Drôle de paradoxe comme la vie aime en produire. Le football voit son image une nouvelle fois salie par la crise que traverse son conseil suprême, la FIFA, pourtant garant de cette image.Association de droit suisse fondée en 1904, la FIFA est composée de plus de deux cent associations nationales. A quelques jours de l'élection de son président, cette organisation tentaculaire a mis sur pied un vaste plan de communication de crise, après avoir appris l'inculpation pour corruption de neuf de ses élus et cinq partenaires pour des faits s'étalant sur les 24 dernières années. Ses partenaires inculpés sont soupçonnés d'avoir " payé de manière systématique et accepté de payer bien au-delà de 150 millions de dollars en pots-de-vin et rétrocommissions pour obtenir de lucratifs droits médiatiques et marketing pour les tournois internationaux de football".
On distingue traditionnellement trois postures face à une crise. La FIFA évite la pire et ne fait pas l'erreur de ne pas communiquer. Elle ne choisit pas non plus la bonne. Elle adopte la stratégie du déplacement latéral au lieu de jouer franc jeu. Elle tente de se dégager de toute responsabilité en rejetant la faute sur ses partenaires. Cette stratégie de communication de crise est très dangereuse car elle est fortement susceptible d'être interprétée par le grand public comme un rejet de ses propres responsabilités. C'est un peu comme si un fast food venait vous expliquer qu'il est désolé de vous avoir rendu malade, qu'il n'a aucune responsabilité, que c'est son fournisseur de viande qui lui a vendu de la viande non comestible.
Ce serait parfaitement inacceptable et irresponsable aux regards des exigences de transparence du grand public. Exigences toujours plus grandes mais légitimes. Dès la homepage du site internet, le ton est donné : la FIFA est victime. Pourtant, il suffit de lire le communiqué de presse disponible pour s'apercevoir que la FIFA fait le service minimum se bornant à résumer dans un minimalisme consternant qu'elle collabore avec les autorités. Pas de déception exprimée à l'égard de ses partenaires en qui elle avait nécessairement une grande confiance. Pas d'indignation manifestée devant les espoirs déçus des supporters de Football. Ni même de colère exprimée devant les risques de dégradation de l'image de son sport dont elle est censée être la gardienne.
Un choix des mots dangereuxCommunication rapide et massive oui, volonté de couper court aux rumeurs sans doute, reste que la FIFA fait avant tout le pari de la mise en scène de sa communication au lieu de démontrer dans des actes sa mobilisation contre la crise traversée. A travers cette communication de crise, la FIFA se borne à démontrer qu'elle communique au lieu de démontrer qu'elle agit... Tous les ingrédients d'une mauvaise communication de crise sont là et les mots particulièrement mal choisis risquent de desservir durablement l'image de l'organisation. La FIFA a compris le risque qu'il y avait à être l'organisation porteuse de l'image grand public de ce scandale. Mais, si chacun comprend bien que la FIFA cherche à ne pas faire figure d'accusé, c'est oublier un peu vite que sans réelle manifestation de sa mobilisation contre les éléments déclencheurs de la crise, la FIFA aura du mal à convaincre l'opinion publique qui a cessé de croire ceux qui répètent que tout va aller bien et que le pire est derrière eux...
Enfin, quand Walter De Gregorio, directeur de la communication et des affaires publiques de la FIFA déclare que c'est "Un bon jour pour la FIFA". On ne peut que sourire. Qui peut sérieusement le croire ? Qui les communicants de la FIFA ont-ils cru pouvoir convaincre avec un tel élément de langage ? Il y a une évidente dissonance entre cette formule choc évidemment préparée à l'avance et la situation perçue par l'opinion. Dès lors, cette déclaration malheureuse loin de tout bon sens, ne permet pas d'apaiser la situation et de protéger l'image de l'institution tellement elle est déconnectée de la réalité de la crise.
A aucun de ces moments, la FIFA ne peut espérer calmer ses parties prenantes, rassurer les médias ou informer sereinement l'opinion publique avec une telle déclaration. Le choix des mots est tellement inapproprié qu'il en est dangereux. Il suffit de voir les réactions sur twitter considérant assez unanimement que "plus c'est gros, plus ça passe". Pourtant, en pareilles occasions, les mots peuvent tout changer. Reste que même la communication de crise la plus efficace au monde ne peut pas cacher longtemps une gestion de crise absence ou déficiente.
C'est toute la stratégie de défense de la FIFA qui est une erreur. La FIFA ne peut pas se défausser sur ses partenaires en tentant d'étanchéiser la faute pour éviter que leurs turpitudes ne la contaminent. On le sait, dans un tsunami, aucune goutte d'eau ne se sent responsable. Cette stratégie est regrettable car elle risque de causer des dommages durables à l'image de l'institution et à son organisation. La FIFA n'explique absolument pas ce qui s'est passé ni même ce qu'elle envisage de mettre en place comme processus afin de garantir que corruption et affairisme n'aient plus leur place dans le Football.
Comme enfermée dans sa bulle, la FIFA fait l'erreur grossière de se réfugier derrière les actes de ses partenaires. A tort, elle ne rappelle pas par exemple que son organisation continue de fonctionner sans difficultés. Espérons qu'au mieux la communication des jours et semaines à venir soit plus adaptée et qu'au pire, aucune nouvelle révélation ne vienne fissurer cette défense bien fragile. Il est une règle d'or en matière de communication de crise: on ne peut pas communiquer efficacement en s'asseyant sur l'opinion publique.
A propos de l'auteur : Florian Silnicki est fondateur de l'agence LaFrenchCom'.
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