de Stéphane Brizé.
Avec Vincent Lindon.
Sorti le 19 mai 2015.
★★★★★
LA LOI DU MARCHE nous projette dans la vie de Thierry ( Vincent Lindon), un chômeur qui, malgré les difficultés qui s'abattent sur lui, refuse de se résigner et tente chaque jour de retrouver du travail. Stéphane Brizé met en évidence, devant sa caméra, le long et difficile chemin que cet homme doit parcourir, les concessions qu'il doit faire pour parvenir à retrouver DU travail. Pas LE travail qui lui convient mais UN travail. Celui qui permettra de payer les factures qui s'amoncèlent, de payer les soins de son fils handicapé. Entre entretiens d'embauches humiliants et rendez-vous à la banque, LA LOI DU MARCHE décrit tout ce qu'une personne affaiblie doit accepter pour continuer à vivre décemment. Il se dégage néanmoins du film une bienveillance et un optimisme inattendu, qui laisse une place à l'espoir, contrairement à Jamais de la vie (de Pierre Jolivet, vu récemment), beaucoup plus plombant.
Stéphane Brizé, tel un funambule, maintient habilement l'équilibre entre fiction et documentaire, cultivant à l'écran un naturel bouleversant. Vincent Lindon côtoie des acteurs non professionnels, la caméra tourne de longs plans séquences, toujours mobile et prête à suivre l'un des personnages. En résultent des dialogues bruts, une spontanéité frappante qui nous marque et nous implique. Vincent Lindon, dont le travail dans LA LOI DU MARCHE vient d'être récompensé par un prix d'interprétation au Festival de Cannes, est totalement libéré, s'est totalement libéré. La difficulté pour l'acteur professionnel est de parvenir à retrouver l'innocence, la pureté auxquelles un acteur amateur peut accéder. Pas si facile. Lindon atteint un niveau de sincérité exceptionnel, une justesse impressionnante. Il remplit l'écran même lorsqu'il ne parle pas. Lorsqu'il est entouré d'autres personnages, la caméra se fixe souvent sur lui, capte ses regards, l'attention qu'il donne à ses partenaires. L'acteur, puissant et intériorisé, donne cet accent de vérité qui nous jette la réalité en pleine tête. LA LOI DU MARCHE nous marque par ses dialogues et par certaines scènes dont l'absurdité glaçante nous prend aux trippes. Par exemple, la banquière qui propose au chômeur de mettre de l'argent de côté pour une assurance décès, au cas où ! La scène est démente. On rit. Nerveusement peut-être, parce qu'on imagine très bien qu'elle peut vraiment se produire. Stéphane Brizé montre la violence du chômage dans le quotidien, dans l'absence de loisir. Et surtout, quand Thierry retrouve UN travail, la violence dans les relations entre responsables et employés. Certaines séquences nous laissent sans voix tout en nous indignant profondément. LA LOI DU MARCHE nous rappelle alors que les emplois les plus durs sont souvent les moins bien considérés. On ressort du film déstabilisé mais également révoltés. Et c'est sûrement ce qui manque de nos jours, un peu de révolte face à la misère et aux injustices qui nous entourent !
Pauline R.