François Asselin : «Les aides allègent une fiscalité insupportable pour nos entreprises»

Publié le 28 mai 2015 par Lecriducontribuable

Cet entretien a eu lieu dans le cadre du numéro 9 des Enquêtes du contribuable, «Les inégalités public-privé» (février/mars 2015). Commande en ligne sur notre boutique.

Le système français des aides aux entreprises vous semble-t-il efficace ?

La principale difficulté du système d’aides aux entreprises est qu’il est très dispersé et qu’il est très difficile de s’y retrouver. Heureusement, depuis quelques années les choses ont progressé avec la mise en ligne de sites internet officiels permettant de déterminer les aides adaptées aux projets. A titre d’exemple, la Direction générale des entreprises met à disposition une information gratuite sur les aides publiques. Cet observatoire des aides recense plus de 3 000 dispositifs publics.

Toutefois, d’après l’étude réalisée par Ernst & Young en 2013 sur l’efficacité des aides publiques aux entreprises et l’efficacité des structures publiques impliquées dans des dispositifs de soutien, Bpifrance semblait faire exception en recueillant 75% d’opinions favorables. Les autres structures publiques de soutien, parfois dotées de moyens financiers sensiblement supérieurs, sont perçues globalement comme peu efficaces.

➜ Est-il équitable ?

Les différences entre les bénéficiaires des aides se font essentiellement en fonction des secteurs d’activité et des territoires. Certains secteurs innovants, notamment, et considérés comme d’avenir, bénéficient de plus d’accompagnement que les professions plus classiques. Une autre différence se fait en fonction des lieux. Les régions, les départements, les communes… peuvent dispenser un certain nombre d’aides aux entreprises, ce qui aboutit à un certain nombre de disparités.

➜ Quelles sont les conclusions du récent rapport Queyranne partagées par la CGPME ?

Sans entrer dans le détail des mesures proposées dont certaines auraient pu pénaliser des entreprises, nous étions en accord avec l’objectif de soutenir les priorités économiques nationales. Selon le rapport, les priorités économiques nationales sont les «4 i» : investissement, innovation, industrie et international.

Quelles réformes préconisez-vous ?

Pour la CGPME, le plus important n’est pas d’obtenir de nouvelles aides mais d’alléger les contraintes pesant sur les TPE-PME. Toutefois, certains leviers peuvent inciter les entreprises à investir et à se renforcer. La CGPME propose de favoriser fiscalement les entreprises qui investissent dans leur outil de production, en installant un taux réduit d’impôt sur les sociétés sous condition d’affectation en fonds propres.

➜ Quelles seraient les « aides » à débloquer d’urgence pour soutenir les PME-PMI? 

Les soutiens publics aux projets de R&D et d’innovation sont plébiscités. L’étude d’Ernst and Young sur l’efficacité des aides publiques aux entreprises note qu’elles attendent avant tout de la puissance publique le maintien et le développement des aides à l’innovation, qu’elles jugent efficaces à 71%, et des aides à l’investissement. Le crédit d’impôt recherche (CIR) est plébiscité comme l’aide la plus utile et la plus efficace.

Toutefois, en termes d’urgence, c’est vraiment la question de l’accès au financement de court terme qui mobilise toute notre attention. Je souligne aussi les difficultés à sortir des aides. Que va-t-il se passer après le CICE (crédit d’impôt compétitivité-emploi) ? Verra-t-on exploser le coût du travail ?  Enfin, j’ajoute que certaines aides mériteraient d’être mieux ciblées sur les TPE/PME.

Sur le principe, vaut-il mieux «aider» les entreprises ou leur permettre de se développer sans entrave ?

L’étude réalisée par Ernst & Young en 2013 note que de nombreux chefs d’entreprise interrogés souhaitent qu’avant toute aide, il puisse y avoir un environnement réglementaire et fiscal stable et allégé. Ma réponse est que les chefs d’entreprise préféreraient pouvoir se développer sans entrave plutôt que d’être aidés. Les dispositifs d’aides ont un rôle fort de soutien à la compétitivité des entreprises. La CGPME considère que ces aides ne sont que des moyens de diminuer un taux nominal de pression fiscale ou sociale qui, à défaut, serait insupportable pour les entreprises. Je rappelle que les aides sont souvent mises en place pour contrebalancer les nouvelles contraintes sur les entreprises (exemple, les 35 heures) et que la balance entre aides et prélèvements est largement déficitaire !

 ➜ Dans quel pays étranger le système des aides d’Etat vous semble-t-il le plus opérationnel ? 

Au sein de l’Union européenne, tous les États ont développé des politiques d’aides destinées aux PME respectueuses de la réglementation communautaire. Elles sont clairement marquées par les priorités définies par chaque État et les politiques nationales qui en découlent. Les modalités varient d’un pays à l’autre et ne permettent pas de procéder facilement à des comparatifs. Les soutiens à l’export et à l’innovation figurent parmi les dispositifs les plus répandus. En matière d’innovation, le dispositif français du crédit d’impôt recherche, apprécié par les PME françaises, est considéré comme très performant par nos partenaires et a fait école. Un dispositif similaire et particulièrement favorable aux entreprises, permettant d’obtenir des déductions fiscales dans le cadre d’activités de recherche et développement et d’innovation technologique, a été adopté en Espagne en 2011.

 Les aides du gouvernement allemand à ses PME-PMI vous semblent-elles enviables ? 

Les aides d’État constituent un élément essentiel de la politique industrielle allemande. Le soutien à l’innovation est aussi un axe important mais davantage orienté vers les entreprises manufacturières. 12,2% des crédits budgétaires publics pour la R&D sont destinés à ces entreprises contre 1,7% en France.

Il faut noter que les entreprises allemandes utilisent peu les aides publiques, probablement parce qu’elles bénéficient d’une structure financière robuste avec un montant de fonds propres et provisions égal à 56% du total de leur bilan. Depuis 2011, date à laquelle l’Allemagne a entamé son tournant énergétique, les entreprises peuvent bénéficier d’un fort soutien public pour les accompagner sur la voie de la transition énergétique. Mais il ne faut pas oublier que cette politique volontariste du gouvernement allemand vise à corriger un contexte plus défavorable pour ses entreprises, comme par exemple un coût de l’électricité plus élevé : 0,25 €/kWh contre 0,14 €/kWh en France.

Propos recueillis par Didier Laurens


François Asselin, 50 ans, a été élu président de la CGPME en janvier dernier. Il est à la tête d’une entreprise de charpente et ferronnerie d’art de 140 salariés dans les Deux-Sèvres. C’est l’entreprise Asselin qui a reconstruit à l’identique l’Hermione, une frégate du XVIIIe siècle.


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