La tête haute a été projeté en ouverture du 68ème Festival de Cannes en même temps qu'au Rex de Chatenay-Malabry (92), qui colle si souvent à l'actualité, quand il ne la précède pas.
Emmanuelle Bercot était venue y présenter en avant-première son premier film il y a dix-huit mois, Elle s'en va, déjà tourné avec Catherine Deneuve. Elle nous avait révélé que son prochain projet se situait dans un univers radicalement différent, celui de la délinquance, à travers le point de vue d'un juge pour enfants et d'un éducateur. Elle disait s'être inspirée cette fois d'un oncle éducateur qui organisait des séjours de rupture avec des jeunes.
Il y a peu de points communs entre les deux films, hormis la présence de Catherine Deneuve, dans deux rôles d'ailleurs très différents. Mais est-il nécessaire de chercher des ressemblances entre eux ? Par contre on en trouve, indéniables avec Polisse, le film de Maïwen, dont Emmanuelle Bercot a d'ailleurs co-signé le scénario et avec Mommy, ce qui devrait plaire à Xavier Dolan, membre du jury cannois.
Emmanuelle Bercot réalise là un film très personnel, en traçant la trajectoire chaotique d'un jeune en mal d'insertion avec un regard somme toute plutôt positif.
Le résultat doit beaucoup aux acteurs qui portent littéralement le film. On citera en premier Catherine Deneuve qui excelle dans le rôle de la juge toujours humaine et optimiste malgré les prises de conscience qui s'évanouissent, réaliste quant à la possibilité d'influer le cours d'un destin, sachant parfaitement qu'on ne fait pas de miracle sans l'assentiment des parents.
Sara Forestier campe une mère franchement caricaturale, que le spectateur pourra croire exagérée. Il en existe malheureusement beaucoup comme elle, fatiguée de suivre leur enfant délinquant depuis qu'il sait marcher. Il est facile de conclure qu'avec une autre maman le jeune Malony aurait poussé autrement. La sienne est immature et incapable de lui donner un cadre. Ce seront donc la juge et l'éduc (comme on dit) qui vont s'y coller. Et c'est pas gagné. Parce que chacun a ses fêlures, et l'éducateur (Benoit Magimel) n'y échappe pas même si ses blessures ne sont qu'esquissées.
S'il y a une réplique que le public doit retenir c'est bien : on n'est pas là pour t'aimer, on est là pour t'aider.
Il n'empêche que s'il y a une circulation de sentiments les choses connaitront peut-être une accélération. C'est d'ailleurs sans doute la détermination du personnage de Tess, interprété par Diane Rouxel qui concourt à mettre Malony sur la bonne voie en lui témoignant autre chose que de la violence ou l'excitation de la dérision et de l'interdit.
Malony est l'enfant sauvage qui a poussé comme une herbe folle. Il est magistralement interprété par Rod Paradot dont c'est le premier film, et de toute évidence pas le dernier. On pourrait croire à un documentaire tant ce jeune homme est entré dans le personnage.
Emmanuelle Bercot nous offre un film social mais optimiste, même si beaucoup d'entre vous ne croiront pas à une accalmie durable dans les dernières séquences. En choisissant des musiques classiques elle nous place loin des codes de la violence pour mieux nous la renvoyer. Elle a surtout le mérite de nous mettre le nez sur une réalité qu'il faudra bien un jour se résoudre à panser avec des moyens à la hauteur des problèmes. Car il ne faut pas se leurrer, des juges comme celle qu'interprète Catherine Deneuve ne sont pas légion.