Voici un polar à plusieurs ramifications, je vous en avise immédiatement, pas moyen d’être paresseux à sa lecture. Je dirais même, il est si touffu, que tout y est. Que ce soit des meurtres macabres à répétition (mains clouées sur des édifices), des oncles louches, des pères disparus, de la mafia infiltrée, de la famille italienne sur la sellette, du journaliste vedette à l’esprit vengeur, une taupe, de la drogue, des jeunes abusés et, au bout de ces êtres : Surprenant. Oui, l’enquêteur, André Surprenant, le personnage principal. Il est entouré d’une pluralité de péripéties et de personnages que l’on en arrive même à le perdre un peu de vue. Un peu, juste un peu.
Surprenant croyait son père perdu, ou mort, jusqu’au jour où il reçoit de ses nouvelles de la Californie. Il vient d’entrer à l’escouade des crimes majeurs de la SPVM, rejoignant une équipe dont il est le nouveau venu, celui qui doit faire ses preuves. Il habite Outremont, la maison dont il a hérité de son oncle, Roger dont on entendra parler dans l’histoire. Son père est également un personnage hautement coloré, mais nous aurons peu d’occasions de faire sa connaissance, à cause justement de la quantité d’histoires imbriquées les unes aux autres. Nous connaitrons par contre sa mère, sa femme, ses enfants et les enfants de sa femme. Pour un enquêteur en service depuis quelques livres, c’est sa sortie au grand jour, on découvre ses antécédents.
Tout est intéressant et tout s’imbrique. Cette histoire a les qualités de ses défauts. Et vice-et-versa. Si vous aimez une seule intrigue approfondie, j’hésiterais à me lancer sur cet entrelacement d’histoires et de personnages hétéroclites. D’ailleurs, au début de ma lecture, j’ai été prise par surprise, car L’homme du Jeudi est un polar presque pépère si on le compare à celui-ci. Il a fallu que je m’y fasse et que je sorte de ma torpeur. Le lecteur se doit d’être alerte, la bouchée est consistante à avaler et à assimiler. Il faut la mastiquer. C’est de la haute voltige et j’ose croire qu’il faut un romancier drôlement expérimenté pour en être rendu à manier les fils sans se mêler et sans qu’ils se mêlent entre eux.
Pour le style, parlons d’effervescence, d'énergie, de dynamisme. Un style remuant ! Avec de petits clins d’œil à l’œuvre de Ferron L’amélanchier. Et pourquoi pas !
Même si je ne m’attendais pas à autant de rebondissements, en aucun cas, je ne manquerai la prochaine enquête de Surprenant. Mais comment surprendre après tout ça ? À l’auteur de me répondre dans son prochain titre.
Ah oui, le titre fait allusion à cet extrait de Jacques Ferron placé en exergue : Je me sentais à la fois honteuse et fière d’être sa fille. Il avait partagé le monde en deux unités franches et distinctes qui figuraient le bon et le mauvais côté des choses. Lui seul avait accès à ce dernier, lui seul ne le craignait pas.