une critique sur son blog à Armelle Héliot
Michel Fau redonne sa fraîcheur et son acidité à André Roussin
Expéditeur: Nathalie Feyt Date: 30 mai 2015 17:53:34
MON AVIS, les critiques "égratignent" mais pas moi car je ne suis pas critique mais amoureuse du théâtre, je vais y retourner...
Destinataire: Michel Fau
Objet: Hier un amour qui ne finit pas
"Ce que j'ai ri, les méandres de mon cerveau ont même cru un instant que l'amour n'existait pas, le theatre non plus, l'art en général ... et puis j'ai senti à quel point si on y gommait l'égoïsme, si on rencontrait, discutait, se mettait à l'œuvre pour une vraie vie hors les chacun pour soi, ça irait reviendrait continuerait .. Les femmes sont des funambules, bien au dessus du sol, à la dimension d'une Jacqueline Maillan pour Léa Drucker qui est époustouflante et aussi Pascale Arbillot elle est tellement sincère .... toi tu es presque doux comme rarement, serein ça s'appelle être doux ? Pierre Cassignard et les autres, le décor, les costumes, tout, rien n'est mis de côté, Bravo ! vous m'avez rendu si heureuse....
Le seul bémol c'est que bien sûr après avoir lu le programme j'étais nostalgique ; pourquoi,
tu n'as pas choisi l'autre fin avec Puce !!! et la petite fille ? (C'est une plaisanterie car la fin choisie par Michel est plus "humaine")
Merci encore à toi le plus grand magicien au monde, après cette pièce qui me parle tant, je peux mourir, mais en attendant à bientôt."
Photo Marcel Hartmann
Léa Drucker, très sixties et Michel Fau
(Pour le moment on n'en a pas d'autre : mais on aimerait vous présenter tout le monde !)
Au Théâtre de l'Oeuvre, le metteur en scène monte et joue "Un amour qui ne finit pas", une comédie jubilatoire sur la vie de couple et les rêves de liberté des époux...Très bien entouré de Pascale Arbillot, Pierre Cassignard, Léa Drucker, Philippe Etesse et Audrey Langle, il signe un spectacle irrésistible.
Evidemment, il faut aimer les jeux de l'esprit. Une certaine férocité allègre irrigue l'imagination d'Andre Roussin (1911-1987).
On en dira plus dans les colonnes du Figaro et du Figaroscope dans quelques jours, mais, déjà, signalons ce petit bibelot ciselé qui nous plonge dans un monde que l'on pourrait imaginer disparu, mais qui garde, par-delà le moment de son écriture et la manière dont il est situé dans le temps, avec chignon à boucles, tailleur style Chanel et robe architecturé et hautes bottes, style Courrèges, nous parle ici et maintenant.
C'est l'histoire d'un homme qui veut échapper à la routine conjugale et rêve d'un amour idéal, un amour qui ne finirait pas.
Un homme, Jean (Michel Fau) qui a des moyens (industriel), un homme qui est marié à une femme ravissante, Germaine (Léa Drucker) et qui un jour, lors d'un séjour à Divonne-les-Bains, en cure, propose un étrange contrat à une femme mariée qui est également en séjour là, sans son mari. Juliette (Pascale Arbillot) est décontenancée, troublée, mais quelque chose évidemment, la séduit...
Vous livre-t-on les clauses de ce contrat oral ? Non. Laissons-vous découvrir l'étrange idée de Jean.
Rentrée à Paris, Juliette doit bien un jour reconnaître devant son mari, Roger (Pierre Cassignard), lui aussi industriel, qu'elle reçoit des lettres enflammées...
Ajoutons une petite bonne (Audrey Langle) dans chaque maison. Des maisons où il n'est jamais question d'enfants.
En prologue, on est devant une belle toile peinte qui représente Divonne. Jean et Juliette se parlent. A la fin, épilogue, on est devant le même paysage : Jean est là, un peu nostalgique. Un curiste très élégant (Philippe Etesse) l'entreprend...Mais chut.
Dans le programme qui reproduit aussi le texte de la pièce, qui date de 1963, on peut lire un autre épilogue, avec une petite fille. Mais celui du curiste est bien meilleur et cocasse et Philippe Etesse est absolument formidable !
Une belle toile peinte puis un double décor d'un seul tenant en miroir noir et blanc, astucieux et efficace. Décor de Bernard Fau. Costumes de David Belugou. Lumières Joël Fabing. Maquillage Pascale Fau.
On n'en dira pas plus car le bonheur dans cette comédie menée tambour battant tient aux glissements de l'action et des humeurs des protagonistes.
Tous les comédiens sont remarquables. Très fins, très nuancés : ils sont à la fois très sérieux et très légèrement en distance : c'est ce qu'exigeait déjà à sa création le style d'André Roussin qui signe là une merveilleuse comédie, une indémodable comédie !
Michel Fau nous permet de redécouvrir cette pièce oubliée et l'on ne peut que le louer : ce n'est pas la première fois qu'il va puiser dans un répertoire à difficile distance (comme il le fit pour Montherlant, par exemple).
Il est excellent, à la fois sincère et subtilement narquois. Pierre Cassignard joue le personnage comme il le faut : vraiment ! Il est très bon.
On est étourdi par les deux belles. Léa Drucker, chignon à boucles et style Chanel, elle est d'un esprit merveilleux, comme son "mari" de théâtre Michel Fau. Plus cela va, plus elle approfondit son art et plus elle est légère et brillante en même temps.
Avec son look Françoise Hardy années soixante (ah les bottes en pied de coq !) Pascale Arbillot s'amuse. Elle est, elle aussi, irrésistible.
Ces comédiens sont comme des musiciens. Très précis, très bien accordés.
Et pour ajouter au bonheur, c'est à des pages d'Henri Sauguet que Michel Fau emprunte (des pages très bien enregistrées, spécialement pour cette production) et c'est exactement la couleur d'André Roussin. Une légèreté non exempte de mélancolie, une joliesse ravissante mais grave.
Le grand critique du Figaro, Pierre Marcabru, écrivait alors dans Le Journal du Dimanche.
Il avait tout dit dès la création :
"Un jour quand on acceptera de reconnaître que le genre boulevardier en vaut bien un autre et qu’un auteur a le droit d’écrire dans le style qui lui plaît et qui lui convient, même si ce style n’est pas à la mode intellectuelle du temps, ce jour-là on découvrira que les comédies bourgeoises d’André Roussin sont peut-être à leur façon plus anti-bourgeoises que bien des brûlots terroristes."
C'était en 1963;
On est heureux pour Frédéric Franck de cette belle production qui devrait faire courir le public à l'Oeuvre où, signalons-le, Serge Merlin reprend Extinction de Thomas Bernhard. Pas la même couleur...
QUESTIONS A MICHEL FAU
♦ Pourquoi avoir choisi A. Roussin parmi les grands auteurs français ? Quel rapport entretenez-vous avec son œuvre et son théâtre ?
C’est adolescent que j’ai découvert André Roussin. De la fin de la guerre jusqu’aux années 70, Roussin était un auteur reconnu, il était membre de l’Académie Française. Il faut se souvenir qu’il a été joué par les plus grands acteurs de son époque; il a aussi été adapté au cinéma, en France comme aux Etats-Unis. Si, à partir des années 1980, Roussin est tombé progressivement dans l’oubli, il retrouve une seconde jeunesse aujourd’hui. Ses textes portés par un nouveau souffle sont de nouveau montés, comme en atteste la création de Bernard Murat avec Mathilde Seigner et François Berléand, Nina.
Roussin je l'ai dans la peau, alors lorsque j’ai commencé à réfléchir à une pièce drôle qui pourrait convenir à Léa et à Pascale, le choix de me porter sur du Roussin était naturel. Ce théâtre est particulier, c’est une comédie de boulevard qui dénote d’une profondeur certaine dans son analyse psychologique et qui jouit d’une écriture précieuse et précise.
J'ai la chance d'être entouré de comédiens de qualité. Ce sont des comédiens qui ont les clefs pour jouer ce théâtre qui plane un peu au-dessus de la réalité. Il ne faut pas avoir peur de jouer des figures de la bourgeoisie tout en étant capable de trouver la vérité et la profondeur du texte. Surtout, il faut avoir de la virtuosité car c’est un théâtre musical exigeant. Tous ont de l’audace, de la folie et de la dérision, trois caractéristiques essentielles pour pouvoir donner vie à des personnages qui sont par moment pathétiques dans leur amour.
♦ Comment envisagez-vous votre mise en scène sur ce nouveau texte ?
J’essaye toujours de coller au plus près du texte que j’aborde. Je pense ma mise en scène réplique par réplique, car je souhaite avant tout respecter le travail de l’auteur. Selon moi, le texte ne doit pas être considéré comme un prétexte, au contraire, il doit être mis en valeur par le metteur en scène. A ce titre, j’aime travailler sur des textes qui possèdent leur propre forme, un caractère défini et une profondeur dans la réflexion.
Roussin a construit un théâtre foncièrement psychologique, comme Strindberg, c’est un théâtre qui n’est pas réaliste, pas même naturaliste. Dans le même temps, l’écriture est poétique, souvent teintée de mélancolie et d’amertume. Chaque phrase évoque un aspect de la passion. Roussin parle de l'amour de manière si concernée, que l'on peut affirmer sans réel doute que lui aussi était un grand amoureux...
Il y a des virages à prendre dans cette écriture. Les personnages sont survoltés et passionnels. Ils passent d’un état à l’autre en un quart de seconde. Gérer ces virages est le principal travail que nous essayons de réaliser pendant nos répétitions. Roussin montre avec justesse le côté irrationnel de la psyché, l’être humain est capable de passer d’un sentiment à un autre de façon brutale sans qu’aucune explication logique ne soit à même d’en révéler le processus.
♦ Comment définiriez-vous le rôle des costumes et du maquillage sur ce projet ?
J’accorde beaucoup d’importance à l’esthétique d’un spectacle. J’essaye toujours de partir de l’époque dans laquelle s’ancre la pièce quitte après à déformer, à détourner, à réinterpréter car évidement je ne fais pas de la reconstruction historique ou un documentaire. Ici, la pièce se passe dans les années 60; nous avons voulu créer une atmosphère proche de l’époque en cherchant à travailler sur une esthétique séduisante et sophistiquée. Par exemple, Pascale Arbillot porte une robe Courrège, qui bien que marquée années 60 revient à la mode aujourd’hui. L’idée était donc de travailler sur quelque chose de très sophistiqué, de très élégant, un peu glacé voir figé tout en étant délirant sur les années 60.
♦ Quelle importance accordez-vous au décor dans votre mise en scène ?
Roussin est précis dans la description de sa scénographie. L’histoire se déroule dans deux appartements bourgeois parallèles l’un à l’autre. Il y a l’appartement du couple Pascale Arbillot / Pierre Cassignard et l’appartement du couple Léa Drucker / Moi. On voit vivre ces deux couples simultanément. Ils se court-circuitent, se répondent inconsciemment, s’opposent et se complètent. Le décor, tel que Roussin le voulait, accentue et souligne ce parallèle entre les deux couples aussi bien lorsqu’ils s’assoient, que lorsqu’ils lisent leur journal ou même dans leurs façons de se tenir. Tout le travail de scénographie a été de découvrir comment révéler ces effets miroir. Le décor de chaque appartement s’oppose, ce qui est noir dans l’un est blanc dans l’autre et vice versa.
Bernard Fau = décor
Pascale Fau = maquillages
France Inter
la bande originale Nagui et Chris Esquerre
Le masque et la plume prochains enregistrement le 31 mai diffusion le 14 juin
PHILOSOPHIE magazine ou il y a une vidéo dans laquelle Michel Fau a presque le même peignoir que moi dans Manger, mais le mien était rose...
et sur France-Musique : l'invité du jour dans la Matinale de Vincent Josse à 8h45 Ce 28 mai...(excellente émission, quelle complicité, c'est intéressant sur toute la longueur, il sait déjà tout sur Michel Fau Vincent Josse.)
extraits : En quoi les musiciens vous donnent des enseignements, en tant que metteur en scène ? parce que la musique parle de nos névroses aussi mais elle les met en abîme en valeur.
La pièce un amour qui ne finit pas est l'histoire d'un amour platonique qui sème le doute.
Vincent Josse prenait André Roussin pour un auteur réactionnaire alors qu'il l'a découvert très acide sur la bourgeoisie. Un extrait d'un entretien d'André Roussin où il dit que tous ses succès sont des malentendus, quand ils rient ils reconnaissent un cousin, un frère, mais jamais eux-mêmes, c'est donc un malentendu.
Michel rajoute que c'est une pièce qui peut-être prise à plusieurs niveaux.
Il joue des rôles qu'on ne lui propose jamais, jouer la sérénité comme il le fait dans une partie de la pièce, c'est passionnant.
Tous les textes sont datés mais ce qui est dit sur l'humain est intemporel.
Puis Norma de Bellini Casta Diva avec Cécilia Bartoli, parce qu'elle est la plus grande pour Michel Fau.
Votre personnage vous le jouez entre réalité et fantasme...
oui mais avec une mise à nu des esprits et des cerveaux. Léa Drucker exceptionnelle oui car elle a trouvé la vérité de ce théâtre là qui reste au dessus de la réalité.
Il parle de Jean-Pierre Léaud et Bernadette Lafont mais aussi de Bardot, qui jouaient faux et ça faisait vrai.
Jouer et mettre en scène c'est être comme un chef d'orchestre c'est moins cruel que de mettre seulement en scène.
Ciboulette, dit Nicolas Lafitte, ça fait du bien quand c'est mis en scène par Michel Fau.
Et puis ils rient tous à certains moments que je vous laisse découvrir, le live c'est du Tango mais dans un mélange de styles et c'est beau.
Vincent Josse lui dit qu'il jouera le Roi Lear à 90 ans (ô oui !) et Michel reprend Hamlet à 9 ans ou plutôt Ophélie...
Ils parlent de livres et Michel dit avec un accent d'une telle vérité : Je déteste le camping !
Vincent Josse ensuite lui glisse, vous êtes un mélancolique...
C'est très sensuel d'entendre une salle rire...
Louis de Funès disait un personnage comique, il faut le jouer au bord du tragique....
L'amour platonique mon cher Michel est le seul qui soit indélébile, mais il faut accepter que les hirondelles repartent vers d'autres cieux, quand la saison de leur présence est finie.