On a beau se méfier de la déliquescence de l'État congolais et de la lourdeur de son administration, on aura besoin à un moment ou à un autre de fréquenter l'un des bâtiments délabrés qui abritent la fonction publique. Un document aussi précieux que l'acte de naissance ou le certificat de bonne vie et mœurs n'émane que des seules autorités publiques ou de leurs délégués.
Il y a intérêt à reconnaître un vrai bureau de l'État parmi tant d'autres bureaux. Car pas mal d'escrocs ayant du flair ont leurs petits bureaux labellisés " service d'État civil ", " division d'octroi des passeports " ou encore " délégation du ministère des finances ".
Voyons quelles sont les caractéristiques d'un vrai bureau de l'État afin d'éviter de le confondre avec le repère d'un vulgaire malfrat.
1° Il y a peu ou pas de confortQuand on pénètre pour la première fois dans un lieu comme l'office notarial on ressent aussitôt un sentiment d'inconfort. On ne peut imaginer pareille promiscuité dans un lieu de travail. On se dit qu'il faut une grosse motivation pour accepter de partager un bureau de 4 mètres carré avec 10 collègues.
En outre la plupart de meubles sont soit bancals soit sommairement réparés
On ne va pas dans une administration publique avec l'espoir de trouver juste à l'entrée un gentil Monsieur ou une gentille Dame dont le rôle est d'accueillir les visiteurs. Si par un heureux hasard il existe un poste du chargé de réception, ce poste est la plupart du temps abandonné.
Donc quand on y vient, on est censé connaître ce que l'on cherche et comment l'obtenir.
Comme la réception n'existe pas, tout visiteur connaît l'un de ceux qui travaillent ici et à qui il va s'adresser directement sans problème. Où alors ce visiteur connaît quelqu'un qui connaît quelqu'un qui connaît quelqu'un qui travaille ici.
Dans ce contexte, le bureau ressemble à un bazar où l'on parlotte tout en apposant des signatures sur des documents officiels.
Nous l'avons dit un peu plus haut: " la plupart de meubles sont soit bancals soit sommairement réparés ". Il est inutile de chercher où s'asseoir surtout quand on n'est pas l'un des amis du boss. D'ailleurs l'unique chaise qui est dans la salle d'attente est réquisitionné par le vigile du lieu.
5° Le bureau est un musée
Ici on a la chance de trouver une vieille machine à écrire fabriquée en 1947, du papier carbone, une photocopieuse aussi lourde qu'un coffre-fort et d'autres matériels de bureau d'un autre âge. Tout cela fonctionne tant bien que mal avec la ténacité des employés décidés à faire barrage au progrès technique dans leur pré-carré.
Ce sont là d'après moi les 5 caractéristiques d'un vrai bureau de l'État auxquelles j'ajouterait une sixième: " le visiteur d'une administration publique n'est pas prêt de revenir de sitôt. Les longues attentes, le mauvais accueil, les tracasseries en tout genre et la corruption l'en auront dissuadé. "