Quand les militants perdent la foi titrait le Monde, dans un article publié peu de temps après les résultats du vote des motions du Parti Socialiste dans le cadre du Congrès de Poitiers cuvée 2015. Loin d'être une coïncidence dans l'enchaînement des faits, l'article introduit son sujet en faisant directement référence à la mobilisation pour ce premier tour du congrès socialiste.
Le résultat du vote du 21 mai 2015 montre une victoire nette de la motion A, mais la presse commente aussi un autre enseignement de cette consultation militante. L'air est connu, le discours est rodé : le grand gagnant de ce scrutin serait l'abstention. À peine plus d'un socialiste sur deux s'est déplacé pour s'exprimer. Si le résultat est incontestable, le constat est-il si clair ?
En comparant aux congrès précédents, la participation est finalement très stable - il faut remonter à 2005 pour voir une participation élevée.
Tout va très bien Madame la marquise ?
Faut-il se réjouir pour autant ? Probablement pas. Stable et ne constituant pas une nouvelle donnée, la participation n'en est pas moins faible. Faible et surtout contre-intuitive. Si l'abstention n'est pas un phénomène récent, il est difficile de comprendre qu'elle puisse toucher un adhérent d'un parti politique. En effet, comment expliquer le désengagement d'un militant pour un vote interne, alors qu'il est capable d'investir du temps (réunions de section, campagnes ...) et de l'argent (cotisation) dans sa famille politique ?
L'autre véritable enseignement de ce graphique, c'est le déclin du nombre d'adhérents, autour de 120 000 pour ce congrès. C'est une chute significative par rapport aux chiffres de 2006 et 2007.
En revanche en remontant un peu le temps en étendant l'échantillon, la situation est moins critique. Nous renouons avec les niveaux des années 2000, 2006 représentant finalement un pic exceptionnel que j'oserais expliquer par la primaire socialiste (interne celle-ci). La tendance, elle, est cependant significativement baissière et il reste donc à enrayer ce déclin pour réellement parler de stabilisation naturelle.
" A quoi cela sert-il encore de militer ? "
La réflexion qu'il convient de mener désormais est bien celle-ci : Pourquoi cette crise dans l'engagement politique ? Citant l'article du Monde, " Déjà, aller voter, c'est compliqué. Alors s'engager dans un parti... "
Les phénomènes ont beaucoup en commun. Les électeurs ne se déplaçant plus à l'urne disent ne pas se retrouver dans l'offre politique, ou estiment que leurs représentants ne peuvent rien pour eux. Pour les militants, la perte de pouvoir de la base - qui s'estime peu écoutée et souvent ignorée - est réelle. Des propositions existent et le militantisme doit évoluer pour survivre. Une réflexion amenée assurément à prendre de l'importance dans les semaines à venir.