J’ai vécu bon nombre de difficultés dans ma vie et une de celles-là a été de vivre intensément des périodes d’agoraphobie. Je ne sortais plus de chez moi si je n’étais pas accompagnée et même cela souvent ne suffisait pas. Les foules me faisaient terriblement peur et je me sentais regardée par tous en même temps, comme si tout le monde me jugeait sévèrement.
J’ai même eu recours à des séances en désensibilisation qui consistaient à me faire sortir de la maison, accompagnée d’une thérapeute. Au début, en voiture, nous nous rendions dans les stationnements de centres commerciaux afin de me désensibiliser à l’idée qu’il puisse y avoir beaucoup de gens à faire les boutiques.
Angoisse et panique étaient mon lot, mais je tenais bon. Je combattais constamment la douleur au cœur que je ressentais lorsque j’avais une crise en me répétant que non, je n’allais pas mourir, que ce n’était qu’une crise et qu’elle allait passer. Certaines de ses attaques duraient plus longtemps que d’autres, si bien que de retour chez moi, porte cadenassée et volets fermés, je me retrouvais complètement épuisée.
Cette thérapie en désensibilisation a toutefois eu pour effet de me guérir pour la plupart de tous mes malaises et je serai toujours reconnaissante à la thérapeute qui m’a accompagnée lorsque je vivais le tout à la dure et que j’étais si découragée que je voulais tout laisser tomber.
Une nouvelle vie
Une fois toutes mes séances terminées, même si je préférais davantage être accompagnée lors de mes sorties, j’ai eu l’impression de commencer une nouvelle vie. Une vie où j’avais redécouvert mon propre pouvoir, une vie de liberté.
Et, petit à petit, l’agoraphobie est devenue presque chose du passé. Presque, parce que lors de certaines sorties, il m’arrive encore de me sentir mal, mais pas au point de faire une crise. Lorsque cela arrive, je respire un bon coup, tente de pousser ma limite toujours un peu plus loin tout en la respectant. Cela veut dire que je n’attends pas la crise pour quitter un endroit où je ne me sens pas bien, mais je ne m’empêche pas d’aller dans les endroits bondés pour autant.
Durant la dernière année, j’ai quitté certains endroits puisque je n’arrivais plus à respirer. J’avais cette douleur au cœur qui me faisait peur et j’avais tellement la frousse que je ne suis pas arrivée à pousser ma limite très loin. Qu’à cela ne tienne! J’ai récidivé en sorties de toutes sortes, accompagnées ou pas, parce que je ne suis pas du genre à m’avouer vaincue.
La victoire
Il y a un mois de cela, je me suis donc rendue dans une rencontre où étaient présentes un peu plus de 700 personnes. Et je m’y suis rendue seule! Gros défis pour moi vous savez… que j’ai relevé en partie. J’ai choisi un siège au fond de la salle afin de ne pas attirer l’attention si par malheur je devais quitter l’endroit. Et j’ai quitté les lieux à la moitié de la soirée parce que c’en était effectivement trop pour moi. Mais j’étais fière de moi d’avoir ainsi participé à ce rassemblement, même si je ne pouvais témoigner de la fin.
Cette semaine, accompagnée d’une amie, je suis allée à ce même rassemblement. Cette fois, on pouvait y compter un peu plus de 1 000 personnes présentes. C’est au beau milieu de la salle que nous avons choisi nos places. Puis une autre amie nous a rejointes et elle s’est assise avec nous. C’est donc entourée de ces personnes de cœur que j’ai passé une soirée entière à participer, comme tout le monde, à une soirée extraordinaire, le cœur fier et heureuse d’être là.
Ce n’est qu’à la moitié de la soirée que je me suis vraiment rendu compte de ce qui se passait réellement. J’étais assise là, parmi une foule dense, une amie de chaque côté de moi et je sentais leur doux regard se poser sur moi de temps en temps l’air de dire que tout irait bien. Et tout allait bien effectivement.
Ce soir-là, c’est dans l’amour qu’on me portait que j’ai puisé mon courage sans même m’en rendre compte. Dans les yeux de mes amies, je pouvais apercevoir mon reflet heureux du défi relevé. J’y puisais force et courage et je savais… je savais que ma soirée serait parfaite!
À mon retour à la maison ce soir-là, j’étais exténuée. Mais cette fois-ci, je l’étais d’amour des autres envers moi et d’amour de moi envers moi. J’étais détendue aussi ce qui est chose nouvelle pour moi et j’ai dormi du sommeil du juste sans cauchemar.
Mes amies connaissent mon histoire et savent que cette soirée a été une grande victoire sur l’agoraphobie. Oui, cela m’a fallu du temps, beaucoup de temps avant de crié victoire ainsi et peut-être que je connaitrai d’autres occasions où j’aurai des malaises. Mais je pourrai toujours m’accrocher à ce succès spectaculaire et au souvenir du doux regard de mes amies pour me rappeler que je suis forte et surtout apte à me tenir debout ou assise dans une marre de gens. Parce qu’après tout, ces gens, s’ils se trouvent aux mêmes endroits que moi, c’est qu’ils ont les mêmes besoins que moi! Et du coup, rien ne me sert de me sentir regarder ou juger ou encore mieux : qu’ils me regardent tous, enfin tous ceux qui ont peine à être parmi les gens, et qu’ils me prennent pour exemple afin de se sentir libres eux aussi.
Sur ce, je vous laisse, j’ai une sortie à faire!
Josée Durocher
Billets et portraits
.