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The falling │peinture d’une adolescence tortueuse

Publié le 25 mai 2015 par Acrossthedays @AcrossTheDays

Deuxième long métrage de fiction pour la réalisatrice anglaise Carol Morley, The Falling met en scène une épidémie d’hystérie dans une école de filles au Royaume-Uni. On y découvre notamment Maisie Williams – Arya dans Game of Thrones – en adolescente rebelle et tourmentée pour ses débuts au grand écran.

THE FALLING │PEINTURE D’UNE ADOLESCENCE TORTUEUSE

A la fin des années 60, Lydia (Williams) et Abbie (Florence Pugh) sont meilleures amies et fréquentent une école non-mixte dans une Angleterre à penchant conservatrice en pleine période de libéralisation des moeurs. Un jour, Abbie annonce à son amie qu’elle est enceinte. Rien d’autre que fascination n’est suscitée chez Lydia, d’autant plus qu’elle n’a personne en guise de modèle : Eileen (Maxine Peake), sa mère, est agoraphobe et Kenneth son frère n’a d’intérêt que pour ce qu’il y a sous la jupe d’Abbie. Un jour, cette dernière s’effondre. Elle est prise de convulsion, puis meurt. Lydia, semble indifférente. Pourtant, cet épisode est l’élément déclencheur d’une mystérieuse épidémie d’évanouissements au sein de l’école.

The Falling se veut être une peinture de l’adolescence de jeunes filles à la fin des années 60. À la fois terrifiant et magique, ce drame psychologique emprunt d’un trait de comédie noire est un œuvre d’art comme il est difficile d’en trouver au cinéma aujourd’hui. Les allusions artistiques, implicites ou explicites, sont nombreuses : la poésie de Wordsworth, les couleurs chaudes de l’expressionnisme allemand et le surréalisme du début du XXème siècle. La splendeur des paysages – notamment le lac qui borde l’école – et la musique composée par Tracey Thorn se complètent à merveille et donnent vie à une histoire en apparence morne. L’esthétique est au centre d’un film où l’image transfigure le propos. The Falling nous souffle à l’oreille qu’il est nécessaire d’accepter de s’y perdre pour pouvoir l’apprécier d’autant plus.

Si la mise en scène est magnifique, les personnages sont très peu développés et font défaut à cet univers sensoriel jouissif. C’est d’ailleurs dommage. Il eut été intéressant de découvrir plus sur l’indomptable directrice interprétée par Monica Dolan, le seul personnage féminin fort du film. On en arrive même à douter quant au message que Carol Morley a voulu nous transmettre. S’agit-il d’un film sur la maladie mentale avec un fond de féminisme ou une dissertation sur Freud avec un message « Femen-iste » revendiqué et à la limite de l’anti-masculinité ?

Ni le choix du lieu, ni celui du thème n’est anodin : une école de filles stricte et répressive pendant la période de libération sexuelle ‘post-Summer of Love » et où les comportements d’émancipation sont prohibés (la longueur entre la jupe et les genoux ne doit pas dépasser les cinq centimètres) et l’hystérie (maladie mentale typiquement féminine). On ne voit que deux hommes de tout le film– sans compter le psychiatre, ni le père de Lydia qui a fui avant qu’elle ne soit née. Ceux-ci sont dépeints comme irresponsables, égoïstes et ne pensant qu’à satisfaire leurs pulsions sexuelles.

THE FALLING │PEINTURE D’UNE ADOLESCENCE TORTUEUSE

Derrière la répression dont sont victimes Lydia et les autres jeunes adolescentes se trouvent les thématiques psychanalytiques du complexe d’Œdipe (revisité) et de l’intériorisation des pulsions refoulées. Le résultat de cette répression, l’hystérie, est donc inévitable, même pour celles comme Lydia qui contestent l’ordre établi. Le message serait-il plus doux et neutre : lutter contre l’insurrection de la femme (en particulier pendant l’adolescence), ce serait lutter contre la nature elle-même…

On remarquera le clin d’oeil aux cas d’hystérie collective du Couvent des Ursulines et de celui d’un orchestre scolaire aux Etats-Unis en 1977 dans une scène sublime digne d’un tableau de Raphaël.

S’il y a une chose que The Falling s’efforce de montrer avec brio, c’est l’incompréhension dont sont victimes les femmes : chaque personnage passe son temps à ignorer les autres. Qu’il s’agisse des hommes, dénués d’empathie vis-à-vis des sentiments qui déchirent celles-ci, de la directrice qui s’efforce de nier la maladie de Lydia (en la sortant d’une crise d’hystérie d’un coup d’épingle), ou cette dernière de comprendre les raisons qui ont rendu sa mère agoraphobe. À l’image d’une discussion entre la directrice Miss Alvaro et Miss Mantel (Greta Scacchi), toutes les femmes sont d’éternelles incomprises :

« Cette génération pense être incomprise. Si elle avait la moindre idée de ce que c’est que d’être une femme de quarante ans, elle saurait ce que c’est que d’être incomprise. »

Certes, The Falling offre de très beaux moments pendant lesquels le spectateur peut se laisser perdre et apprécier une mise en scène sublime, il n’en reste pas moins incomplet. Cela dit, The Falling est un film ambitieux et plaisant qui saura satisfaire les plus sensibles à la beauté des images.

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