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Quand le maire de Montréal « bulldoze »

Publié le 28 mai 2015 par Jclauded
À ce jour, depuis son élection à la mairie de Montréal, Denis Coderre a eu un parcours sans faute. Les Montréalais l’aiment. C’est un politicien aguerri et cela paraît. Il est familier avec la nature des situations politiques qui se présentent à lui et a toujours la réponse qui semble juste. Du moins, elle plait à la majorité de ses concitoyens. Et c’est important en politique où l’image et les illusions comptent.
Malheureusement hier, sans vraiment penser à ce qu’il disait, il est allé trop loin. Le maire a déclaré « avoir honte de Montréal » parce qu’en 2006 un important centre de divertissement a été rejeté par la ville de Montréal, a-t-il dit en ajoutant « Montréal lui en doit une » en parlant de Guy Laliberté créateur et propriétaire du Cirque du Soleil.Ce projet du promoteur immobilier Canderel consistait à développer un terrain, sur lequel il avait la main mise et pour lequel il faisait des pieds et des mains pour trouver des solutions pour le développer. Il était situé au bassin Peel du port de Montréal, à proximité de quartiers les plus pauvres de Montréal, près de l’autoroute Bonaventure. Canderel a imaginé d’y installer un mégacomplexe récréotouristique qui devait comprendre, entre autres, le casino de Montréal, relocalisé depuis l’île Notre Dame, une salle de spectacles de 2 500 sièges dédiée à des représentations du Cirque du Soleil, un centre de foire, etc… Canderel avait évalué le projet à 1,2 milliards et entrepris alors une grande campagne médiatique pour en faire accepter l’idée.En blâmant l’ex-administration du maire Tremblay de ne pas « avoir mis ses culottes », le maire Coderre a continué à donner l’impression, qui existait alors et depuis, que le Cirque du Soleil allait financer une partie de ce projet alors que Laliberté ne voulait rien investir dans la construction mais être engagé par le propriétaire du centre pour produire des représentations du style de celles que le Cirque offraient à Las Vegas et à Orlando aux USA. En somme, il voulait une salle pour monter et présenter ses spectacles pour des raisons évidemment commerciales.Politiquement, le premier ministre Charest et une majorité de ministres n’étaient pas chauds à l’idée de ce projet puisqu’il devait être financé par une société de l’État. Malgré cela, les dirigeants de la société Loto-Québec se montraient favorables puisque, à cette période, ses revenus avaient commencé à rétrécir comme une peau de chagrin. Elle avait autorisé l’installation de « slots machines » dans un très grand nombre de commerces et en ressentait l’effet au casino. Un de ses représentants a affirmé, à ce moment-là vouloir rapprocher le casino des Montréalais pour mieux faire face à ses compétiteurs, qu’elle avait créés. Invraisemblable !Quant au maire Tremblay, il était sympathique à l’idée et faisait des démarches pour aider, contrairement à ce qu’a insinué Coderre. Dès l’annonce de ce projet, je me suis opposé à cette aventure. Entre le 23 juin 2005 et le 11 mars 2006, j’ai écrit cinq blogues expliquant mon point de vue. Mon argumentation se rapprochait de celles des mouvements des groupes sociaux qui s’opposaient au jeu de hasard et à cette localisation en particulier. Déjà, on remarquait que des milliers de joueurs invétérés avaient développé « la maladie du jeu ». Des gens admettaient avoir tout perdu. Des gens dont les proches, femme et enfants, étaient les vraies victimes et qui souffraient profondément. Des rapports d’experts médicaux furent révélés publiquement pour démontrer le ravage que faisait le jeu sur notre population pauvre. On a tous vu, le jour d’arrivée des chèques du bien-être social, les récipiendaires s’aligner pour acheter 20-$30-$40 de billets de loto et constater aussi l’affluence qui augmente au casino. Pour moi, c’était trop et on devait tout faire pour empêcher Loto-Québec d’accroître le problème.Je suggérai au maire Tremblay « que la ville se donne un instrument valable pour planifier intelligemment le développement de ce secteur avec un bon plan urbain préparé par une équipe d’urbanistes de la ville à laquelle le maire pourrait greffer quelques sommités du domaine, Elle n'a pas le droit de risquer qu'il se gâte en acceptant des idées farfelues qui me semblent irréfléchies » Je soulignai que « le maire Drapeau n’a jamais accepté, durant des années, que la ville de Montréal ajoute du fluor dans l’eau domestique produite par ses usines de filtration. Et cela malgré les pressions qui venaient de tous côtés, même des scientifiques. Il voulait à tout prix protéger la santé de ses commettants. Voilà une raison, entres autres, pourquoi il a toujours été réélu et maire de Montréal durant 30 ans ». Finalement, le 10 mars 2006, Loto-Québec décida d’enterrer le mégaprojet peu après que le Cirque du soleil eut annoncé son retrait de l’aventure jugeant que le contexte d’incertitude de ce projet le rendait impossible. Avec le temps, on a constaté les problèmes de Loto-Quebec avec ses casinos partout au Québec. L’affluence baisse, les revenus aussi. La société continue à dépenser des centaines de millions de $ pour vouloir relancer une nouvelle clientèle. De même, le Cirque du soleil voit ses spectacles souffrir et plusieurs à Vegas ont dû fermer leurs portes. La compagnie a annoncé une diminution importante de ses revenus. Laliberté l’a vendu et seul l’avenir nous dira quel sera le destin du Cirque du Soleil à Montréal.Aujourd’hui, si le mégaprojet de divertissement de Canderel avait été réalisé, les Montréalais seraient probablement pris avec un gros éléphant blanc. Ouf !Quant au maire Coderre, je n’accepte pas sa déclaration à l’effet que l’ « on en doit une » à Laliberté et qu’il considère lui céder une partie du grand parc public qu’est l’île Ste-Hélène pour que ce dernier y installe une nouvelle entreprise commerciale, même si elle est très originale. Oui, Montréal doit remercier ses concitoyens qui excellent et qui lui apportent des investissements, des emplois, de la reconnaissance et de l’honneur. C’est le cas de Guy Laliberté qui est un individu exceptionnel qui a fait générer des retombées énormes pour Montréal, et sa population. Mais le bien public appartient à tous les Montréalais. On n’en donne pas une partie en cadeau. Tout le monde doit être traité sur le même pied. Le maire ne peut en disposer à sa guise même s’il a une majorité au conseil municipal. Montréal n’« en doit pas une » à personne, sauf une médaille.Claude Dupras

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