Au lieu de mettre en avant des livres spécifiques d'auteurs uniques, les anthologies sont l'occasion de découvrir plein d'auteurs autour d'un point commun (ici leur pays d'origine) pour pouvoir ensuite faire un choix et éventuellement aller plus loin dans la découverte des auteurs que l'on a aimés ; c'est pourquoi je vous propose aujourd'hui de découvrir trois anthologies de littérature brésilienne contemporaine : c'est l'occasion pour les plus frileux de se lancer dans l'aventure brésilienne sans prendre trop de risque et tout en étant assuré de trouver auteur à son pied !
Les textes publiés dans cette anthologie sont très forts et particulièrement marquants, et si j'ai du mal à savoir quels sont les textes que j'ai le plus aimés, je retiens quand même deux auteurs de cette lecture : j'ai adoré les trois nouvelles de Rodrigo Ciriaco (Cervelle frite, Un étranger dans le conduit et Un nouveau jouet) tirées de la première partie sur les enfants, et j'ai découvert en Ferrez un auteur dingue - son texte Terre de méchanceté est surement le plus poignant du livre et ses nouvelles Le Bus blanc et Cœur de mère sont tout aussi cruelles et touchantes. Ils sont sans aucun doute mes deux auteurs coups de cœur de cette anthologie ! Enfin, le travail éditorial derrière de livre (les citations mises en avant sur une page entière, les photographies d'Eric Garault, la typographie...) est tout simplement impressionnant et contribue vraiment à valoriser les auteurs et leurs textes. Un livre très complet sur les favelas, qui révèle la sensibilité et l'émotion là où on ne l'attendait pas et que je ne saurais que vous conseiller.
« Je suis favela, je suis le Quartier, je suis la rue, je suis ouf ! Mais avant ça, je suis littérature, et ça ils peuvent le nier, fermer les yeux, tourner le dos mais on ne bougera pas d'ici tant que s'élèvera le mur social invisible qui divise ce pays. » introduction
Sans prétendre à l’exhaustivité, l’ambition de ce recueil est de faire entendre la grande variété de voix qui concourent à la richesse de la poésie brésilienne contemporaine. Longues suites narratives, proses ou haïkus, poèmes visuels, absurdistes ou expérimentaux, ce sont là pour ces auteurs autant de moyens d’explorer de nouveaux rapports au monde comme à la forme poétique.
Les textes ont été choisis par Flora Süssekind, essayiste, chercheuse et curateur littéraire d’Europalia.Brasil, et traduits en français par Patrick Quillier, traducteur notamment de Herberto Herder, António Osório, Pedro Tamen et Fernando Pessoa, dont il a édité les Œuvres poétiques dans la Bibliothèque de la Pléiade.
Étonnamment, beaucoup des auteurs présents dans ce recueil partagent le point commun d'être pluridisciplinaires et d'avoir été remarqués dans d'autres domaines créatifs (la musique, le cinéma...), et donnent ainsi un visage particulièrement hétéroclite à cette anthologie. Car, bien-sûr, certains poèmes m'ont parus obscures et je n'ai toujours pas saisi tous les textes qui se trouvent dans ce recueil, mais la diversité est telle qu'on ne peut pas ne pas trouver de poème ou de poète qui nous touche, d'autant plus que si l'on trouve dans ce livre des poèmes classiques, en strophes et en rimes, on trouve aussi des textes beaucoup plus visuels, écrits en blanc sur fond noir ou en spirale, d'où la « poésie concrète » dont je vous parlais. Impossible donc de refermer ce livre sans y avoir trouvé au moins une pépite que l'on aura notée dans un carnet à citations. Une belle anthologie de poésie qui séduira les experts et les novices par l'éclectisme des textes qu'il propose.
« MINIMUM POÉTIQUE
Dire non pas tout, car ça ne se fait pas,
ni rien, ce serait impossible ;
dire seulement tout ce qui, trop abondant
pour être tu, reste en deçà de l'indicible.
Dire seulement ce qui non-dit
serait une sorte de mensonge :
parler, non pour parler, mais bien pour vivre,
parler (ou écrire) comme on respire.
Dire seulement ce qui ne répète pas
la texture du monde désempli :
écrire, oui, mais écrire à l'encre ;
peindre, mais pas comme celui qui peint
en blanc le mur qu'on a déjà chaulé ;
écrire, oui, mais comme on fait un graffiti.
» Paulo Henriques Britto, p.107
Parmi mes textes préférés, je citerais d'abord Chronique de deux grandes amours, la nouvelle inédite de Paulo Lins. L'intrigue a lieu dans les favelas et près de Copacabana. La chute de la nouvelle est assez surprenante et inattendue par rapport à ce à quoi il nous avait habitués dans La Cité de Dieu. Les nouvelles de Cristovao Tezza (Beatriz et la vieille dame), d'Adriana Lunardi (Conditions du temps), et d'Andréa Del Fuego (Francisco n'a pas conscience) m'ont aussi particulièrement plues : elles concentrent beaucoup de tension en très peu de lignes et ont un super final. La nouvelle de Carola Saavedra, Coexistence, traite quant à elle de la relation entre l'écrivain et ses personnages et est plutôt sympathique à découvrir ! Et enfin, j'ai aussi adoré Les Hivers de Bárbara de Milton Hatoum et Laila de Daniel Galera, deux nouvelles autour de l'amour. Une anthologie qui n'a pas pour ambition de parler du Brésil mais de mettre en avant les auteurs brésiliens en montrant leur universalité.
« Lecteur, ce que vous tenez dans vos mains est un recueil de textes de fiction qui tente d'esquisser un panorama de la production littéraire brésilienne contemporaine. Même s'il regroupe des écrivains d'âges très différents (le plus vieux, Chico Buarque, a soixante et onze ans, tandis que la plus jeune, Luisa Geisler, en a à peine vingt-quatre), ce qui les réunit c'est le fait qu'ils ont commencé ou consolidé leur carrière à partir des années 1990. Ils représentent donc le Brésil de l'après-dictature, leurs histoires dressent le portrait de l'imaginaire d'un pays contradictoire et paradoxal, qui émerge sur la scène internationale comme puissance politique et économique, et comme synonyme de corruption, violence urbaine et misère - dans cette périphérie du monde le paradis et l'enfer occupent le même lieu. » introduction.
Voilà donc trois anthologies complètes et complémentaires qui vous permettront de mieux connaître la littérature brésilienne ou de la découvrir ! Si Brésil 25 est extra pour avoir une vue d'ensemble des auteurs brésiliens contemporains, les deux autres anthologies sont plus pointues mais tout aussi complètes dans la façon d'aborder leur sujet. Mention spéciale et gros coup de cœur quand même pour Je suis favela, qui est extrêmement bien fait et particulièrement enrichissant.