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la confession d'un artisan

Publié le 28 mai 2015 par Dubruel

~~d'après LA CONFESSION DE THÉODULE SABOT , de Maupassant

A Savigny, Théodule Sabot, le menuisier Représentait le parti communiste. En voilà un qui n'aimait pas les curés. Ce gaillard, il en dévorait !

Quand Sabot apprit que l'évêque Favorisait le menuisier de la grand 'ville voisine Pour entreprendre la rénovation du chœur De l'église.de son village, Au prétexte que, lui Sabot, n'avait jamais Exécuté chantier de telle importance, il se rendit au presbytère :

-" Je viens pour l'ouvrage à faire. "

Le curé, surpris, lui répondit : " Tu me demandes, toi, le seul impie De ma paroisse...Ce serait un scandale. L'évêque me réprimanderait, ...Peut-être même qu'il me déplacerait. Je comprends. Ça te fait mal De voir la réfection de Saint-Paulin Confiée au menuisier de Lencloître Mais je ne peux pas faire autrement... À moins que... mais... Non. Tu n'y consentirais pas...Pourtant, Sans ça, jamais... "

-" Dites toujours votre idée. P't-être qu'on s'entendra. "

Le curé déclara : -" Donne-moi un gage de bonne volonté : Dimanche, tu devras communier, publiquement."

-" Et les bancs ? J' les ferai les bancs ? "

-" Oui, si je suis sûr de ta conversion. "

-" On pourrait pas la r'mettre, c'te communion ? "

-" Non. Tu viendras te confesser demain. "

Le lendemain, le curé accueillait Sabot : -" Eh bien ! Te voilà ! Entre, on ne te mangera pas ! Récite le Confiteor. "

-" Le quoi ? "

-" Bon. Répète après moi. " Le curé articula la prière sacrée Et Sabot la répétait de façon empêtrée.

-" Confesse-toi maintenant. " Le menuisier ne savait comment.

-" Nous allons prendre les commandements. À mes questions, tu répondras : Un seul Dieu tu adoreras Et aimeras parfaitement. As-tu aimé quelqu'un autant que Dieu ? "

-" Oh non, m'sieu l' curé. J'aime l' bon Dieu. Dire que j'aime point mes éfants, non, j' peux pas. Dire que s'il fallait choisir entre eux Et l' bon Dieu, Pour ça, je n' dis pas. "

-" C'est plus que tout qu'il te faut L'adorer ! "

-" J' ferai mon possible, m'sieu l' curé. "

L'abbé reprit : -" Dieu en vain tu ne jureras As-tu prononcé quelque juron parfois ? "

-" Oh ! Ça non ! Je n' jure pas. Quéquefois, J' dis bin : ''Sacré nom de Dieu'' ! Mais je n' jure pas, sacrebleu ! "

Le prêtre s'écria : -" C'est jurer cela ! Ne le fais plus. Je continue : Les dimanches tu garderas En servant Dieu dévotement. Que fais-tu le dimanche ? "

Sabot répondit avec embarras : -" Bien souvent J' sers l' bon Dieu Et d' mon mieux. Mais parfois, j' travaille. "

Le curé, magnanime, l'interrompit : -" Sûr que tu n'as pas failli. Passons les commandements suivants. Je reprends : Le bien d'autrui tu ne prendras. Le bien d'autrui, L'as-tu détourné déjà ? " Sabot s'indigna : -" Ah ! Mais non. J' suis Un honnête homme. Ça j' l' jure. Dire que j'ai pas Compté sur une facture quéqu'heure de plus Pour ça, je n' dis pas. Dire que j'y mets pas Quéques centimes de plus, Pour ça, je n' dis pas. Mais pour voler, non. Ah ! Mais ça, non. "

-" Détourner un centime constitue Un vol. Ne le fais plus. " Le curé reprit : -" Faux témoignage ne diras Ni aucunement mentiras. As-tu menti ? "

-" Non. Pour ça, non. J' suis pas menteux. C'est ma qualité. Dire que j'ai point raconté qué'ques blagues, pour ça, Je n' dis pas ! Dire que j'ai point Fait accroire c' qui n'était point, Quand ce s'rait D' mon intérêt, Pour ça, Je n' dis pas. Mais pour menteux, Non. Je n' suis pas menteux. "

Le prêtre lui conseilla simplement : -" Observe-toi dorénavant. L'œuvre de chair ne désireras. En ton âme Et conscience, as-tu désiré Une autre femme Que la tienne ? "

-" Oh, non !, M'sieu l'curé. Ma femme, la tromper ? Pour ça, non. Dire que je n' vas jamais badiner... Pour ça, je n' dis pas. "

Le curé n'insista plus Et donna l'absolution au menuisier.

Sabot fit un travail excellent.

Et depuis, à la messe, il communie tous les dimanches.


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