Basculez dans une autre nuit au passage de la " Στοα Αθανάτων ", la porte des immortels...
Un samedi. Un samedi en décembre. Samedi 10 décembre. Nous nous décidons avec ma colocataire Cloé et une amie Electre à sortir. Tout un programme pour nous qui sortons de moins en moins en cette période hivernale. Nous en sommes arrivées à être surnommées Cloé et moi " le vecchiette " par notre colocataire italien Pasquale. Il est vrai que lui les soirées à Gazi, il se les enchaîne... Comme un déchaîné. Nous on tire vraiment à la traine comparé à ce Romain fêtard qui se couche à peine pointent les rayons du soleil. L'astre noir pour lui... Hasard? Coïncidence? Pasquale cette semaine est rentré au cocon familial à Rome. Avons-nous sombré dans une léthargie encore plus profonde? Que nenni ! Détrompez-vous ! Hasard? Coïncidence? Nous n'avons pas cessé de sortir. Nous n'avons pas cessé ou presque de faire la fête. C'est un peu " quand l'italien est sorti, les françaises dansent " même si ça n'a pas lieu d'être. Même si Pasquale ne ressemble pas vraiment à un matou et nous encore moins à des souris... Cloé adore le fromage mais la comparaison s'arrête ici. On en est toutes deux persuadées. Quand on lui racontera nos sorties, à notre gros chat de Pasquale, il ne nous croira jamais et demandera où on a dissimulé la caméra du canular. Et pourtant...
Un samedi passé désormais donc petite pré-soirée à la maison à deux qui se transforme rapidement en "grosse" pré-soirée à trois chez Electre. Bière et ouzo se sont fait une bonne place sur la table. Les carcasses d'aluminium vertes des Mythos vides s'entassent rapidement à mesure que le bol de glaçons se vide, se remplit pour
mieux se vider avidement. Dans les oreilles un mélange de musique grecque choisi par notre Djette d'un soir franco-grecque. On est deux à avoir envie d'écouter du sirtaki, des images de Zorba le Grec plein la tête. La troisième nous met du rébétiko, nous traduisant les paroles des chansons. Surprenantes. Envoûtantes. Ça parle de drogue, de solitude. C'est drôle et pathétique. Ça dit une époque que je ne connais pas, dont je n'avais pas idée. Ça dit beaucoup des minorités et c'est entraînant. Ça annonce une nuit d'ivresse. C'est une belle invitation à l'abandon et à la mélancolie joyeuse. Il est temps de bouger les popotins, d'étirer les gambettes, d'agiter les épaules. La nuit nous appelle. Et on n'est pas les seules à y répondre à cet appel. Les métros sont pleins. Direction le centre.On hésite entre Omonia et Psiri. Finalement direction Omonia, plus particulièrement le marché couvert auprès duquel se tient "the" institution du rébétiko, " La porte des immortels ". J'en frissonne de curiosité. Autour d'Omonia il y a du monde à 1h du matin. Des passants achètent des journaux. Attendent un bus, un taxi. Quelques phares se perdent dans la nuit. Nous zigzaguons à la recherche de la bonne rue. Nous en passons des petites mal éclairées. C'est une de celle-ci. Un panneau en l'air nous indique le passage. Nous pénétrons...
Mais le rébétiko c'est quoi en fait?
Petit cours de culture et d'histoire par mon amie Electre. Pour plus d'informations et de ressentis jetez plus qu'un coup d'œil au superbe roman graphique d
e David Prudhomme, prix regards sur le monde au Festival d'Angoulême de 2010 Rébétiko (la mauvaise herbe). Le rébétiko est une musique des réfugiés d'Asie mineure dont certains musiciens grecs ont récupéré les motifs musicaux. Musique qui décrit principalement la misère sociale. En 1922, la population se déplace : elle arrive en Grèce et devient de suite une catégorie mal intégrée et fragile, en proie à la prostitution et à la drogue. Les immigrés s'approprient alors d'autant plus cette musique pour décrire leur dur quotidien, leur misère et le peu de considération dont ils font l'objet. Le phénomène touche surtout les villes, encore plus les ports et encore plus la ville de Thessalonique. Des substances circulent dans les bars où on écoute le rébétiko. Lors de la dictature en 1974 et 1975 les établissements sont fermés mais la musique n'est pas oubliée. Jusque là très mal vue, musique des bas-fonds, elle est soudain appréciée par les élites, mise à la mode, perdant sa connotation plus que négative. Elle devient un phénomène pour les touristes aussi. Même si de nombreux grecs - des personnes âgées - n'écouteraient pour rien au monde cette musique "satanique". Et iraient jusqu'à la gifle s'ils apprenaient que leurs petits-enfants vont communier le temps d'une danse lascive dans les rébétika.