La musique est un tout, le rap c’est de la musique, du texte et des instrumentales. Quoi de mieux que des instrumentales qui frappent et/ou qui marquent. Une intrumentale sert à sublimer un texte, parfois à en effacer les défauts mais quoi de mieux qu’une instru brute, sans parole. Pour cela existent les producteurs, beatmaker. Ces derniers œuvrent depuis longtemps dans l’ombre et ne voient que peu la lumière. Aujourd’hui nous vous proposons d’éclairer Lionel, moitié des Soulchildren, qui vient il y a quelques semaines de sortir un projet solo : Internal Explosives. Nous avons voulu en savoir plus et lui avons donc posé quelques questions. Rencontre avec un amoureux des instruments, des sonorités diverses et variées et des livres.
Lionel salut – tout d’abord pourquoi ce nom Soulchildren ?
Salut Dany. Le nom Soulchildren date pour nous d’une époque très lointaine… ça date vraiment… Avec mon pote Xpert (Laurent Lamy avec qui j’ai fondé Soulchildren), on cherchait un nom pour notre duo. On utilisait pas mal de breakbeats pour scractcher. Un jour, on a entendu sur un vinyle de Dj Logilo (qu’on adorait) ce qui est devenu notre cris de guerre sur disque : « Brothers and sisters, the Soulchildren! » Pour moi, Soulchildren, cela recouvre une signification autour de notre musique. La Soul comme musique mère du Hip Hop mais aussi pour l’âme qu’on a toujours essayé d’insuffler à notre son. Soulchildren c’est tout ça à la fois.
Habituellement tu formes un duo avec Nicko – pourquoi cette échappée en solo ?
Je ne suis vraiment de ceux qui voient des signes dans la vie mais parfois, les choses nous guident. Soulchildren était embourbé dans pas mal de projets qui ne voyaient pas le jour. Après une longue période de travaux j’ai pu me réinstaller un endroit où refaire de la musique. Je composais pas mal le soir, la nuit… J’ai retrouvé le plaisir de faire de la musique. Pour moi même, sans penser à ce que quelqu’un d’autre pourrait en penser. J’ai amassé quelques prods et en faisant écouter ces musiques à Pejmaxx, il m’a engagé à penser ce projet (qui n’en était pas vraiment un) comme quelque chose de plus ambitieux. Un vrai projet avec une sortie physique.
Tu a proposé il y a peu ton album solo « Internal Explosives » – pourquoi ce nom ? Ce sont là les traces d’explosions de tes neurones ?
Oui on peut le voir comme ça. Je laisse aux gens le soin d’y voir ce qu’ils voudront. Je le vois comme une association poétique. Pour moi les Explosifs Internes c’est quelque chose de très personnel, intime, très profond et qui génère une grande énergie en s’exprimant. Ces explosifs sont de plusieurs natures. Chacun possède les siens en propre. De manière évidente, mes explosifs internes sont artistiques : la musique, la littérature et toutes les formes de création que j’ai mariées sur le disque. Viennent également les autres sources de joie, familiales, amicales, spirituelles, associatives et culturelles…
Tu a sorti un projet assez complexe comme la pochette – Parlons en préambule de celle-ci: ton visage / ta tête mais pas que : tranchée efficacement ? Quel est l’idée ? Qui est le moine guerrier ? Ta petite voix ?
La pochette c’est moi qui en ai eu l’idée. Je suis allé voir Yann Dalon de Strangerous Artwork qui l’a mis en image de la plus belle des manières. C’est un visuel surréaliste à la Magritte ou Dali. L’idée c’est de voir ma passion pour la littérature. Le moine guerrier c’est la plume, celle qui a du style, qui s’exprime par les mots, qui est très productive mais reste anonyme. Homme de l’ombre. C’est la difficulté de créer, d’être seul en création…de se faire comprendre…
Pour revenir sur le projet – tu as lancé depuis quelques semaines ce projet uniquement en vinyle ? Pour L’objet mais encore ? Pourquoi – ne penses tu pas qu’un cd ferait plaisir à certains ?
Au départ, avant l’intervention de Pejmaxx et de Julien de Musicast, le projet n’aurait dû sortir qu’en digital. C’est ce dernier qui m’a orienté vers le vinyle. C’est le format dont le marché se prêtait le mieux à cette forme musicale. Oui, un cd ferait plaisir à certains mais la distribution digitale est assez complète (Fnac, Amazon, Itunes…) pour que tout le monde y ait accès.
Rentrons dans quelques morceaux : Certains sont presque trip Hop dont « Mort à crédit » avec une chanteuse – pose t’elle pour toi ou est ce un remix d’un morceau que tu re-tritures ?
Non Sandrine Monlezun (la chanteuse) a enregistré pour moi. Ce sont vraiment des titres uniques, créés et produits en tant que tels. Pour le coup, c’est déjà une nouvelle voie pour moi, un chemin que j’aimerai creuser par la suite.
D’autres morceaux sont plus HH : comme « Festin nu » ou « demande à la poussière » sur lesquels des Mcs pourraient poser ? vers quoi veux tu aller dans chacun des morceaux ?
Effectivement, des Mcs pourraient poser sur chacune des prods du projet. Mais je ne l’ai pas pensé comme ça. Il s’agissait de construire un univers, d’avoir un espace de liberté ou je puisse m’exprimer et composer en mon nom. Chacun des morceaux c’est une de mes lectures et c’est une part de moi.
L’ombilic des limbes est un morceau que j’ai remis en boucle et dont je ne me lasse pas: il évolue sans cesse – notre coup de coeur: peux tu le decortiquer pour nous ?
Je suis content qu’il t’ai plu. Son titre vient d’un livre incroyable d’Antonin Artaud. Un écrivain qui a passé une grande partie de sa vie à l’asile, à subir des électrochocs… L’œuvre d’un fou qui parle de sa maladie. Qui l’analyse, qui la dissèque. C’est le premier titre que j’ai fait découvrir au public. Un clip inspiré des kaléidoscopes de notre enfance et du test de Rorschach. C’est un titre clairement inspiré de « Oh Timbaland » de Timbaland (sur l’album Shock Value). Lui-même ayant samplé le titre « Sinner Man » de Nina Simone. L’exemple même d’une chaîne d’inspiration.
C’est une composition au piano en arpège. La batterie est syncopé. Grosse pèche de synthé sur le kik. Voix pitchée et cocote de guitare funky. Olivier Marlin pose un super solo de guitare électrique sur le premier break. C’est ma propre voix qu’on entend sur ce même pont accompagner les cordes. L’outro très douce arrive pour apaiser l’auditeur qui a été tendu pendant 3minutes.
Comment se fait le travail de création ?
Je fonctionne toujours à l’instinct. J’ai des habitudes que je perpétue. Je m’assoie à mon bureau et je commence à produire parfois avec une idée très précise parfois sans aucune idée de ce que je vais faire.
Quelle partie joues tu ? Tout ? Exemple: les pianos sur « demande à la poussière » ? Ou encore la guitare sur « Howl » ?
Il y a de la compo et du sample. Sur « demande à la poussière » c’est de la compo. J’aime tellement le sample que même quand c’est de la compo je traite le son pour qu’il sonne d’une façon particulière, éternelle.
Sur Howl il y a un mélange de sample et de guitare live. C’est Olivier Marlin qui a joué ces parties. Le travail avec les musiciens a été une nouvelle étape pour moi. J’ai été à l’aise pour les diriger et les utiliser pour obtenir ce que j’en souhaitai.
Comment te viennent les idées ?
Les plus grands scientifiques se penchent sur cette question… Comment viennent les idées… parfois j’ai l’impression de je suis dicté, que c’est facile et que les choses se font automatiquement. Sans effort.
Par contre, il a des moments où les idées tardent à venir et dans ce cas-là, il faut aller les chercher. En écoutant de la musique, en lisant, en dormant…
Comment choisir les titres d’instrumentales ?
Les titres de ce projet sont tous des noms de livres qui m’ont marqués, en fonction d’une belle lecture, d’un fort souvenir littéraire. Sont représentées la littérature française (Romain Gary – La vie devant soi, Louis Ferdinand Céline – Mort à Crédit, Louis Calaferte – Requiem des Inoncents, Charles Duchaussois – Flash), américaine (William Burroughs – Le Festin Nu, John Fante – Demande à la Poussière), la poésie (Allen Ginsberg – Howl) , la science-fiction (Isaac Asimov – Fondation). J’espère que ça donnera des envies de lectures aux auditeurs.
Idem pour clipper les morceaux ce ne doit pas être facile – alors des formes géométriques, kaléidoscopique – ou encore un clin d’œil au film Requiem for a dream sur le dernier morceau clipé – comment fais tu pour trouver l’idée du clip ?
J’ai réalisé moi-même ces clips. Je les construits un peu comme je construits ma musique. Avec une dominance pour l’aspect purement rythmique et esthétique. L’envie que ça impacte le spectateur. Il faut être plus créatif pour de la musique instrumentale car il n’y a pas le support « playback » du chanteur. Il faut inventer quelque chose. Trouver un concept. Le clip de l’Ombilic des Limbes m’a été soufflé 1)par le livre qui l’a inspiré , 2) par le test de Rorschach et 3) par le clip de Niggaz in Paris de Kanye West et Jay-Z qui utilise ce genre d’effets.
Du coup quelles ont été tes influences et ta ligne directrice pour concevoir cet album ?
Mes influences sont toujours les mêmes. Je suis un bousillé de l’école Aftermath (Dre, Khalil, …) et de Timbaland. J’ai aussi beaucoup élargi mes goûts. J’ai été très influencé par de la musique planante comme celle de Sébastien Tellier ou Air. Musicalement, j’ai fonctionné à l’instinct et fait des choix pour le tracklist final pour qu’il y ait une certaine homogénéité. Que les titres collent aux morceaux et vice-versa.
On sent et tu le montre sur un des titres dont le nom contient solitude un cote justement solitaire: cela t es nécessaire de temps a autre ?
Nicko a t’il été consulté ? Lui as tu demandé son avis/ses critiques ?
La solitude c’est le quotidien du créateur. Même quand on signait à deux, je composais souvent seul. La majeure partie du temps. C’est donc nécessaire même si le travail à plusieurs apporte beaucoup. J’ai fait écouter le projet à Nicko avant sa sortie. Il m’a fait une remarque sur un instrument qui lui déplaisait sur un des titre. Comme cette remarque était revenue plusieurs fois, je l’ai prise en compte. Sinon, j’ai tout géré seul.
Je crois savoir que tu travaille toujours et encore avec (finalement) le troisième membre des Soulchildren: Pejmaxx – Parle nous un peu de ce prochain projet ?
Oui nous sommes en plein sur l’album de Pejmaxx. On en est à environ trois quarts. Il me reste quelque prods à finir, des feats à enregistrer. Mais nous avons déjà 10-12 titres en boîte. Pejmaxx et moi c’est toujours facile. Musicalement et humainement ça fonctionne très bien entre nous. On avance très vite en ce moment. Je lui envoie tout ce que je compose. Il réagit tout de suite. Ecrit parfois dans la foulée… Sur ce 3ème album, ça me tient à cœur de produire un disque fouillé. Au niveau de la réalisation, du mix, des apports extérieurs, des interludes, des structures… J’essaie de réaliser les titres de manière moins brute que sur les 2 premiers. Il aura pas mal de featurings de la « nouvelle génération ». Je pense que ce sera le meilleurs disque qu’on ait fait.
Quelles sont les suites ?
La suite pour moi c’est de retrouver une productivité satisfaisante pour moi, mes collaborateurs et le public en équilibre avec ma vie personnelle. Je travaille sur Bleu Noir, l’album de Georgio, sur le prochain projet d’Eli Mc, Flynt, sur les prochains disque de Scylla en collaboration avec le pianiste Sofiane Pamart, … Je re-travaille avec Youssoupha, si tout va bien, le prochain titre sera sur la réédition de Négritude. et biensur le 3ème album de Pejmaxx.
Que penses tu des productions / producteurs français ?
C’est une question difficile, le rap est devenu tellement vaste… Je ne me reconnais pas dans une vision très passéiste d’un certain underground où toutes le prods sont les mêmes. J’aime être surpris par les prods. Je sais que nous avons de très grands producteurs en France: 20Syl, Blastar, Nodey, Enzoo … et toute une nouvelle génération qui va emmener la musique française vers un nouvel âge d’or.
Une collaboration rêvée ?
J’aimerai travailler avec de grands artistes américains. Jay-Z, Kanye West par exemple… Sébastien Tellier, Daft Punk, Bjork, London Grammar, …
Une anecdote ?
J’en ai tellement. Avec Koria (le photographe) on se dit qu’il faudrait qu’on écrive un livre pour raconter tout ce qu’on a vu et vécu en 10 ans. Le problème c’est que plein d’Histoire ne se racontent qu’en privé!
Un livre de chevet ?
« Dingue de la vie & de toi & de tout » de Neal Cassady
La Bd Transmetropolitan de Darick Robertson et Warren Ellis.
Un album de chevet ?
Best-of Léo Ferré
Que signifie pour toi Hiphop4ever ?
J’ai le titre de Busta Flex qui me revient comme une madeleine de Proust: » Hip Hop Forever, pour les acharnés et pour les reveurs… »
Le mot de la fin ?
Merci à toi pour cette Interview et découvrez « Internal Explosives » en vinyle et digital partout en France!
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Album disponible sur Itunes / Fnac (Vinyle)