Deux mètres à peu près de la dernière table de gauche à la terrasse du café au coin du boulevard Saint Germain il y a une grande grille métallique sur le trottoir, on croirait quasiment que des ventilateurs pourraient se trouver en dessous du boulevard, leur bourdonnement est tellement fort qu'on ne comprend presque pas ce que les gens aux tables voisines ont à se dire, une toile verte en lettres dorées sur le dessus et l'église de la place St. Germain des Prés qui est emballée dans un échafaudage, au mois de Mai il fait beau à la terrasse des deux Magots, un peu de côté trois homosexuels, l'un avec une chaîne en or qui remplace la ceinture de son pantalon blanc et une drôle de fille qui fait semblant de lire un livre sur la psychologie enfantine dans la période préscolaire, un instant après deux hommes arrivent et embrassent le mec au pantalon blanc, une autre fille aux cheveux blonds est à droite et elle porte des lunettes noires rondes posées sur ses cheveux et regarde dans le vide, un foulard bleu clair au cou, elle semble être Suédoise à la terrasse du café, peut-être que cette femme ferait mon affaire, pas beaucoup de volupté mais une vie assurée et calme, je savais que c'est ici sur le Boulevard Saint Germain et entouré de cette belle ville qui est Paris, ce Paris là occupe une place chaude dans mon cœur, jamais une telle ville ne pourra me faire perdre mes associations, mes rêves et mes syllogismes, le soir descend sur cette ville, les autobus vert et blanc ressemblent à d'immenses tortues se faufilant entre les files de lumière, en face le Drugstore Publicis, j'y serai dans deux ou trois mois et j'irai regarder dans ce café où je me trouve actuellement, c'est drôle, un matin qui viendra dans un futur, dans un mois, dans cinq ans et peut être même en Mai ou en Juin 2009 je passerai à proximité des statues d'Acis et de Galatée au Jardin du Luxembourg que tout le monde connaît bien d'ailleurs, alors Paris, la ville de Hemingway et celle de Sartre s'avère être parallèle à la mienne mais dans un autre temps, il est même possible que Ivich m'attende encore en 1939 à l'église Saint Germain des Prés, mais c'était une autre fois dans ma vie, pas aujourd'hui, en Avril dans trente ans ou plus, un soir en attendant Sophie tout mon passé défile, mais ce sera après, pas avant, elle viendra avec deux heures de retard, elle avait dû organiser une conférence et toute sa volonté de venir me voir et de s'en aller avec moi était subordonnée à son devoir, beaucoup avant mon Paris a lieu dès aujourd'hui. Au Deux Magots on offre du champagne à bon prix cet après midi et la Tour Montparnasse brille dans le soleil couchant, c´est mon Paris, les pyramides cachéessous les arbres du parc Monceau, Rue de la Fidélité, Rue du Paradis, tout s´entrepose au présent, je me souviens encore très bien de cet après midi, Maurice passait devant la terrasse des Deux Magots, c'était le Sursis et après tout s´est confondu, le présent, le passé, tout s'est entrelacé, elle s'approche de ma table très lentement, elle m'a reconnu de suite et ces quelques pas à travers l'espace plein de gens inconnus ont duré une éternité, cheveux blonds, lunettes, un pull rosé en cachemire, elle me donne la main en me disant " Bonjour monsieur, vous m'attendez depuis longtemps ?" et je la regarde de tout près, ses mouvements se ralentissent et le temps saute en avant, c'est impossible mais c'est mon présent de mes écrits, j'y suis présent, c'est un regard qui passe du passé au futur. C´était le jour de mon huitième anniversaire, mon père avait accompagné quelqu'un qui devait voyager avec le train de nuit à Nevers, c'était Carlos Oskar Henrych, un ami du jeune baron de La Fayette (tous deux avaient dix-huit ans et ils aimaient en secret ma maman, une femme très belle de trente-neuf ans), mon papa avait pris le chemin le plus court de la rue Castiglione (du Continental) autour du Maxim's, place de la Concorde, le pont et à gauche le Boulevard Saint Germain, il arrêta sa Renault Primaquatre devant la brasserie Lipp et nous avions traversé le boulevard désert, un rayon de lumière passait à travers les rideaux du café Aux Deux Magots, un faisceau étroit de lumière, mon père a commandé du champagne et ils m'avaient permis d'en goûter, dehors à la terrasse il n'y avait presque personne, tous ces gens étaient à l'intérieur, il faisait froid le mardi soir du 27 septembre de l'année 1939, seulement un homme était resté tout seul, il regardait cette église, ce monument historique contre le ciel noir, pareille à une chapelle de campagne, c'était égal. Hier sur le Boulevard Montparnasse il y avait beaucoup de monde, la Rotonde et le Dôme pleins de lumière, Mathieu, Dany et Maurice et n´oublions pas Ivich, je confonds tout peut-être, une illusion du déjà vécu prend sa place dans la réalité objective, Maurice écrit " Il n´y a pas moyen d´échapper" dans sa fameuse lettre à Lisette, et ce n´est qu´un miroitement chaotique et fractal des célèbres pommiers de Mandelbrot ou de ces figuiers inconnus, il se peut que nous mangions les fruits des jardins du Paradis, ce qui nous a été d´ailleurs défendu, passant directement au dessus de la rue de Rennes un hélicoptère bleu et blanc fit un vacarme diabolique, il n´avançait pas, il était immobile dans l´air, peut être voulait-il atterrir là-bas, Ex omnibus partibus relucet totum, le jardin du Luxembourg était alors derrière nous aujourd´hui je pense à Nietzche rien n´est vrai, tout est permis en regardant les affiches des concerts et je lis MOZART au Music-hall Bobino, derrière la Rue Soufflot et le Panthéon avec l´Hôtel des Grands Hommes délabré au coin de la rue, Le Séminaire des Irlandais et de l´autre coté le fameux resto L´Ecurie, le bar cartésien La Méthode et plus loin la Tour Montparnasse, tout ceci existe ici et date du début des temps, tout est à la même place, à sa place, toute cette ville tourne en rond autour d'un axe inexistant, même les longues balades au Bois de...
et à la Contrescarpe le dancing assez populaire
...Boulogne, les randonnées à vélo ou sur le dos du cheval de monsieur Bonnaud toujours autour du Grand lac aux bateaux, en 1939 nous habitions au premier étage du 92, rue de Tocqueville près du Parc Monceau, hier j'y suis allé voir, cette belle maison était toujours là, c'était aussi en Juin "Voyez vous Madame, je me demande pourquoi je vous raconte toutes ces histoires?" dis-je avec une question dans ma voix et je savais que tout, vraiment tout (je la regardais du bout de ma table au café Le Luxembourg situé au coin du Boulevard Saint Michel et de la rue Médicis, devant elle un express déca, elle était un peu fatiguée après la nuit pleine de caresses, d'odeurs et de sons érotiques, elle m'écoutait, elle me regardait, elle me répondait vivement pour jeter un rapide coup d´œil seulement sur les passants et même sur moi et se tenant immobile, elle respira deux ou trois fois profondément et me dit soudain: "Ne pensez vous pas, cher monsieur, que nous perdons notre temps? Voyez vous, je vous écoute quand même avec une grande attention, mais venez chez moi, venez vite, laissez de coté même ce Piano Bar " et soudain tout était comme autrefois : A gauche c'était le bureau de papa avec des meubles en acajou et cuir brun foncé, à droite le bureau de la secrétaire Mlle Barben (celle dont parlaient les quatre hommes au resto de l´hôtel Continental, dans la rue Castiglione). Vlevo jsou dvě místnosti vybavené klubovkami z hnědé kůže a vyřezávaným psacím stolem, tatínkova kancelář v prvním patře je zařízena jako pracovna advokáta nebo módního psychiatra, snad pouze tabulky s barevnými políčky označujícími skupiny chemických bojových látek z nichž ta nejslabší se jmenuje brombenzylkyanid nejsou příliš v souladu s mírovým odpolednem v květnu 1939, sekretářka v první místnosti má černé, dozadu stažené vlasy, říkávalo se jí asi komptuaristka, venku je opět léto, rue de Tocqueville ozářená sluncem, v rádiu hrají Lambeth Walk a pak Music Maestro please, maminka je celé dopoledne u kadeřníka a já nemusím do školy, protože jsou prázdniny. Byla to ta stejná Paříž, přesně jako tehdy, identická Lucemburská zahrada, Acis a Galatea, palmy a ty zcela identické plachetničky na kruhovém bazénku, maminky s malými dětmi na béžových kovových židličkách, identická železná brána s průhledem na Panthéon, v Praze byl Wehrmacht a Gestapo, agent StB "Cyklista" se narodil až o rok později Au nègre joyeux de Hemingway à droite, non à gauche du traiteur... Oui, Paris des romans ou souvenirs et la ville réelle n´étaient ni plus ni moins qu´eux-mêmes. Et cette raffinerie pompidouesque parsemée de multicolores tubes métalliques, la surface d´eau avec les machines aquatiques de Tinguély, mais aussi mon Nevers, mon Palais Ducal et les peupliers rangés le long de la Loire, c'est Nevers de l'Hiroshima et à la fois le mien, je dois y penser encore un peu afin de formuler une définition vague des qualités cohérentes et surréelles des ondes du temps écoulées parce que le soleil atteint à ce moment directement la pointe de la tour de l'église Saint Germain, elle devrait enfin revenir de cette réunion de Boissy St. Léger, les deux homosexuels et la fille au livre sociologique ne sont plus là, tout est changé, je pensais à tous ces évènements, cette pensée m'obsédait déjà l'année passée sur la route de Toulouse à Biarritz de telle sorte que je ne n'aie plus pu m'en débarrasser, la côte lointaine de l'Atlantique s'approchait, alors j'ai vérifié en un seul clin d'oeil le droit de certaines rues, des coins sombres aux affiches jaunies d'être restés si longtemps malgré tout dans la continuité du temps voyez les affiches jaunes et les multicolores... NON, je veux que tu restes dans ce mode parfait de plaisir, alors elle se pose dans tes bras en sens inverse, son visage s'enfouit au plus profond de toi-même, sa langue cherche et je te regarde, je sais que ta bouche attend, mais je me lève et je te demande de ne pas bouger, tu entends ce tango milonga au bandonéon ?
Ce texte autobiographique se voit postmoderne et existentialiste.
Les histoires sont entremêlés l´une dans l´autre et le temps n´a aucune concordance avec
les lieux, l´effet spatio-temporel est fluide et incohérent, la focalisation zéro mise