Lorsqu'il est question d'exploiter le trésor d'information dont disposent les banques sur leurs clients et leurs comportements, les opportunités commerciales leur viennent généralement à l'esprit en priorité. Pour JPMorgan Chase, qui cherche peut-être à redorer ainsi son blason, l'idée est plutôt d'enrichir la connaissance, pour le bien public.
Une telle vision peut certes paraître pompeuse, surtout pour une institution financière, mais l'organisation que vient de mettre en place la géante américaine, inscrite dans sa politique de responsabilité sociale, mérite définitivement l'indulgence et l'intérêt. La vocation du « JPMorgan Chase Institute » est en effet de profiter des données accumulées par la banque pour réaliser des études approfondies sur un ensemble de thématiques touchant à la situation économique des États-Unis et de ses habitants.
Dirigé par une ancienne responsable du cabinet McKinsey, ayant aussi un passé dans l'administration américaine, ce « think tank » a pour objectif de procurer un éclairage beaucoup plus riche et plus précis que les études existantes – principalement statistiques – à l'ensemble des acteurs susceptibles d'en avoir l'usage, à commencer par les organismes gouvernementaux et les associations, mais également les entreprises. Tous pourront utiliser les résultats produits afin d'optimiser leurs choix et leurs prises de décisions, par exemple en matière de protection des consommateurs.
À titre d'illustration, le premier rapport produit par l'institut traite de la volatilité des revenus et de la consommation dans la population américaine. Basé sur un échantillon de 100 000 clients qualifiés (extraits des 27 millions de détenteurs de comptes de JPMorgan Chase) et de leurs 135 millions de transactions enregistrées sur 2 ans, complété de quelques sources de données externes, ce document ouvre une extraordinaire fenêtre sur une autre vision de la société américaine contemporaine.
Il ressort de cette analyse que les variations de revenus annuels sont conséquentes (7 américains sur 10 ont vu un écart de plus de 5% entre 2013 et 2014, qui atteint même plus de 30% pour un quart des individus). Le constat est identique du côté des dépenses, dans des proportions encore plus importantes. Pourtant, étonnamment, les deux versants de l'équation ne semblent pas corrélés. D'autre part, toutes les catégories de population – et non uniquement les plus fragiles – sont touchées par ces phénomènes.
Les spécialistes à l'origine de l'étude arrivent, entre autres, à la conclusion d'un défaut d'épargne généralisé. Ainsi, la plupart des consommateurs ne sont pas en mesure de faire face à une dépense imprévue dans une période de baisse de leurs revenus. Il est même possible de chiffrer (à environ 4 800 dollars) le « matelas » moyen nécessaire. Une telle information pourrait alors être utilisée pour orienter une politique ou promouvoir des outils favorisant la constitution d'une réserve d'argent.
À l'écart des tentations d'exploitation de données à des fins commerciales, toujours susceptibles de déclencher l'ire publique, JPMorgan Chase préfère investir dans une approche beaucoup plus positive pour son image, tout en prenant grand soin de rassurer sur les précautions relatives à la sécurité et à la protection de la vie privée qu'elle met en œuvre. Il ne fait cependant aucun doute que les résultats de ses études l'aideront aussi à améliorer ses propres services, grâce à la connaissance client acquise…