C'est le dernier roman de Ruth Rendell sorti en français et en format poche ... En attendant une réédition des oeuvres cmplètes, pour les fans.
Avec Ruth Rendell (1930 – 2015), ce n’est pas tant l’intrigue qui passionne mais la description d’un monde, d’un milieu, d’un microcosme. Mais, ainsi que le déclarait Stephen King « Dès qu'il est question d'histoires d'obsession, de paranoïa et de coïncidences malheureuses, personne ne peut rivaliser avec Ruth Rendell ! ". Dans ce livre, il faut tout de même attendre le neuvième chapitre pour voir un premier cadavre. La construction est très classique, selon un schéma déjà utilisé par Zola dans "Pot-Bouille" ou "l'immeube Yakoubian" de l'égyptien Alaa al-Aswany ... le personnage principal est cette rue typiquement britannique !
Qui, visitant les beaux quartiers comme Belgravia, n’a pas imaginé pénétrer en restant invisible dans ces demeures de style géorgien, ces orgueilleuses maisons bâties de briques mordorées, aux portes flanquées de colonnes de stuc peintes en blanc vernis, avec leur soubassement et leur petit jardin derrière les grilles ouvragées ?
Entrons dans Hexam Place et faisons connaissance avec chacun des habitants. Dans les appartements de grand luxe, on trouve un lord héréditaire (sa femme et sa fille couchent avec son chauffeur), un pédiatre unanimement respecté pour sa gentillesse, un banquier (son épouse le trompe avec l’acteur vedette d’une série télévisée), un couple gay, une vieille princesse de pacotille et sa dame de compagnie depuis plus de 60 ans … et surtout, la foule des gens de maison qui les « servent ».
Dans les appartements semi-enterrés (basements) et les combles, voici les chauffeurs, factotum, jardiniers, jeune fille au pair espagnole, femme de ménage rêvant de retourner à Antigua, nounou d’origine pakistanaise follement attachée au bébé qui lui rappelle ses deux enfants morts en bas âge, jeune femme préposée à des tâches de secrétariat ... Ils se retrouvent au pub du coin de la rue pour parler de leurs patrons, nouer des idylles, faire des projets. Celui de June – la vénérable assistante de la Princesse - est de créer une société d’entraide réservée au personnel domestique, la société de Sainte Zita.
Et puis, il y a Dex, un marginal sorti d’un hôpital psychiatrique. Le docteur certifie qu’il est guéri mais entend des injonctions de Peach, son Dieu, qui lui parle dans son téléphone portable. Il travaille ici et là, sur la recommandation du bon docteur Jefferson, dans les jardins ou comme homme à toutes mains… ou à toutes œuvres.
Relations interdites, coïncidences malencontreuses, malentendus en tous genres, crimes inexpliqués et inexplicables : le roman retrace une année de cette société disparate, où les barrières sociales sont plus poreuses qu’on pourrait le supposer a priori. Secrets, effets secondaires de crimes pouvant s’avérer bénéfiques … Le destin frappe où il veut. Mais la vie s’écoule, sans que la police, ici bien démunie, n’y décèle aucun indice. Pas d’inspecteur clairvoyant … ce qui pourra dérouter le lecteur.
Bon voisinage, de Ruth Rendell « The Saint Zita Society », traduit de l’anglais par Johan-Frederik Hel Guedj, en livre de poche, 375 p., 7,30€