L’Ombre des Femmes // De Philippe Garrel. Avec Stanislas Merhar, Clotilde Courau et Lena Paugam.
Philippe Garrel lâche son fils pour une fois (après l’avoir mis dans La Jalousie et Un été brûlant et bien d’autres encore auparavant) afin de parler encore d’éternels triangles amoureux sauf que cela commence à devenir un peu redondante. Bien que plus intéressant que son La Jalousie sorti en 2013, L’Ombre des Femmes n’atteint pas les sommets de Les Amants Réguliers (avec Louis Garrel bien évidemment). Le plus gros atout de ce film est le noir et blanc. Il permet de faire abstraction du reste et de se concentrer sur les sentiments des personnages. C’est un choix judicieux et que je ne peux que saluer. C’était déjà un atout du réalisateur et c’est donc encore le cas ici. Mais au delà de l’utilisation du noir et blanc, le film, présenté en ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs du Festival de Cannes 2015, peine mettre d’accord. Le scénario balaye des sentiments et des relations que le réalisateur a déjà entretenu dans d’autres de ses films. Si l’on aurait peut-être apprécié une sorte de synthèse, c’est tout le contraire, déliant encore et encore les comportements amoureux. Il parvient même à insérer une morale légèrement pompeuse : peu importe si l’on s’est trompé, le véritable amour, lui, reste.
Pierre et Manon sont pauvres. Ils font des documentaires avec rien et ils vivent en faisant des petits boulots. Pierre rencontre une jeune stagiaire, Elisabeth, et elle devient sa maîtresse. Mais Pierre ne veut pas quitter Manon pour Elisabeth, il veut garder les deux.
Un jour Elisabeth, la jeune maîtresse de Pierre, découvre que Manon, la femme de Pierre, a un amant. Et elle le dit à Pierre… Pierre se retourne vers Manon parce que c’est elle qu’il aimait. Et comme il se sent trahi, il implore Manon et délaisse Elisabeth. Manon, elle, rompt tout de suite avec son amant. On peut supposer que c’est parce qu’elle aime Pierre.
Le choix du casting n’est pas étranger. On sent que Stanislas Merhar (En Ville) est l’homme qu’il fallait mettre au milieu de cette aventure. C’est un parisien moyen, quelqu’un qui a une petite vie rangée et qui pourtant rêve de grand. Mais il rêvasse énormément. Du coup, on le suit d’aventures en aventures entre son boulot (avec sa femme) et sa maîtresse. Lena Paugam, inconnue au bataillon, est fraîche dans le rôle de cette maîtresse presque un peu torturée au fond d’elle par le fait qu’elle n’aura jamais l’homme qu’elle veut. La façon dont elle pose ses questions, dont elle semble fascinée par Pierre, est assez sympathique. Et enfin il y a Clotilde Courau. Si je suis d’accord pour dire qu’il s’agit d’une bonne actrice, ici elle ne fait que faire ronronner son personnage dans des dialogues assez synthétiques et dans des faces à faces qui manquent cruellement de personnalité. On est donc très loin de la Clotilde Courau que l’on a envie d’aimer et pourtant, je ne suis jamais contre cette actrice. Elle était sympathique dans Babysitting par exemple pour citer un exemple qui sort presque du commun. Mais pas ici, elle semble cabotiner la pauvre alors qu’elle mérite tout de même bien mieux. Elle n’est pas aidé par le scénario qui ne fait jamais avancer son personnage dans la bonne direction.
Philippe Garrel semble donc faire de la rediffusion de ses précédents films sans parvenir à nous apprendre quelque chose de nouveau. Si la beauté de ce film se trouve justement dans son idée de départ, il aurait été intelligent que la coiffer de quelques dialogues tout aussi beau. Cela manque peut-être d’un poil de sentimentalisme. C’est un comble pour un film qui est sensé nous proposer quelque chose de fort de ce point de vue là. Si pour certain L’Ombre des Femmes est l’un des plus beaux films de Philippe Garrel, je ne suis pas vraiment d’accord. Je trouve au contraire que sans être sa pire oeuvre, c’est une oeuvre très mineure avec laquelle je n’ai pas réussi à faire grand chose si ce n’est à m’ennuyer profondément. Moi qui avait déjà été fasciné par le cinéma de ce réalisateur dans Les Amants Réguliers ne retrouve depuis jamais cette même fraîcheur (même si Un été brûlant n’était pas mauvais du tout et qu’il avait son charme et ses atouts derrière ses faiblesses). Ici c’est presque comme si la ritournelle reprenait sans pouvoir s’arrêter. De plus, L’Ombre des Femmes n’a de cesse de se répéter encore et encore durant près d’une heure et 15 minutes (ce qui au demeurant n’est pas très long pour un film, ici un peu).
Note : 4/10. En bref, d’un film qui aurait pu tenir en court métrage, Philippe Garrel étire son scénario quitte à le transformer en chewing-gum prémâché. Dommage.