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Pages nocturnes (22) – France Orange mécanique

Publié le 29 mai 2015 par Zegatt

La France – Orange mécanique par Laurent Obertone est l’un de ces livres dont on se serait bien passé. Un ramassis assez infâme où se côtoient manipulation et analyse faussée, sources tronquées et idéologie de comptoir. Le tout vendu sous la forme d’une enquête, d’un travail journalistique, ce que le livre n’a pas les moyens de défendre, puisqu’il n’est pas objectif une seule seconde, et que son style est à l’égal de son idéologie : vide.

Avec son livre, Obertone propose donc une réflexion. Je vous arrête tout de suite : La France – Orange mécanique n’est pas un essai. C’est la réflexion d’un seul homme face à ses convictions. Un banal pamphlet journalistique. Un texte d’actualité dépourvu de raisonnement élaboré. Là où il devient problématique, voire vomitif, c’est dans la façon qu’il a de tromper son lecteur, de faire mentir l’information et de faire germer la haine via certaines formulations ou des blancs volontaires… Explications.

Laurent Obertone n’est pas un scientifique ou un universitaire. Formé dans une école de journalisme, il en applique les méthodes. Par conséquent, lorsqu’il réfléchit à la question de la violence, il n’utilise pas de sources précises.

Il commence par aligner des chiffres et des données souvent sans en indiquer l’origine.

Ailleurs, il cite certains auteurs à une seule reprise, histoire qu’ils soient mentionnés quelque part, probablement sans les avoir lus ou en ayant parcouru uniquement le résumé du résumé de leur œuvre. Nietzsche en particulier, mentionné une ou deux fois (en plus de la préface), qui est ici utilisé sans aucune réflexion. Après tout me direz-vous, c’est Nietzsche, et le XXe siècle l’a déjà manipulé assez dans tous les sens, alors, Obertone ou un autre…

Il utilise parfois des informations dépassées, simplement pour justifier sa réflexion. L’une des plus belles restant cette idée que « statistiquement, en France, les enfants de manœuvres ont un QI moyen de 92, tandis que les enfants de cadres supérieurs ont un QI moyen de 112 (Ined, 1973) » (chapitre 1). Une étude de 1973 pour évoquer le QI ! Alors même que les méthodes pour calculer celui-ci ont évolué…

Utilisant quelques tableaux et beaucoup de statistiques, Obertone les commente mais ne les analyse jamais. Il ne les replace jamais dans leur contexte. Heureux de les utiliser quand elles vont dans le sens de son argumentaire, il ne se prive pas de les critiquer quand elles ne suivent pas ses idées : « On peut franchement douter de la franchise des sondés » (chapitre 1). Cela sur la seule foi de sa seule subjectivité. Ils ont tort parce que je l’ai décidé. Ils mentent parce que je le sais. Arguments ? Inexistants.

Et puis, au-delà de l’usage qui est fait des données, il y a le style. Un style racoleur, qui se fait voyeur, sadique ou glauque par moments. Ouvertement manipulatoire.

Avant même qu’Obertone n’ouvre le champ de ses digressions, cela commence par la préface de Xavier Raufer (Pour information : http://fr.wikipedia.org/wiki/Xavier_Raufer ) qui se veut une défense des pages à venir, tout comme la mise en garde qui ouvre le livre en lui-même et rappelle la place essentielle de la liberté d’expression. Avant même de passer à l’attaque, de revendiquer ses idées, ou simplement de les exposer, Obertone, par un jeu de syntaxe et via les lignes de Raufer, se protège déjà : il sait d’avance que les critiques vont pleuvoir. Un procédé bien connu de ceux qui s’apprêtent à proposer une théorie douteuse, falsifiée ou – dans le meilleur des cas – simplement dérangeante. Exactement la même mise en garde que l’on retrouve dans des vidéos conspirationnistes ou faisant la promotion de théories farfelues…

Suit en accroche une citation de Mohamed Merah pour choquer ou faire frémir le lecteur, et un index, remontant de 10 à 0. Ce n’est pas sans rappeler le « Running Man » de Stephen King qu’Obertone a probablement lu (compte tenu qu’il cite King et vu son style d’écriture). La dédicace aussi, « A celles et ceux qui ne se relèveront pas » ; procédé une fois de plus assez vulgaire pour faire dire ou penser à ceux qui n’ont pas la parole ce que l’auteur compte défendre. C’est chouette les morts. Quand on les fait parler, ils ne répondent pas, ils ne s’offusquent pas. Le ton est donné : mensonger, ou du moins faussé.

Racoleur et choquant toujours, lorsqu’il débute son premier chapitre (le 10 donc), sous forme romancée. C’est plat, avec comme seule preuve de style une avalanche de cris, de sang, dans un vocabulaire inspiré par les plus grands, dans un style à mi-chemin entre du Beigbeder et du Nabilla dont le fond se rapprocherait d’un Zemmour dans lequel on aurait taillé à grands coups de couteau. Ca tâche, ça pue, et donc, ça crie avant d’avoir mal… Et cela ne fera que se confirmer par la suite, avec un style vulgaire : « Les combats de partis autour des chiffres officiels ? De l’enculage de mouche en plein vol » (chapitre 10). Autrement, des tentatives régulières d’ironie, de sarcasme, une mélasse dans laquelle Obertone se venge probablement des restrictions dont il souffrait peut-être quand il était journaliste.

Et donc, ce livre ? Eh bien, Laurent Obertone prétend dresser un bilan de l’insécurité et de la violence en France. Faire un constat, et comprendre le pourquoi. Pour cela il enchaîne une masse de références trop souvent tronquées, hors contexte, et les analyse à sa sauce. Il serait trop long ici de reprendre le livre page par page, ou de déconstruire chaque argument douteux. Voici donc un florilège de la pensée d’Obertone et du portrait qui se dresse de lui :

Laurent Obertone est un conservateur. Un homme de droite, d’extrême-droite ou quelque chose d’apparenté, même s’il prétend taper sur tous les politiques sans distinction. Les pseudonymes ridicules dont il affuble plus volontairement les personnalités de gauche l’indiquent assez clairement. Ailleurs, ses apologies à peine voilées de Robert Ménard ou Eric Zemmour viennent le confirmer quand ce n’est pas l’utilisation de statistiques un peu trop affiliées tout au long du livre (Civitas notamment en guise de source, sans le moindre contrepied – chapitre 4 en particulier). Autrement, Obertone fait les choses avec délicatesse ; quand il mentionne le nom d’un homme douteux, il ne s’éternise pas trop longtemps sur la personne ou le contexte : la fin des armes en vente libre grâce au vichyste Pierre Laval est évoquée très rapidement au chapitre 9, alors qu’une citation de Karl Marx au chapitre 9 demande à s’appesantir d’un ironique « Rassurez-vous, ce n’est pas Nicolas Sarkozy qui parle. C’est Karl Marx. »

Obertone est un produit de notre société et de ses inquiétudes – d’où son succès de vente. Il s’introduit dans cet espace et en joue, racoleur, d’une façon qui rappelle les méthodes d’un Soral : avec violence, en jonglant avec le politiquement incorrect, en décontextualisant totalement l’information rapportée (contrairement à ce qu’aurait fait un universitaire ou une véritable étude de cas). Parmi ces raccourcis les plus choquants, retenons par exemple ce cri d’alarme devant une criminalité en pleine explosion entre 1830 et 2010 (chapitre 10) qui ne tient à aucune seconde compte de la façon dont la loi, ou plus simplement le décompte de la criminalité, ont pu évoluer en plus d’un siècle et demi.

Obertone est un partisan de la peine de mort. Il en a le droit. Mais il prétend dans son livre le justifier, or il ne le fait pas et se contente de lancer des harangues : « La suppression [des sanctions d’enfermement définitif et de la peine de mort] a permis de sauver des innocents condamnés par erreur. Elle en a assurément condamné à mort des milliers d’autres, ceux qui ont le malheur de croiser les récidivistes à qui l’on a offert, par humanisme, une seconde chance » (chapitre 4). Oui, vous avez bien lu, une peine de mort – même parfois la condamnation d’un innocent – vaut mieux qu’un récidiviste potentiel. Si l’on met cette remarque dans la dimension très américaniste d’Obertone, il est affligeant de voir que celui-ci ignore totalement les ratés conséquents et réguliers du système judiciaire des Etats-Unis. Au-delà, d’autres spécialistes du crime, Stéphane Bourgoin par exemple, rappellent assez souvent que la peine de mort n’a pas de répercussion sur le passage à l’acte ou non.

Obertone est un opportuniste : il utilise très exactement ce qu’il critique, par exemple lorsqu’il reproche l’utilisation dans les médias d’une novlangue lorsque ceux-ci traitent du crime et que, quelques pages plus bas, il va utiliser le terme de « mismatch » trois pages durant (chapitre 8). Ce même « mismatch » qu’il va zapper pour tout le reste de son livre. Les concepts ne l’intéressent pas, quand bien même il les mentionne, puisqu’il le fait de la même façon qu’il utilise des noms comme Marx, Nietzsche, ou ses tableaux statistiques. Sans les avoir lus ou sans les avoir compris, sans les assimiler une seule seconde. « Les analystes, dont le métier est essentiellement d’élaborer la novlangue » écrit-il chapitre 9 ; c’est vrai que lui se contente de brailler, il parle au peuple, il est là pour frapper, pas pour élaborer, et ça ne demande pas beaucoup de finesse. Faites ce que je dis, pas ce que je fais.

Obertone, au-delà d’être un conservateur, est par moment sur le fil du conspirationnisme. Dans sa lecture politique du crime, puisqu’il est clairement antisystème et qu’il s’inscrit dans une mouvance d’extrême-droite contestataire et racoleuse. C’est naturel : il s’agit de son argument principal de vente, sa théorie doit faire grincer des dents, il doit être un reprouvé. En ce sens, c’est un parfait soralien, un jeunot qui a compris la leçon du maître. Traiter du crime l’empêche de s’engouffrer dans le champ de l’antisionisme ou de l’antisémitisme (champ déjà occupé par Soral-Dieudonné) mais lui permet de faire étalage d’un racisme ordinaire (zemmourien pour la peine), pointant sans cesse la criminalité est-européenne et nord-africaine. Ailleurs, lorsqu’il parle brièvement d’influences franc-maçonnes sur la justice (chapitre 6), il excite un peu plus ses lecteurs droitistes, adeptes de conspirations et de coupables tout-fait, de ceux que l’on retrouve sur les sites d’information parallèle, de plus en plus en vogue ces dernières années.

Obertone enfin, et c’est là que sa démarche et ses justifications sont les plus pitoyables, est un néo-darwiniste, un fasciste de la génétique, à la façon des théories brièvement évoquées par un ancien ministre de l’intérieur et président, Nicolas Sarkozy, qui voulait tester génétiquement des enfants supposés portés en eux le gêne de la violence. Le délire d’Obertone n’est pas exactement celui-ci, mais s’en rapproche lorsqu’il pose la question de la violence. Jugez plutôt : « Nous sommes violents parce que nos gènes sont programmés pour se défendre et s’imposer. Ils ont été sélectionnés pour ça par l’évolution. Sans cette « compétitivité », nous n’existerions pas. » Un peu plus loin : « L’évolution a donc sélectionné les hommes aimants et agressifs. » Ou sa vision de l’histoire humaine, digne des plus grands anthropologues : « Nous ne sommes que le moyen que nos gènes ont trouvé pour faire d’autres gènes. » Lorsqu’il réfléchit aux violences infligées aux femmes : « Pourquoi ne pas les frapper ? Tout simplement parce que ce sont les femelles qui choisissent les mâles (sélection naturelle) dans l’intérêt évolutif de l’espèce toute entière. Les mâles doivent faire en sorte d’être choisis sur des critères biologiquement rassurants (leur force, leur beauté, leur santé, leur pouvoir, leurs ressources, leur aptitude à séduire, etc.). L’option « taper sur la femelle » n’est pas évolutivement stable. Donc elle n’existe pas. »

Obertone élabore une sorte d’hérésie scientifique, une lecture génétique, morale digne versant opposé du créationnisme dans ce qu’il a de plus nabot : « La morale, ce n’est pas autre chose que la rétention de l’agressivité, pour éviter de massacrer les siens, ce qui ne serait évolutivement pas pertinent. » Cela avec un certain relent de capitalisme ou de lecture compétitive du rapport humain comme on analyserait la compétition de marché : « Aujourd’hui, certains prétendent que la compétition est une « mauvaise » chose, alors qu’elle est la base de notre programme biologique. » La morale est donc un phénomène génétique ; l’effet de l’évolution des mœurs, les différences entre nations, selon l’empreinte des cultures est donc nul. L’anthropologie ? Probablement l’une de ces sciences élaboratrices de novlangue (tout ce qui précède sort du chapitre 8, probablement le pire ramassis de tout le livre dans ses délires et ses théories farfelues – toujours aussi peu justifiées par des sources ou des analyses)…

Attardons-nous un peu plus sur quelques points de la théorie d’Obertone, ou quelques-unes de ses remarques, le temps de souligner encore l’absurdité de ses réflexions.

Prétendant analyser le crime et son évolution, il ne le comprend pas, par exemple lorsqu’il prétend que « Les tueurs en série français (…) se sont multipliés dans les années 80 et 90 » (chapitre 9). Cela est faux, les criminologues français les plus connus du grand public le rappellent assez régulièrement : il y a une proportion moyenne de tueurs en série. Ce qu’une société peut faciliter à la limite, c’est le passage à l’acte ou la durée d’activité d’un meurtrier (selon le système policier d’investigation, la facilité d’accès à certains types d’arme, la capacité de déplacement, etc) et donc son nombre potentiel de victimes. Mais une société ne créé pas de tueurs à proprement parler ; c’est un milieu social et familial qui le fait plus qu’autre chose.

Mais là, entre notion de psychologie et de sociologie, il est aisé de comprendre qu’Obertone s’y perde, lui qui, plongé dans ses obsessions génétiques, voudrait notamment surveiller de près les schizophrènes, ces meurtriers potentiels en puissance. J’en profite donc pour rappeler que la proportion de schizophrène est d’environ 1% dans la population (il y a fort à parier que nous avons tous un schizophrène parmi nos amis, dans notre famille, nos collègues de travail, dans les gens côtoyés par notre mari, notre épouse, nos parents ou nos enfants). A supposer donc qu’une proportion suffisamment conséquente de schizophrène soit dangereuse (ils poussent les gens dans le métro nous dit Obertone !), et comporte un risque de passage à l’acte incertain, c’est donc 1% ou plus de la société qui est potentiellement menacée (1 victime par assassin potentiel… dieu soit loué : un schizophrène peut parfaitement en tuer un autre me direz-vous). Obertone lui-même a dû voir l’absurdité d’un tel raisonnement : « Certes, [les schizophrènes] ne sont pas tous dangereux. Mais le doute ne profite pas au plus grand nombre. Et si ces gens commettent un crime, on dira qu’ils sont irresponsables. Comment justifie-t-on le fait de laisser sciemment des gens irresponsables divaguer en liberté ? Qui est responsable de ces irresponsabilités ? Qu’explique-t-on aux familles des victimes ? » (chapitre 5). Donc ? Enfermer sans discussion 1% de la population, est-ce cela qu’Obertone suggère ? A ce prix-là, pourquoi ne pas les euthanasier, serait-ce plus inhumain ?

Heureusement pour nous, la liste des personnes dangereuses est longue chez Obertone. Les immigrés (non-occidentaux ou asiatiques de préférence, le mieux restant l’arabe et le slave, très dangereux selon les choix d’anecdote dans le livre), les schizophrènes, et puis aussi les drogués. Ces drogués, lie de la société, qui devraient être expurgés, virés de celle-ci, et laissés libres de se contaminer et de crever : « Des kits Steribox disponibles en pharmacie pour la modique somme de 1 euros, censés prévenir la contamination des virus, proposent dépistage et vaccination, et incitent les drogués à utiliser des préservatifs lorsqu’ils copulent entre deux intraveineuses propres. Cette formidable invention qui remonte à 2001, signe indiscutable que les choses vont dans le bon sens, nous ne la devons pas au docteur Frankenstein, mais à son collègue le docteur Kouchner. Notre époque formidable permet donc de se droguer en toute sécurité. On attend avec impatience la création d’un ministère des drogues. Il faudrait songer à distribuer des kits de ce genre aux violeurs, avec préservatif renforcé, champs stériles et couteau de première main » (chapitre 5 également). Vous noterez l’amalgame final, comme il y en a beaucoup dans le livre, entre violeur et drogué – ou tueur et immigré, ou schizophrène et menace, etc. Les catégories sont d’ailleurs interchangeables dans de nombreux cas, et peuvent même se combiner… Imaginez l’horreur d’un maghrébin schizophrène, violeur et assassin, qui en plus se droguerait !

Obertone, je l’ai déjà dit, n’utilise pas ses sources. Il lance des chiffres, et laisse son lecteur mener son raisonnement, hors de tout contexte historique, hors de toute donnée complémentaire. Le chapitre 3 est flagrant pour ça : notant que la Creuse, le Cantal et le Lot ont un PIB bas et une criminalité faible, Obertone se rue sur l’information pour démontrer que le crime n’est pas une question de milieu social et de revenus. Sous-entendu assez explicite : dans ces régions, il y a moins d’immigrés que là où le lecteur pense compte-tenu des pages précédentes et suivantes qui ne cessent d’accuser les banlieues ; et puisque la morale est génétique, la violence est une affaire de race (cela n’est pas dit aussi explicitement, mais de là à faire en sorte que le lecteur fasse ce raisonnement, il n’y a qu’un pas qu’Obertone s’évertue à vouloir lui faire faire notamment lorsqu’il insiste sur les boutiques de produit halal liées au trafic de drogue – chapitre 4). A aucun moment ni le taux de population de ces régions, ni l’histoire de celles-ci, ni une carte comparative globale, ni la simple réflexion que le crime est différent à la ville et à la campagne, rien de tout cela n’est évoqué. Obertone donne volontairement une lecture tronquée, faussée à son lecteur, clairement attendu comme étant sensible à des thèses frontistes ou du moins racistes. Obertone, comme un Zemmour, truque son raisonnement en ignorant délibérément le contexte, en faisant l’impasse sur la moindre analyse véritable.

Obertone ignore toute analyse de l’immigration, et de la criminalité comme un fait inhérent à celle-ci, quel que soit le pays, lorsque les nouveaux arrivés connaissent des problèmes d’intégration, d’assimilation. Et cela sur plusieurs générations. Les Etats-Unis et leur constante histoire d’immigration et d’intégration à ratés successifs, la violence que l’on pourrait trop facilement attribuer de façon exclusive aux noirs et aux latinos, l’exemple récurrent d’un film comme Scarface sont autant de données dont Obertone ne s’encombre pas, de la même façon qu’il ne s’encombre pas pour appliquer un tel raisonnement à des pays plus proches de nous (Royaume-Uni, Italie, Espagne, Allemagne, etc) ou à notre histoire il y a quelques décennies. Car, cet immigré potentiellement si violent que cherche à dénoncer Obertone tout au long de son texte, ce voleur/violeur/drogué/tueur/… roumain/algérien/bulgare/marocain/… (le musulman restant un bouc-émissaire plus facile), si Obertone avait été un tant soit peu objectif et honnête, s’il était remonté 40, 50, 70 ou 100 ans en arrière, il l’aurait retrouvé sous les traits d’un Italien, d’un Espagnol et, religieusement, ce ne serait plus un musulman, mais un juif. Obertone est donc volontairement aveugle, plein gaz.

J’entre d’ailleurs dans l’hypothèse pour tenter d’expliquer l’obsession d’Obertone vis-à-vis du maghrébin, du musulman, du beur, dont on a la sensation assez infecte en bouche qu’il le traite comme une sous-espèce, génétiquement programmée au crime et à la violence, cela particulièrement dans les chapitres 2 et 1. Là où il aligne des amalgames, des raccourcis en disant par exemple de Mohamed Merah : « Un « jeune Français », affirme-t-on partout, alors que le passeport de Merah n’était plus à jour. » Sait-il seulement, Laurent Obertone, qu’un passeport ne définit pas une nationalité, puisqu’il n’est d’ailleurs pas obligatoire ? A-t-il fait un simple travail journalistique de base pour savoir que Mohamed Merah est né à Toulouse ? A-t-il reçu une banale éducation scolaire pour apprendre que Merah, né à Toulouse, est donc français ? A-t-il vérifié, Obertone que son information par rapport au passeport de Merah est tout simplement fausse ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Mohammed_Merah#cite_note-6 ) ? Et plus loin, Obertone de faire des amalgames quand il évoque l’idée que le viol est une affaire de race (et d’immigration, CQFD). Mais tout cela semble s’expliquer (et c’est là que je m’avance dans de l’hypothèse) par les lamentations qu’Obertone lance vis-à-vis de l’Algérie perdue. Obertone serait-il issu d’une de ses familles qui pleure encore quotidiennement sur cette Algérie française perdue, dans ces milieux où l’on crache si volontiers sur l’Arabe venu en France à force de pleurer sur le Français qui était en territoire arabe… « La France a laissé derrière elle [en Algérie] 70 000 km de routes, 4 300 km de voies ferrées, quatre ports [et tout un tas de structures] » écrit Obertone (chapitre 1), et d’aligner les services que nous avons rendu à ce pays, et à ses immigrés. Cela sans vraiment expliquer comment il relie cette complainte envers les services rendus à l’Algérie et la potentielle violence, à la « sur-délinquance » et « sur-criminalité » de « certaines communautés » (notez qu’il laisse encore une fois à son lecteur le soin de faire tous les amalgames qu’il lui souhaite). Si l’on devait résumer ce qu’Obertone n’écrit pas explicitement, mais ce qu’il suggère largement dans ce chapitre, les Français ont rendu service à l’Algérie en la construisant de leurs mains, et les Algériens immigrés aujourd’hui détruisent la France avec leur violence (génétique ?), leur chômage, leur religion. Ce merveilleux tableau de l’Algérie coloniale nous invite à relire un auteur qu’Obertone n’a très probablement jamais lu, un français de nationalité mais algérien de naissance, Albert Camus. Et plus particulièrement la façon dont il décrit la situation en Algérie dans ses articles (à Combat en particulier) ou dans ses Chroniques algériennes.

Mais, Obertone est de la même race que Richard Millet, c’est un haineux, il surfe sur la même vague et les deux se rejoignent, l’un avec son Eloge littéraire d’Anders Breivik (2012 – Millet), l’autre avec Utoya (2013 – Obertone, une fois de plus incapable d’innover ? Copiant les titres, les sujets, les polémiques des autres…?).

Que reste-t-il ? Un peu de positif tout de même, un constat présent chez Obertone, d’une réponse judiciaire qui n’est pas efficace par rapport à la criminalité, d’une sécurité qui pourrait être amélioré, et qui est l’un des rares morceaux légitime à ce bouquin. Cela suffit-il ? La réponse, c’est Obertone qui la donne lui-même, via son néo-darwinisme, sa vision du traitement à apporter à la criminalité : une parcelle de bon ou de valide doit être sacrifiée si ce qui l’entoure se doit d’être expurgé (Cf. ses propos sur la morale génétique, la peine de mort, etc). Offrons donc à Obertone le sort qu’il se propose d’appliquer aux bouc-émissaires qu’il dénonce : le rejeter, le détruire. Son livre n’est pas un essai, c’est un appel à la haine. Sa critique n’est pas une analyse, c’est un brûlot de fanatique.

Obertone n’a aucune légitimité, parce qu’il ne fait preuve d’aucune réflexion mais met simplement en scène un bric-à-brac de statistiques, de sondages, hors de toute analyse, hors de tout contexte. Il fausse la donne et prêche des convertis, les haineux à la chasse aux bouc-émissaires. Il s’inscrit dans le sérail des cracheurs médiatiques, quelque part entre Eric Zemmour, Richard Millet, Alain Soral, Bernard Henri-Lévy, Alain Finkielkraut ou Robert Ménard. Mais là où Obertone est peut-être pire, c’est qu’il n’a ni les idées, ni le style de ceux-là…



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