genre: horreur, biopic (interdit aux - 16 ans)
année: 1974
durée: 1h24
l'histoire : Un fermier psychopathe conserve le corps empaillé de sa mère et tue d'autres femmes pour lui tenir compagnie.
La critique :
Au moins, on ne pourra pas accuser Deranged, la véritable histoire d'Ed Gein, réalisé par Jeff Gillen en 1974, de surfer sur le succès de Massacre à la Tronçonneuse. En effet, le chef d'oeuvre de Tobe Hooper est sorti la même année. Le film provoque un véritable choc et scandale dans le cinéma horrifique. Le long-métrage est carrément interdit et banni dans de nombreux pays.
Paradoxalement, Massacre à la Tronçonneuse ne montre pas grand-chose en termes de gore, de trash, de tripailles et de séquences sanguinaires. Néanmoins, le film se démarque par une ambiance macabre, sordide et post-Vietnam, se déroulant au beau milieu de nulle part, dans une campagne isolée et oubliée des Etats-Unis.
Surtout, le film s'inspire de l'histoire d'Ed Gein, un plouc, idiot de son état, mais qui va devenir tristement célèbre vers la fin des années 1950. Surnommé le "boucher de Plainfield" par les médias, Ed Gein n'a, en réalité, assassiné que deux femmes. Cependant, depuis la Seconde Guerre Mondiale, personne n'avait assisté à de telles atrocités commises sur des êtres humains.
C'est ce que nous raconte Deranged. La seule différence, c'est que notre serial killer ne se nomme plus Ed Gein, mais Ezra Cobb. En 1974, l'histoire d'Ed Gein continue d'alimenter la peur, les rumeurs et la paranoïa, même 17 ans après les faits. Evidemment, ce tueur en série va inspirer le Noble Septième Art.
Nous avons déjà cité Massacre à la Tronçonneuse et Deranged. Mais nous pourrions rajouter Le Silence des Agneaux avec ce psychopathe qui enlève des jeunes femmes pour les dépecer. Quant à Deranged, il s'agit d'une petite production indépendante, réalisée avec les moyens du bord, donc avec un petit budget. Bien qu'il soit totalement différent de Massacre à la Tronçonneuse (ne vous attendez pas à voir débarquer une sorte de Leatherface complètement cht'arbé), Deranged partage tout de même quelques points similaires. Tout d'abord, Deranged se veut être le plus réaliste possible.
Au niveau de la réalisation, Jeff Gillen a opté pour une mise en scène quasi documentaire.
Visiblement, le cinéaste n'a pas spécialement envie de romancer ou de nuancer la vie de notre serial killer de service. Les faits sont donc repris et respectés à la lettre. Ils sont même commentés par un narrateur anonyme qui intervient au début et à la fin du film. On retrouve plus ou moins le même procédé que dans Massacre à la Tronçonneuse.
Ce qui permet de donner une certaine gravité aux faits qui vont nous être exposés. Au niveau de la distribution, Deranged ne réunit pas d'acteurs très connus. Seul Roberts Blossom, excellent dans le rôle d'Ezra Cobb (alias Ed Gein), fait figure d'exception.
Attention, SPOILERS ! Ezra Cobb est un vieux garçon qui s’occupe de sa vieille mère malade. Quand celle-ci vient à mourir, il glisse progressivement dans la folie. Il déterre le corps de sa génitrice et tente de lui refaire une beauté. Mais seule la chair humaine fait parfaitement illusion. Indéniablement, la psychopathie et la sauvagerie de ce boucher sanguinaire interrogent.
Certes, Jeff Gillen s'attarde largement sur le long processus qui va faire glisser Ezra Cobb peu à peu vers le sadisme et la folie la plus viscérale. Néanmoins, la réalisation fait preuve d'intelligence et brille à la fois par sa simplicité et sa fluidité. En effet, le cinéaste prend son temps pour planter le décor. Il s'agit là d'un vrai cas de psychanalyse.
Pour Jeff Gillen, ce n'est pas seulement Ezra Cobb qui est malade, mais la société toute entière. Décrit comme un pecno et une sorte de jocrisse isolé du monde moderne, Ezra Cobb vit dans la solitude et la dépression la plus profonde, quelque part à "Ploucland". La seule personne qui le relie encore à une certaine réalité, c'est sa mère. Toutefois, celle-ci n'est pas spécialement maternelle ni particulièrement aimante. Au contraire, elle est même véhémente, humiliante et castratrice.
Paradoxalement, elle constitue pour notre fermier le seul point de repère dans une Amérique qui l'a totalement oublié, à l'image de ce village anonyme, situé au beau de nulle part, dans le trou du cul des Etats-Unis.
Certes, le film ne se permet aucun jugement moral sur ce personnage au mieux antipathique et à la personnalité schizoïde. Le long-métrage se contente d'exposer les faits. Néanmoins, il règne dans ce film une impression de malaise, de psychopathie générale et de folie épurée. Recroquevillé dans son petit monde et sa maison devenue une chambre funéraire, Ezra Cobb se livre à tous les excès : meurtres, éviscérations, nécrophilie et veillée mortuaire avec les cadavres qu'il collectionne.
Toutefois, toute cette violence est davantage suggérée que réellement montrée. Dans le rôle d'Ezra Cobb, Roberts Blossom signe une performance vraiment terrifiante. Clairement, l'acteur porte presque le film à lui tout seul. En effet, Deranged n'est pas exempt de tout reproche. Le premier, et pas des moindres, c'est la qualité presque primaire de la mise en scène.
Malgré tout, le film continue de poursuivre longtemps après son visionnage, grâce en partie à son atmosphère morbide, sordide et putride. Toutefois, les maquillages laissent clairement à désirer. Par exemple, les cadavres exposés sont au mieux de ridicules mannequins, vêtus d'oripeaux, curieusement bariolés et hélas visibles à l'écran. Pourtant, Deranged remplit largement son contrat.
Il constitue un film choc, coup de poing et ultra dérangeant. Les âmes sensibles sont donc priées de quitter leur siège et d'aller faire un petit tour...
Note: 15/20