En Espagne, en Grèce comme ailleurs, entre humiliations subies et colères sociales naissantes, des poings continuent de se serrer pour dire « stop ».
Ces lignes, écrites sans aucun excès d’enthousiasme, juste placées sous l’égide de la réalité, ne témoignent que d’un examen d’émotion qu’appelle la lucidité des circonstances. Les Espagnols ont bel et bien adressé, dimanche soir, un avertissement aux partis austéritaires dominants, lors des élections municipales et régionales, entrouvrant par exemple les portes de la mairie de Barcelone à une candidate alternative, Ada Colau, admirable militante anti-expulsions. Podemos, principal héritier des Indignés, s’enracine désormais durablement dans le paysage politique et progresse dans de nombreux endroits, ce qui montre de manière éclatante, si besoin était, qu’un mouvement populaire né tout «en bas», associé aux partis traditionnels de résistance sociale, peut faire «de la» politique et fabriquer «du» politique. Le bipartisme espagnol s’en trouve bousculé, bientôt peut-être sera-t-il balayé. Cette élection constitue donc l’une des bonnes surprises de ces derniers mois. Il ne s’agit pas encore d’un raz-de-marée, mais d’une nouvelle brèche au cœur de l’Europe. Un signal fort!
Cette brèche, fût-elle incertaine quant à ses suites, montre que rien n’est figé. En Espagne, en Grèce comme ailleurs, entre humiliations subies et colères sociales naissantes, des poings continuent de se serrer pour dire «stop». Chacun le sait: depuis l’accession au pouvoir de Syriza
à Athènes, toutes les forces austéritaires coalisées se déchaînent pour empêcher que des alternatives crédibles voient le jour. En Espagne aussi, cette rage libérale, qui dispose de tant de moyens, ne s’arrêtera pas de sitôt. De la Commission aux marchés, du FMI aux banquiers, en passant par les Merkel, les Hollande et tous les autres… aucun des puissants ne relâchera la pression. Les Grecs
et les Espagnols ont déjà tellement souffert qu’ils savent ce qu’ils doivent endurer pour faire front. Ils méritent notre soutien sans faille, même si Podemos et tous les mouvements de gauche espagnols ne sauraient être comparés à Syriza. Chacun arpente son chemin. Il faut en inventer d’autres, les faire converger. L’avenir de l’Europe en dépend. Entendez par là l’Europe des peuples…
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 25 mai 2015]