, l’ascension de Jimi Hendrix, jeune prodige américain de la guitare, populaire pour son jeu si atypique et ses aptitudes uniques de showman…
La Critique :
Tout a commencé à partir en vrille lorsque les négociations entre la production du film et les ayants droits de Jimi Hendrix prirent fin. À l’origine du conflit, la demi-soeur du guitar hero, mécontente du projet et fermement opposée à céder les droits des chansons de son frangin. Des frictions qui n’eurent pas la peau du biopic, mais qui lui interdirent d’utiliser les compositions du génie américain de la six cordes… Imaginez donc un biopic de Pablo Picasso sans qu’aucun de ses tableaux n’apparaissent à l’écran… Jimi, All Is By My Side est ainsi vierge de toutes compositions d’Hendrix. Sacré handicap pour un long-métrage censé capturer l’essence du musicien afin de mieux comprendre l’homme. Néanmoins, en voulant persister à monter le film, le réalisateur John Ridley (Oscar du meilleur scénario pour 12 Years A Slave) a contourné cet obstacle. Restait à voir comment il s’y était pris et si le résultat arrivait à convaincre sans que les hits de Jimi Hendrix ne retentissent à un moment ou à un autre. Le constat est la plupart du temps plutôt positif, même si on ne cesse jamais vraiment de regretter l’absence des tubes qui ont fait la légende.
Conscient qu’il ne pouvait décemment pas aborder l’âge faste de la carrière d’Hendrix, John Ridley a donc choisi de se focaliser sur une période précise, à savoir celle qui vit un talentueux guitariste inconnu au bataillon commencer à conquérir le monde à coups de riffs tonitruants. Sans trop parler de l’enfance de Jimi, ni de son apprentissage de l’instrument, comme le font la majorité des biopics. Au début du long-métrage, Hendrix est âgé de 23 ans et à la fin, de 24. Il joue pour d’autres, en arrière-plan, sans motivation particulière, si ce n’est celle de gagner suffisamment d’argent pour payer le loyer et s’acheter de quoi manger. C’est à ce moment qu’intervient Linda Keith, la petite-amie de Keith Richards, des Rolling Stones. Elle le voit sur scène, tombe amoureuse, trouve son jeu remarquable et le présente à Chas Chandler, le bassiste des Animals, qui fait le reste. Jimi, All Is By My Side élude dès le début la musique au profit des personnages. Loin de se focaliser uniquement sur Hendrix, histoire certainement d’équilibrer la balance et de noyer l’absence des tubes, le film fait la part belle à Linda Keith, ici interprétée par la toujours étonnante Imogen Poots, pour le coup fantastique. Une femme dont l’intervention permit à Hendrix de changer de statut et dont le rôle est véritablement mis en valeur, à l’instar de celui de Kathy Etchingham, alias la petite-amie du musicien, jouée par Hayley Atwell (alias l’Agent Carter de Marvel). Les deux femmes occupent ainsi beaucoup de place et au fond, le choix est judicieux, tant il permet encore une fois de répartir l’attention sur plusieurs personnes importantes de l’entourage d’Hendrix. Le stratagème est également le même quand il s’agit de faire intervenir d’autres personnalités de l’époque, comme Paul McCartney, Keith Richards ou encore Eric Clapton, qui est plus ou moins décrit comme un petit con égocentrique (ce qu’il était d’ailleurs, selon son propre aveu). La musique enveloppant le tout à coup de tubes, Dylan ou les Animals en tête… Jimi, All Is By My Side est finalement moins un biopic d’Hendrix que l’illustration d’une période bien précise de l’histoire du rock, vue au travers des yeux d’Hendrix.
Limitant au maximum les passages live et encore plus les enregistrements studios, le long-métrage s’avère parfois un poil bavard et confus, tant il semble vouloir traiter de trop de thématiques sans se donner le temps et la peine de les développer correctement. Il est par exemple question de racisme, mais juste le temps d’une paire de séquences. On sait que Jimi Hendrix aimait se défoncer mais rien ne vient vraiment nous montrer comment ou pourquoi. Ce biopic décrit un homme un peu lunaire et lunatique, capable du pire et surtout du meilleur, mais sans creuser ou ne serait-ce qu’émailler un petit peu le vernis sous la légende.
Cela dit, malgré cette propension à se perdre et à se heurter à des ambitions trop grandes, Jimi, All Is By My Side recèle de beaux moments. La meilleure séquence étant sans aucun doute celle qui voit le Jimi Hendrix Experience jouer devant des Beatles médusés une reprise surprise du morceau Sgt. Pepper’s Lonely Heart Club Band, histoire de leur rendre hommage. À noter que l’on peut également entendre Wild Things, la reprises des Troggs, qui figure parmi les plus populaires interprétations du guitariste.
Réalisé avec application par un réalisateur plein de bonnes intentions, mais un peu maniéré dans sa façon de tenter de justifier un montage un poil surfait, ce film bancal mais bel et bien intéressant, peu aussi compter sur André Benjamin. Malgré la différence d’âge (presque 40 ans au moment du tournage), celui que l’on appelle aussi André 3000 (quand il joue dans le groupe OutKast) s’en sort avec les honneurs. Physiquement, la ressemblance est parfaite, et finalement, le problème ne vient que de la partition que Benjamin doit jouer. On y revient, mais son Hendrix semble trop fade. Trop effacé devant les deux personnages forts qu’imposent Imogen Poots et Hayley Atwell. Lui n’y est pour rien, mais sa place dans le film est symptomatique du côté un petit peu anecdotique de ce dernier. Rythmé par les Hey Joe, Purple Haze, ou The Wind Cries Mary et Little Wings, ce biopic aurait déjà eu un autre impact c’est certain, mais en l’état, il reste trop imparfait pour vraiment rendre justice à l’importance de ce musicien iconique incontournable. Le grand film sur Jimi Hendrix reste donc à faire, mais celui-ci, avec son côté insolite et ses qualités indéniables arrive quand même à justifier le désir de son réalisateur d’aller jusqu’au bout, malgré les réticences des héritiers de la légende du rock and roll.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Universal Pictures France