Le Maroc, les marocains et les marocaines formeraient une société parfaite, saine, sans tares, sans défaut, sans taches!
Nous vivrions donc dans un environnement absolument aseptisé, isolé des maux qui minent le monde et les autres sociétés.
Dire le contraire, écrire le contraire, et surtout montrer le contraire relèverait de l’atteinte à la dignité du pays et l’honneur de ses habitants.
Il faudrait ainsi ne jamais parler de la corruption qui mine notre économie, parce que cela équivaudrait à porter atteinte à l’honneur de nos fonctionnaires et à la réputation de notre pays! Pourtant, tout le monde sait que la corruption existe, qu’elle est endémique, qu’elle est acceptée par les corrupteurs comme par les corrompus!
Les images qui ont circulé ou qui circulent sur le net ne sont qu’une infime partie du scandale de la corruption. La vraie corruption est invisible car discrète et parfois très sophistiquée.
Un film ou un roman sur ce sujet seraient-ils utiles pour lutter contre ce fléau ou seraient-ils interdits par les autorités compétentes?
La pédérastie constitue une constante des sociétés arabes en génral, et de la nôtre en particulier. Nous connaissons tous des dizaines d’anecdotes ou de blagues plus ou moins salaces à ce sujet! . Mohamed Ben Brahim, le poète de la ville ocre, en a été le chantre et beaucoup de nos prestigieux écrivains lui ont consacré des ouvrages édifiants sans qu’ils aient été inquiétés!
Parler, dans un film ou dans un livre, de pédérastie ou de pédophilie en 2015 relèverait-il de l’atteinte à je ne sais quel honneur national, alors que chaque semaine la presse nous met sous le nez des cas d’agressions sexuelles perpétrés sur des mineurs, commises parfois par des personnes dont le rôle serait de guider la société vers le bien et le droit chemin!
Autre tare qui est en train de saper les fondements de notre société : la drogue sous toutes ses formes!
Hier, le kif était consommé au su et au vu de tout le monde! Mais consommé discrètement par une minorité! Aujourd’hui, du karkoubi à la cocaïne, du joint aux psychotropes, du cirage aux mélanges les plus improbables, la drogue fait des ravages dans notre jeunesse! Notre pays est pointé désigné comme étant un des plus importants pourvoyeurs mondiaux de cannabis.
Un film ou un roman ayant pour thème ce fléau constituerait-il une attaque contre le Maroc et les marocain/es? Faut-il fermer les yeux, détourner le regard et se convaincre que chez nous tout va bien dans le meilleur des monde?
Il est de notoriété publique que notre enseignement public touche le fond, que notre justice n’est pas la plus indépendante ni la plus juste et que des réformes de ces deux secteurs sont indispensables et urgentes, que notre police n’est pas un modèle du genre.
Réaliser un film ou écrire un roman sur ces sujets sensibles permettrait-il de faire avancer les choses ou serait-ce considéré comme une atteinte aux institutions de ce pays?
Si demain quelqu’un entreprenait dans un film ou dans un roman de dénoncer la triche et la fraude dans les examens, en en décortiquant les techniques et en mettant en exergue les dangers pour l’avenir de notre jeunesse, sera-t-il pointé du doigt comme étant un chantre de la malhonnêteté ou comme le suppôt de la malversation?
Serait-il accusé de porter atteinte au moral de notre jeunesse, de déconsidérer la fonction d’enseignants et celle d’agents de l’administration des établissements d’enseignement!
Tous les marocain/es connaissent l’étendue des scandales liés à l’immobilier, avec les fortunes énormes accumulées par des promoteurs indélicats, les autorisations administratives délivrées à l’emporte-pièce contre on ne sait trop quelle contrepartie, les notaires véreux, les constructions ne répondant à pratiquement aucune des règles de l’art ni aux exigences légales!
Nous savons tous les magouilles qui entourent l’éradication des bidons-villes et le relogement des leurs occupants.
Si un citoyen se penche sur ces problèmes et décide d’en faire un film ou un roman, sera-t-il poursuivi pour incitation à une quelconque fronde contre le pouvoir en place ou à une atteinte à l’ordre public?
La liste des secteurs sociaux gangrénés par telle ou telle tare est interminable et touche tous les aspects de la vie quotidienne de nos compatriotes! Ce n’est surement pas la censure ou l’interdiction d’en parler ou de les évoquer dans des œuvres artistique qui y remédiera.
Allons, messieurs de la censure, soyons lucides.
Le Maroc n’est pas une société idéale, vivant sous les saintes prescriptions, sans défaut, sans vice, sans tare!
Les scandales existent, même si personne n’en parle ! Et comme le rappelle si bien Etienne PASQUIER, juriste et homme politique français du XVIème siècle : “Le premier scandale provient de celui qui fait le mal, et non de celui qui le raconte”.
Alors rangez vos ciseaux et laissez les uns dire ce qu’ils veulent et les autres regarder et lire ce qu’ils veulent!
Les marocain/s n’ont pas besoin de tuteurs, ni de directeurs de conscience, ni de confesseurs! Nous n’avons besoins ni de mollahs ni d’ayatollahs, ni de muftis! Il en a toujours été ainsi et ce n’est pas maintenant que cela va changer.