Batman Beyond – de Adam Beechen et Ryan Benjamin (Urban Comics)
Pour ce quatrième samedi du mois de mai et ce pont de la Pentecôte, Case Départ vous propose une petite sélection. En vous ouvrant sa bibliothèque, le blog met en lumière de très bonnes bandes dessinées. Nous passons au crible, les albums suivants : Embarqué : un très beau roman graphique de Christian Cailleaux, L’année du crabe : un carnet de bord d’une jeune auteure atteinte d’un cancer, le deuxième volume de Revenge classroom, l’album jeunesse Nimona, le polar édité par La Pastèque : Colis 22, le troisième tome de la série historique 14-18, Mon étoile secrète : un beau manhua publié par Urban China, le premier volume du polar sur l’extrême-droite scandinave Infiltrés, Naugatuck 1757 : un recueil de 3 histoires de Toppi, le premier tome du concept RN83 : L’hôtel, le sixième volume de la belle série de Christopher : Les filles, le premier volet du manga Le berceau des mers, 3 mini-albums publiés par Tanibis : Egg, Qu’est-ce qui arrive ? et Pingouins, Batman beyond : Bruce Wayne à la retraite et arrivée de Terry McGinnis, l’autobiographie fantasmée de Florence Dupré La Tour : Cigish ou le maître du je, le huitième volume d’Assassination classroom, Les fleurs du mal illustré par Liberatore et L’élève Ducobu. Bonnes lectures.
Embarqué
Christian Cailleaux est un véritable auteur-aventurier. Après deux travaux en commun avec l’acteur Bernard Giraudeau (R97 : les hommes à terre, en 2008 et Les longues traversées, en 2011), il propose une nouvelle aventure maritime avec Embarqué (chez Futuropolis) où il brosse le portrait de plusieurs jeunes engagés dans la Marine. Pour ce très joli roman graphique, il s’est rendu à l’Ecole des Mousses ainsi qu’à bord de la frégate Floréal ou encore à bord d’un sous-marin nucléaire.
Résumé de l’éditeur :
« Durant des mois, j’ai accompagné des marins sur leurs navires.
Je me suis interrogé sur les raisons justifiant une telle mobilisation d’hommes et de moyens. Il est évident que les intérêts des autorités françaises, civiles et militaires, sont économiques et stratégiques, à l’heure où l’espace maritime apparaît de plus en plus comme le prochain territoire à conquérir.
Mais qui sont les jeunes gens, filles ou garçons, qui s’embarquent sur ces bateaux? Qui en sont les ouvriers? Qui sont les marins du XXIe siècle qui se dirigent vers les falaises sombres des antipodes battues par les vents?
Que reste-il de « La Royale » et, dans son sillage, de la découverte du monde et d’escales exotiques censées donner un sens à la vie? Bienvenue à bord!» : Christian Cailleaux.
Rêvant d’espace, de liberté, de mer et de voyages ; les très jeunes garçons et filles sont tous mués par les mêmes envies et les mêmes désirs. Loin de l’exotisme des grandes étendues marines, Christian Cailleaux a rencontré quelques-uns d’entre-eux, à l’aube de leur engagement dans la Marine. Rapidement, ils se rendent compte qu’ils passeront plus de temps sur terre que sur les navires militaires, un monde très éloigné de leurs rêves d’enfant. En échec scolaire, en demande d’autorité ou d’encadrement fort, pour s’éloigner de leur condition de vie pas toujours simple, ils découvrent un univers où la camaraderie, l’entraide et l’effort sont les maîtres mots. Si leur profil se ressemblent, leurs parcours familiaux et leurs personnalités diffèrent.
Original dans son découpage et sa narration (portraits de mousses alternant avec des rencontres d’officiers, de marins chevronnés ou de politiciens), ce très beau roman graphique dense et touchant l’est aussi dans sa conception graphique : planches de 4 vignettes, illustrations pleine-page mais aussi reproductions de tableaux).
De son œil bienveillant et empli d’humanité, Christian Cailleaux porte un regard non compassionnel sur de hommes et des femmes qui ne dompteront jamais la mer, un lieu de tempêtes et parfois de morts. En plus des portraits de ces jeunes volontaires, il questionne le lecteur sur les bouleversements climatiques, les enjeux géo-politiques et géo-stratégiques liés. Pour l’aider à se faire une opinion, l’auteur de Prévert inventeur (avec Hervé Bourhis, Dupuis) présente des documents chiffrés, livre quelques points historiques importants à la compréhension. Il indique aussi les zones maritimes qui appartiennent à la France, très importantes et qu’il faut surveiller des tentatives de braconnage grâce à des navires qui sillonnent ces lieux stratégiques (notamment en Polynésie, Nouvelle-Calédonie, Wallis et Futuna, les Antilles, Saint-Pierre et Miquelon, Clipperton ou encore Mayotte). Comme l’avait présenté Emmanuel et François Lepage dans La lune est blanche (Futuropolis), il décrit aussi ses quelques jours passés en Antarctique.
Embarqué, carnets marins dans le jardin du commandant : 176 pages de dépaysement à travers de très beaux carnets maritimes.
- Embarqué, carnets marins dans le jardin du commandant
- Auteur : Christian Cailleaux
- Editeur : Futuropolis
- Prix : 24€
- Sortie : 04 mai 2015
L’année du crabe : globules et raviolis
Jean-Pierre est un ami dont Alice se serait bien passé. Orange avec deux grands yeux globuleux et une paire de pinces, il s’est invité dans sa vie sans sa permission alors qu’elle n’avait que 19 ans en 2004. Etudiante cool en Arts Appliqués, son but était de révolutionner le graphisme. Mais patatra, Jean-Pierre passa par là ! Le drôle de crabe était en fait un méchant cancer. Alice Baguet raconte cette rencontre imposée dans L’année du crabe : globules et raviolis, un roman graphique très drôle édité par Vraoum.
Résumé de l’éditeur :
Sur une année, le quotidien d’une jeune fille de 19 ans et de son nouvel ami… un cancer. Comment il entre dans sa vie, comment il en sort, leur relation, leurs liens, son incidence sur la vie et la personnalité de la jeune fille. Et beaucoup de raviolis. Un témoignage autobiographique plein d’humour et d’optimisme sur une maladie dont l’auteur est sortie changée sans avoir eu l’impression de vivre un drame.
Maladie de Hodgkin de type scléronodulaire voilà le mal dont souffrait Alice. Pour lutter contre ce cancer, elle décide de le renommer Jean-Pierre, plus simple, plus pratique et plus rapide que ce nom à rallonge incompréhensible. Cette allégorie lui permettait surtout de mieux le supporter. Alors que son nouvel ami, apparu chez l’oncologue, devient de plus en plus présent. Elle constata rapidement un effet de vase communicant : plus il grossissait plus elle maigrissait.
Construit comme une sorte de carnet de bord, la jeune adulte emmène le lecteur dans les méandres de la maladie, tout y passe : médecin, chimio, perte de cheveux, l’ennui, le stress, la peur de la mort, les relations familiales ou les raviolis ! Malgré un sujet des plus durs, souvent raconté en bande dessinée, elle décide de nous décrire son quotidien comme elle le vit ; c’est-à-dire de manière positive, charmante et surtout très amusante. Il en faut du cran et de la volonté pour se raconter ainsi. Il faut surtout une sacrée dose d’auto-dérision pour livrer ce roman graphique d’une belle drôlerie. Elle confie d’ailleurs : « Le cancer n’est pas nécessairement triste et dramatique. Face à la maladie, l’humour est une réaction comme les autres, mais en plus drôle ».
Rafraîchissant, drôle, optimiste : une véritable réussite ! Chapeau !
Pour suivre cette jeune auteur, vous pouvez aussi aller visiter son blog : http://www.alicebaguet.com/#!annee-du-crabe/co5j
- L’année du crabe : globules et raviolis
- Auteure : Alice Baguet
- Editeur : Vraoum, collection Autoblographie
- Prix : 15€
- Sortie : 20 mai 2015
Revenge classroom
Après un premier volume dense, accrocheur et formidablement écrit, Karasu Yamazaki et Ryu Kaname dévoilent le deuxième tome de l’excellent manga Revenge classroom édité par Doki Doki. Ayana poursuit son entreprise vengeresse auprès de ses camarades de classe, les éliminant au fur et à mesure.
Résumé de l’éditeur :
En voulant se venger des élèves de sa classe, Ayana Fujisawa provoque involontairement la mort de deux filles qui étaient de son côté. Et comme un malheur n’arrive jamais seul, elle est agressée peu après par Daisuke Kawamoto, l’une des pires racailles du collège, qui l’emmène dans une usine désaffectée. Pourtant, elle fait contre mauvaise fortune bon cœur et amasse des preuves compromettantes pour prendre sa revanche sur son tortionnaire… La machine infernale est relancée de plus belle, et c’est alors que… Ayana est prête à donner sa vie pour se venger !
Alors que le premier volume avait laissé une excellente impression, le deuxième est dans la même veine, se muant même en un thriller psychologique encore plus sanglant et meurtrier. Si Ayana souhaitait mettre hors d’état de nuire ses anciens bourreaux camarades de classe, juste en les humiliant, la fin du premier volet s’achevait sur la mort de Yuko et Emi, deux adolescentes. Pourtant l’héroïne ne voulait pas spécialement les tuer.
La classe comme le lycée sont en émoi depuis les deux décès, les professeurs sont prudents, la police aux aguets, les journalistes proches et les élèves très affectés. Mais cela n’attendrit pas Ayana qui continue à échafauder ses plans machiavéliques : entre l’enregistrement de son viol par Daisuke, un piège à clous et l’aide quasi volontaire de Ai et Ochi ; le manga prend un virage inattendu grâce à une intrigue encore plus violente. Ayana change et son état psychologique aussi : la folie voire la psychopathologie la gagne lentement.
La machine infernale est lancée et personne ne l’arrêtera. Karasu Yamazaki sait tenir son lectorat en haleine grâce à une narration précise, inventive et extrêmement maîtrisée. L’apport de Ryu Kaname au dessin est indéniable. Son trait participe admirablement à l’atmosphère sombre du récit. Les tramages des visages lui permettent d’imprimer des expressions très réalistes.
- Revenge classroom, volume 2
- Scénariste : Karasu Yamazaki
- Dessinateur : Ryu Kaname
- Editeur : Doki Doki
- Prix : 7.50€
- Sortie : 13 mai 2015
Nimona
Capable de se transformer en renarde, en requin ou en dragonne, Nimona est une adolescente pas comme les autres. Son don hors du commun lui vaut de devenir l’assistante de Blackheart, véritable ennemi de la nation. Décidé à se venger des personnes propageant des rumeurs sur son compte, il échafaude de nombreux plans avec la jeune fille. Noelle Stevenson propose de suivre les aventures de Nimona et de Blackheart dans l’album éponyme, publié par les éditions Dargaud.
Résumé de l’éditeur :
Nimona est une jeune fille impétueuse qui a le chic pour la bagarre, les plans diaboliques et le chaos en règle générale. Elle a le don de changer d’apparence, ça aide (surtout quand elle se transforme en dragon) ! Lord Ballister Blackheart est l’homme le plus célèbre du royaume : cantonné dans le rôle de méchant, il veut rétablir la vérité et prouver à tous que sir Goldenloin et ses potes du ministère ne sont pas les héros qu’on croit. Ensemble, ils mènent une vendetta impitoyable et explosive.
Succès éditorial (100 000 exemplaires vendus par HaperCollins aux Etats-Unis) et critique (Lauréat du Prix Cartoonist Studio du magazine Slate), Nimona vécu ses premiers pas sur le blog de Noelle Stevenson. Mêlant l’aventure, l’action et le fantastique, le récit de l’américaine séduira les adolescents et les jeunes adultes. Tous les ingrédients sont réunis pour cela : récit épique, bagarres, magie, don de transformation, soif de vengeance pour rétablir la vérité et hymne à l’amitié, le tout mâtiné d’un bel humour.
De plus, les personnages participent de ce beau comics décalé. D’ailleurs, ces derniers ne sont pas si manichéens que cela. Banni et désigné comme ennemi public n°1, Blackheart n’est ni sanglant ni provocateur mais cherche juste à faire éclater la vérité : celle du tournoi final où il perdit son bras, arraché par un coup de fusil volontaire de Goldenloin. Il ne souhaite pas s’en prendre aux habitants comme voudrait le faire croire L’institut pour le maintien de l’ordre héroïque qui règne sur les médias et le royaume. Son meilleur ennemi n’est pas le chevalier blanc que l’on présente, se murant dans le silence et le mensonge. Quant à Nimona, elle se révèle plus violente, sanglante et sans scrupules que son maître.
Découpé en petits chapitres, l’histoire est d’une belle lisibilité et agréable à lire. Le trait de l’auteure de The shadow and the flame est d’une belle modernité. Son dessin simple et son beau découpage permettent d’imprimer un rythme soutenu tout au long de l’album.
- Nimona
- Auteure : Noelle Stevenson
- Editeur : Dargaud
- Prix : 19.99€
- Sortie : 22 mai 2015
Colis 22
Pluton est coursier dans la vie. Chevauchant son vélo, il trace sa route à vitesse rapide. Même si son travail est peu rémunéré, il le fait avec un grand professionnalisme. Alors qu’un jour Mercure, sa compagne, est fatiguée, il accepte de la remplacer dans l’acheminement d’un étrange colis qui va engendrer de drôles de conséquences sur sa vie. Colis 22 met en scène ce beau roman graphique signé Marsi et publié par La Pastèque.
Résumé de l’éditeur :
Pluton a beau vouloir, le métier de cyclomessager ne lui sied pas. Déjà que, par les rues étroites et escarpées de Québec, l’emploi est ardu, il fallait que s’ajoute ce foutu colis. Dans quel bourbier s’est-il encore fourré ? Des intrigants tiennent à tout prix à récupérer ce paquet. À tout prix ! Du quartier Saint-Sauveur au château Frontenac, l’affaire se conclura en haut lieu… !
Tout en nuance, le très bon récit de Marsi propose une aventure rocambolesque construite comme un polar, mettant en scène Pluton et son amie Mercure. L’auteur sublime ces deux anti-héros tombés dans un drôle d’engrenage. Personnages simples vivant grâce à un petit boulot peu rémunérateur, ils passent leur vie dans un petit appartement canadien. Ce bonheur là leur suffit. Dans l’intimité mais aussi pour tout le monde, ils s’appellent par leur surnom. Entre Sergio d’Io le réparateur de vélo ou Muriel la secrétaire de l’entreprise de coursiers, tout roule. A travers ces 164 pages, Marsi brosse le portrait d’une génération de canadiens pas très riches mais qui se contente de peu.
Tout allait bien jusqu’à cet étrange Colis 22 qui met au travers de la route de Pluton de drôles d’embûches. A partir de cet événement, le récit prend une autre tournure, son rythme s’accélère et des hommes mystérieux filent le train à notre héros. C’est simple, efficace, bien écrit, avec une narration maîtrisée et agréable à lire. D’ailleurs l’humour n’est pas absent de cette histoire. Pluton étant un jeune homme plutôt amusant, naïf et n’ayant pas la langue dans sa poche. Le trait en noir et blanc, agrémenté de teintes de gris de l’auteur de Miam Miam fléau (La Pastèque) est d’une belle efficacité.
La Pastèque : La maison d’édition montréalaise fut fondée en 1998 par Frédéric Gauthier et Martin Brault et a pour but de proposer un support d’expression à des illustrateurs et scénaristes québécois qui désirent se lancer dans la bande dessinée, regrouper des travaux d’auteurs issus de plusieurs pays et de différents horizons et promouvoir la bande dessinée québécoise. Parmi les auteurs publiés, il y a notamment Michel Rabagliati (avec la série Paul), Pierre Fournier et Réal Godbout (avec la série Michel Risque), ainsi que d’excellents albums comme L’Amérique et le disparu (de Réal Godbout), Lartigue et Prévert (de Benjamin Adam) ou encore Gilles la Jungle (de Claude Cloutier).
14-18
La série 14-18 poursuit son cours de publication rapide avec le troisième volume, Le champ d’honneur. Prévu en 10 tomes, entre 2014 et 2018, cet univers sur la Première Guerre Mondiale est signé Eric Corbeyran et Etienne Le Roux et met en scène une bande de huit amis issus du même village affectés dans le même régiment d’infanterie.
Résumé de l’éditeur :
Janvier 1915. Tandis que les hommes creusent les tranchées, le commandement élabore un plan dans lequel une section doit servir d’appât aux Allemands, une mission-suicide qui incombe au caporal Armand de Bernanceaux et à ses hommes. Avant le départ, deux événements portant sur l’honneur de Maurice et celui de Denis vont mettre en péril la cohésion du groupe d’amis.
De nouveau, le récit grand public de Corbeyran nous enchante. Simple et classique dans son approche, il est néanmoins original dans le fait de suivre le quotidien de 8 amis pendant la guerre. Pour ce troisième opus, il met en scène ses personnages dans une situation délicate : celle de creuser une tranchée dans un sol calcaire. La véritable réussite de la série réside dans les relations entre ces hommes. S’ils étaient bons amis dans leur village, la guerre attise les tensions qui sont aussi décuplées par le froid, la fatigue, le stress voire la faim. De plus Armand, qui commande le régiment, se retrouve en face d’un vrai dilemme : envoyer ses hommes à l’abattoir en leur mentant. Ajouter à cela les dessins mystérieux de Maurice qui ne souhaite pas que quelqu’un les voie. La guerre blesse, tue, ravive le passé et exacerbe les peurs. Le lecteur passe un excellent moment à la lecture de ce troisième volet de 14-18.
Le trait d’Etienne Le Roux, aidé de Loïc Chevallier pour les décors et Jérôme Brizard pour les couleurs, rend parfaitement l’ambiance tragique mais aussi parfois doucereuse de l’histoire.
- 14-18, tome 3/10 : Le champ d’honneur
- Scénariste : Eric Corbeyran
- Dessinateur : Etienne Le Roux
- Editeur : Delcourt, collection Histoires et Histoires
- Prix : 14.50€
- Sortie : 13 mai 2015
Mon étoile secrète
Xioxi arrive à Wuhan pour étudier dans son lycée. Elle qui fut enjouée, expansive et douée en dessin, se retrouve perdu dans cette grande ville. Devenue discrète et travailleuse, elle est intimidée par ses camarades de classe et notamment le brillant Lin’an et la très belle Yan Huan. Publié par Urban China, Mon étoile secrète, le beau portrait de la jeune lycéenne est un très beau manhua scénarisé par Wang Qiaolin et mis en image par Wang he.
Résumé de l’éditeur :
En quittant son bourg natal pour étudier au lycée de Wuhan, la jeune Xiaoxi ne s’attendait pas à un changement aussi radical. Perdue dans l’agitation de cette grande ville, elle se sent moins elle, moins douée et moins légitime que ses camarades de classe. Sa rencontre avec Yan Huan, la plus belle fille de l’école, et Lin’an, le brillant étudiant, va lui permettre de s’épanouir dans ce nouvel environnement, mais va également la confronter aux émois de l’adolescence…
Cent soixante pages pour dépeindre le portrait tout en délicatesse de Xiaoxi, voilà le très beau projet de Wang Qiaolin et Wang He. Le récit de la romancière reconnue en Chine est un beau roman graphique, construit comme un shôjô. Mais au-delà de sa construction classique, il est plus qu’un simple shôjô par son histoire mais surtout par ses personnages. En imaginant Mon étoile secrète, elle dresse le portrait d’une jeunesse joyeuse, appréciable mais avant tout très studieuse. Xiaoxi est une lycéenne douce, qui ne souhaite pas faire de vague et rester invisible aux yeux des autres. Son complexe d’infériorité, elle le traînera pendant les deux premiers chapitres : petite campagnarde, préférant la nature aux marques célèbres, préférant le dessin aux cancans des adolescentes.
Alors qu’elle admire Yan Huan, la fille la plus populaire de lycée, ainsi que Lin’an son alter ego masculin, qui en plus d’être beau est d’une grande intelligence ; elle s’en méfie. Et c’est pourtant de ces deux êtres charmants que va arriver sa délivrance. A travers le Club de théâtre et sa pièce Blanche Noire (une version de Blanche Neige inversée), elle va enfin être acceptée à sa juste valeur.
Un scénario où les personnages ont une psychologie maîtrisée, un hymne à l’amitié et des histoires d’amour, tous les ingrédients sont réunis pour que le jeune lectorat apprécie.
Récompensée par un Golden Monkey Awards en 2014 pour la partie graphique, Wang He nous enchante grâce à son trait à l’aquarelle (il est rare d’observer des mangas en couleurs directes) aérien et d’une grande lisibilité. La jeune dessinatrice, qui enseigne dans le département artistique de l’Université de Jilin, rend parfaitement l’ambiance douce et heureuse de ce très beau manhua.
- Mon étoile secrète
- Scénariste : Wang Qiaolin
- Dessinatrice : Wang He
- Editeur : Urban China
- Prix : 15€
- Sortie : 22 mai 2015
Infiltrés
L’extrême-droite danoise et son appel à l’expulsion des musulmans de son pays sont au cœur du premier tome Le sourire du faucon de la série Infiltrés, signée Olivier Truc, Sylvain Runberg et Olivier Thomas et éditée par Quadrants (Soleil).
Résumé de l’éditeur :
Un groupuscule d’extrême droite danois inspiré de l’idéologie « Counter Jihad » est infiltré par un membre des services spéciaux danois. Suzanne Hennings, en charge de l’enquête, connaît le « Renouveau Danois » pour ses sites Internet haineux et le suspecte d’agressions contre des personnes qu’ils considèrent être les fossoyeurs de « l’identité européenne ». Grâce aux informations de l’agent infiltré, elle apprend qu’il va probablement organiser un attentat de grande envergure, futur symbole d’une croisade jugée inévitable, celle qui mènera à une Europe “libérée de l’Islam”.
Pour l’instant, le policier n’a ni les preuves, ni la cible, mais Suzanne prend ses informations au sérieux. Comment faire pour trouver à temps « qui », « comment », et « où » ?!
Le point fort d’Infiltrés réside avant tout dans son formidable récit imaginé par Olivier Truc, journaliste correspondant à Oslo pour Le Monde et Le Point, et Sylvain Runberg, scénariste de plus d’une vingtaine de série de bande dessinée. En prenant comme point de départ la théorie conspirationniste élaborée par Gisèle Littman, chercheuse britannique d’origine juive, ils confectionnent une excellente histoire. Selon elle, il existerait un accord depuis les années 70 entre les élites européennes et les pays musulmans producteurs de pétrole. Ces derniers auraient accepté de livrer du pétrole en échange de quoi l’Europe devait ouvrir ses frontières aux musulmans. Cette idéologie nauséabonde, Counter Jiha aurait alors fait sienne.
Si ce groupuscule d’une dizaine de personnes avait jusqu’à présent peu fait parlé de lui, depuis la tuerie perpétrée par Andreas Breivik en Norvège (77 personnes assassinées), les consciences de ses membres s’éveillent mais ils sont surveillés de près par le groupe antiterroriste danois PET et notamment grâce à l’infiltration d’un de leurs agents.
Aidé par un auteur reconnu, Olivier Truc apporte son expertise dans le domaine de l’extrême-droite danoise. Pour incarner au mieux leur histoire, ils ont décidé de mettre en scène Suzanne, policière et mère célibataire en proie à l’éveil de sa fille à l’adolescence. Entre pouvoir politique par sa ministre de la Justice qui presse les services de renseignements pour obtenir des résultats rapides, un chef de service coincé entre deux chaises et un agent infiltré toujours sur le fil du rasoir pour ne pas se faire démasquer ; les personnages sont clairement identifiés et bien campés. Ajouter à cela des néo-fascistes prêts à en découdre à travers un attentat de grande envergure et l’on obtient un polar politique extrêmement efficace.
Olivier Thomas, quant à lui, livre une prestation correcte. Si ses décors sont très aboutis, ses personnages sont souvent figés et comportent quelques erreurs de proportion physique. Néanmoins l’ensemble est assez réussi. A noter qu’un dossier de 7 pages sur Les extrêmes droites en Europe signé Olivier Truc est adossé à l’album.
- Infiltrés, tome 1/2 : Le sourire du faucon
- Scénaristes : Olivier Truc et Sylvain Runberg
- Dessinateur : Olivier Thomas
- Editeur : Quadrants (Soleil)
- Prix : 14.95€
- Sortie : 22 avril 2015
Naugatuck 1757
Après La légende de Potosi, Sharaz-De ou Chapungo, les éditions Mosquito continuent leur travail de mémoire autour de l’œuvre de Sergio Toppi. L’auteur italien tient une place de choix dans le catalogue de la maison d’édition de Sainte-Egrève (dans le Gers) avec pas moins de 32 titres. Naugatuck 1757 est donc le nouvel album de Toppi, un recueil de trois histoires sur la thématique des indiens publiées initialement à la fin des années 70.
Résumé de l’éditeur :
A travers trois histoires, Sergio Toppi met en scène des personnages du grand nord des Etats-Unis, trappeurs et Indiens se côtoient dans un univers rude et hostile.
– Tant que tu vivras (publié dans Il giornalino en 1977) : Un Indien nous raconte la fin de son père qui avait troqué des peaux contre un fusil et de l’alcool, puis sa rencontre avec celui qui a fait de lui un homme. Nous saurons aussi comment il a renoncé à utiliser les objets des Blancs pour pouvoir chasser en paix dans les grandes plaines.
- Naugatuck 1757 (publié dans Alter Ego en 1976) : Farquharson est écossais. Il a fui le joug anglais pour l’Amérique. Ce joueur de cornemuse vit à travers la prophétie de sa famille : « Quand sous les coups de l’ennemi, notre instrument prendra une nouvelle voix, nous serons capables de tout ! » Et les prophéties, c’est bien connu, sont là pour se réaliser.
– Little Big Horn 1875 (publié dans Alter Ego en 1978) : « Nous avons piégé Tête Jaune et tous les siens sur une colline et nous allons les écraser comme des fourmis. » Le sort de Custer est scellé. Les Sioux et les cheyennes de Sitting Bull, Crazy Horse et Two Moon vont graver leur dans l’Histoire. Toppi nous raconte comment ces événements étaient prévus depuis fort longtemps.
Maître du noir et blanc comme le furent Hugo Pratt ou Didier Comès, Sergio Toppi magnifie ses planches de cet art si délicat de la clarté et des ombres. De nouveau, cet exercice difficile, il le met au service des trois mini-récits convaincants. Celui qui parla le mieux des tribus indiennes dans les années 70 se réfère aux légendes et aux coutumes de ces peuplades d’Amérique et met en image des histoires simples où la magie et le chamanisme ainsi que la contemplation croisent les blancs toujours aussi mauvais. Un régal pour les yeux. A lire et à conserver dans sa bédéthèque idéale.
- Naugatuck 1757
- Auteur : Sergio Toppi
- Editeur : Mosquito
- Prix : 13€
- Sortie : 22 mai 2015
RN 83, L’hôtel
Les éditions du Long Bec développent leur première série concept : RN83, autour de la route nationale qui traverse une partie de la France, de Lyon à Strasbourg. Chaque fiction met en avant des lieux particuliers, pour certains chargés d’histoire, pour d’autres objets de toutes les rumeurs, se trouvant tous aux abords de la RN83.Entre histoire policière et paranormal, le premier album a pour cadre un hôtel inachevé et tombé en ruine, non loin de Colmar. L’hôtel est la première histoire de la série signée Fabrice Link et Federico Volpini.
Résumé de l’éditeur :
A bord d’une BMW qu’elle vient de voler, Sandra Doell file à toute allure sur la RN83. Sous l’orage, l’alfa romeo occupée par les inspecteur Lehmann et Millot se rapproche inexorablement… Les deux flics finissent par la rattraper et par l’éjecter de la route, sans se demander si elle s’en sortira vivante…
Lorsque Sandra se réveille plus tard dans une chambre d’hôtel, elle est presque indemne. Aussitôt, Claire, la maîtresse des lieux, la submerge de question…. Qui est Sandra, d’où vient-elle, que fait-elle ici ? Sandra raconte son histoire sans se douter des véritables intentions de la patronne de l’hôtel. Elle ne sait pas encore que les inspecteurs Lehmann et Millot n’en ont pas fini avec elle. Mais ce qu’elle ignore par-dessus tout, c’est que la maison qui la protège de l’orage qui redouble, ce drôle d’hôtel un brin sinistre situé au bord de la RN83, n’est pas une bâtisse comme les autres…
De ressorts assez classiques, L’hôtel est néanmoins très agréable à lire et très accrocheur. Il faut souligner que le scénario de Fabrice Link est très maîtrisé, très écrit (les récitatifs sont instructifs et la voix-off très concernante). Il est construit comme un huis-clos parfois angoissant. Le lieu s’y prête parfaitement : un hôtel miteux, mystérieux, aux pensionnaires déconcertants et possédant des passages secrets. Ce beau polar est rythmé par une course-poursuite folle entre Sandra, Lehmann et Millot. D’un côté, la jeune femme a dérobé au premier en le séduisant, une boîte qui a un lourd secret et qui disculperait son frère. De l’autre, deux inspecteurs forts en gueule et qui se révèlent être de véritables ripoux. Ils se démènent pour retrouver morte ou vive la belle Sandra qui pourraient les faire plonger.
En ce qui concerne la partie graphique, Federico Volpini réussit parfaitement son entrée dans le monde du 9e art. Son trait d’une grande modernité est proche des comics américains indépendants. Vif et jeté, son dessin convient bien aux scènes d’action avec des voitures ou les courses dans les couloirs de l’hôtel. Ses couleurs aux teintes verte, ocre et rouge sont très abouties.
- RN83, L’hôtel
- Scénariste : Fabrice Link
- Dessinateur : Federico Volpini
- Editeur : Long Bec
- Prix : 14.75€
- Sortie : 30 avril 2015
Les filles
Grand chambardement dans la vie des Filles : elles emménagent ensemble dans un grand appartement. Seule Béné n’intègre pas la collocation. Les petits amis à l’écart, elle s’apprêtent à une vie toutes ensemble où elle pourront aussi cooconer le futur bébé d’Anna. Christopher poursuit son portrait d’une génération de jeunes adultes dans le sixième volume de la série, éditée par Kennes.
Résumé de l’éditeur :
À peine quatre des filles viennent-elles d’emménager ensemble et de se disputer les chambres de leur nouvel appart qu’elles doivent se séparer. Tandis qu’Anna, enceinte jusqu’aux dents, accompagne Leila à l’enterrement de sa grand-mère en Provence, Chloé « se dévoue » pour accompagner Muriel à New York, destination cadeau d’un jeu concours qu’elle vient de remporter. Bénédicte, de son côté, se désole de ne pas avoir pu intégrer la colocation. Mais elle vit désormais avec Hubert et s’apprête à entrer dans la vie active. Heureusement pour les filles et leur indéfectible amitié, il leur reste quelques moments de rassemblement et de détente, comme ce bain de minuit improvisé dans une piscine.
Alors que Kennes avaient réédité les cinq premiers volumes des Filles, initialement parus à La comédie illustrée, elles proposent le sixième volet de la saga, un titre inédit de Christopher. Comme les précédents tomes, l’auteur tourangeau réussi son drôle de pari : brosser le portrait de cinq femmes entrées dans l’âge adulte. Cette excellente chronique sociale enchante toujours autant le lecteur grâce à la justesse inouïe des personnages, tous différents, au caractère fort et à la psychologie parfois complexe.
En faisant évoluer chacune d’elle (il glisse des éléments déstabilisant dans leur vie), il touche au cœur des préoccupations actuelles. Il a le don de décliner subtilement (sans heurter les sensibilités) des thématiques contemporaines fortes : les relations de couple, les voisins, les mères célibataires, les études, le travail, les stages en entreprise, les galères financières, la famille, les naissances, la religion ou l’homosexualité mais aussi des choses plus légères : le shopping, la déco, le foot, les soirées entre amis, la séduction ou ici un voyage à New-York gagné grâce à un concours.
C’est frais, c’est doux, c’est touchant parfois révoltant. Toute la palette des émotions y passe mais c’est pour le plaisir que prend le lecteur à suivre ses 5 filles en or !
- Les filles, tome 6
- Auteur : Christopher
- Editeur : Kennes
- Prix : 12.90€
- Sortie : 27 mai 2015
Le berceau des mers
Un souffle épique balaye les éditions Komikku ! En dévoilant le premier tome de leur nouvelle série Le berceau des mers de Mei Nagano, elles emportent leur lectorat à bord de navires britanniques à la fin du 19e siècle et suivent la très jeune Monica partie à la recherche du père d’Evan, son employeur disparu. A force de courage et d’une grande abnégation, elle se lance dans une course contre la montre avec dans ses bras, un tout petit garçon qu’elle avait promis à son patron de protéger quoiqu’il advienne.
Résumé de l’éditeur :
Dans l’Angleterre de la révolution industrielle, Monica, une jeune fille pauvre, est engagée comme femme de chambre dans la grande villa d’un riche gentleman, qui lui donne pour mission de veiller sur Evan, son nourrisson.
Mais suite à la disparition en haute mer de son protecteur, Monica est chassée de la villa, et doit retourner vivre dans les bas-quartiers.
Un an après ce revers de fortune, Monica retrouve le petit Evan et découvre avec stupeur que la tombe de son ancien maître est vide.
Remplie d’espoir que son bienfaiteur est encore en vie, Monica décide de se lancer à sa recherche et embarque sur un bateau à vapeur avec Evan dans les bras. Mais l’aventure semble semée d’embûches…
Le récit maritime de Mei Nagano est à la fois tendre et saupoudré d’action, même si les ressorts de l’intrigue sont parfois trop classiques. Si Monica, frêle adolescente, douce et attentive et le petit Evan ressemblent à certains orphelins croisés dans la littérature britannique, ils n’en sont pas moins des personnages forts. Il faut souligner qu’un mystère plane sur les relations de la jeune fille et son ancien patron. Pourquoi une simple domestique aurait reçu l’aval de son employer pour protéger la vie de son fils ? Pourquoi elle se serait jetée tête baissée dans une aventure si dangereuse si elle n’avait été qu’une employée de maison ?
Si les hommages à Jules Verne, Charles Dickens ou Arthur Conan Doyle sont visibles, l’histoire du mangaka est beaucoup plus humble que celles de ces grands romanciers. Malgré cela, l’aventure est présente dans ce premier volume. Mei Nagano signe ici sa toute première série et c’est assez réussi, notamment grâce à une partie graphique plus convaincante que le scénario.
- Le berceau des mers, volume 1
- Auteur : Mei Nagano
- Editeur : Komikku
- Prix : 7.90€
- Sortie : 30 avril 2015
Egg, Qu’est-ce qui arrive ?, Pingouins
Les éditions Tanibis dévoilent trois très beaux petits albums (de format 10×13) en ces mois de mai et juin : Egg, un récit d’anticipation signé Aurélien Maury et Gilbert Pinos ; Qu’est-ce qui arrive ? un récit touchant sur le deuil signé Medhi Melkhi et Pingouins, un recueil de dessins humoristiques signé L.L. de Mars.
Résumé de l’éditeur : Egg (Aurélien Maury et Gilbert Pinos)
Mis au placard par une société qu’il ne comprend plus, Zak Thunder, héros de l’espace au passé glorieux, ronge son frein à bord de son vaisseau quand un mystérieux signal en provenance d’une planète inconnue vient rompre la monotonie de sa retraite.Tel un Flash Gordon sous amphétamines, Zak fonce tête baissée dans l’aventure bravant tous les dangers malgré les incessantes mises en garde de son robot personnel Nestor. Zak va se retrouver confronté au pire, l’écosystème de la planète malmenant sa virilité au plus haut point…
Gilbert Pinos et Aurélien Maury proposent un petit récit de science-fiction très agréable à lire et original. Cette histoire d’anticipation rappellera des souvenirs aux inconditionnels de ce genre littéraire ; cette histoire ressemble à celles des années 50/60, comme celle de Flash Gordon. Zak, le héros, va vivre un véritable cauchemar, lui si viril et plein de testostérones, il va se transformer en femme. Le trait d’Aurélien Maury, lisible est d’une belle modernité.
- Egg
- Scénariste : Gilbert Pinos
- Dessinateur : Aurélien Maury
- Editeur : Tanibis
- Prix : 10€
- Sortie : 15 mai 2015
Résumé de l’éditeur (Qu’est-ce qui arrive ? Medhi Melkhi) :
Un petit homme rend visite à sa mère, il attend un moment sur le palier avant qu’un être énorme et dégoulinant lui ouvre la porte. « Mais vous n’êtes pas du tout ma mère ! – Si, c’est moi mon chéri. Viens, prenons le thé. » Ils s’installent et le monstre maternel raconte les étapes de sa métamorphose depuis la mort de son époux. La douleur de la perte s’est répandue hors d’elle, l’a engluée peu à peu jusqu’à devenir cette masse liquéfiée qui réapprend à vivre.
Fable pour enfants, Qu’est-ce qui arrive ? est une histoire simple mais très touchante de Mehdi Melkhi. Le jeune auteur, dont c’est le premier album, met en scène un tout petit homme qui rend visite à sa mère à l’heure du thé. Ces deux personnages ne s’étaient plus croisés depuis plusieurs années. Quelle ne fut pas la surprise pour le fils de découvrir sa mère transformée en un être tout immense et dégoulinant. Ses membres étant devenus mous, elle doit faire d’énormes efforts dans les gestes de son quotidien. Medhi Melkhi propose une allégorie sur la mort et il met aussi en lumière une thématique chère à Boris Cyrulnik : la résilience (qui désigne la capacité pour un corps, un organisme; une organisation ou un système quelconque à retrouver ses propriétés initiales après une altération). Le trait à la craie sèche du jeune auteur lui permet de livrer des planches emplies de mouvements et très dynamiques.
- Qu’est-ce qui arrive ?
- Auteur : Medhi Melkhi
- Editeur : Tanibis
- Prix : 9€
- Sortie : 23 mai 2015
Pingouins (de L.L. de Mars) :
Ce recueil de dessins humoristiques de L.L. de Mars regroupe les planches de Pingouin et Le retour, initialement publiées par Treize Etrange en 1996 et 1997, ainsi que 12 planches inédites dont une partie a été réalisée pour l’EUCD (qui veut expliquer les conséquences néfastes de la Directive européenne sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information) et Framasoft.net (logiciels libres), publiées en 2006 par L’écho des savanes et Spirou.
L.L de Mars met donc en scène des pingouins dans des situations anachroniques, cocasses et absurdes d’une manière humoristique. Les dessins en noir et blanc, parfois agrémentés de quelques couleurs, sont proposés en pleine page et une petit texte sous l’illustration. C’est simple mais parfois le lecteur peut être perdu puisqu’il n’a pas tous les codes pour comprendre.
- Pingouins
- Auteur : L.L. de Mars
- Editeur : Tanibis
- Prix : 9€
- Sortie : 20 juin 2015
Batman Beyond
Trente à quarante ans ont passé à Gotham City, Bruce Wayne a des cheveux blancs et a remisé son costume de Batman dans le placard ! Terry McGinnis découvre par accident la Batcave, il devient le nouveau Chevalier Noir grâce à l’aide de l’ancien justicier. Chacun dans son rôle, ce drôle de duo va faire revivre Batman et de nouveau traquer les malfrats de la ville. Publié par Urban Comics, Batman Beyond débarque en force chez nous sous la plume de Adam Beechen et Ryan Benjamin. Attention les yeux !
Résumé de l’éditeur :
2049. Cela fait plus de 20 ans que Bruce Wayne a renoncé à porter le costume de Batman. Vieillard affaibli et aigri, reclus dans son manoir, le playboy milliardaire n’est plus que l’ombre de lui-même. Lorsque le destin conduit le jeune Terry McGinnis aux portes du manoir Wayne, ce dernier découvre le secret de son hôte et le convainc de devenir le nouveau Batman. Réticent, le vieil homme accepte et forme sa recrue. La relève est désormais assurée !
Batman Beyond est issue de la série animée télévisée des années 2000 appelée Batman la relève. Cette adaptation dessinée suit la chronologie suit la chronologie développée au fil des épisodes, tout en adoptant un ton plus sombre. Prévue en 3 volumes, elle met en scène la genèse de Terry McGinnis en Batman.
Il y a 20 ans, Bruce Wayne fut terrassé par une crise cardiaque, ce qui le fit ranger au placard son costume de Batman, lui qui fut le Chevalier Noir pendant plusieurs décennies. Jusqu’au jour où il croise la route de Terry McGinnis. Poursuivi par la bande de Jokerz à moto, le jeune homme se retrouve en face des grilles du manoir des Wayne. Le propriétaire des lieux l’aide à mettre en fuite les malfrats et découvre par hasard la Batcave, ainsi que l’identité secrète de Bruce. Par cette découverte, il tient là l’occasion de se venger de l’assassinat de son père. Grimé en nouveau Batman et avec l’aide du vieux Bruce Wayne, il commence à nettoyer Gotham City des ses méchants.
Dans l’album qui comporte 5 histoires, le lecteur retrouve avec plaisir d’anciens personnages de la galaxie batmanienne : Dick Grayson, l’ancien Robin, blessé à l’œil et à la colonne vertébrale après un ultime combat contre le Joker, lui aussi n’est plus super-héros. Bruce et lui entretiennent des rapports très distants. Il y a aussi la commissaire Barbara Gordon, ex-Batgirl et fille de Jim qui marche dans les pas de son père ; mais aussi La ligue de justice ou encore Tim Drake.
Les récits sont enthousiasmants, agréables à lire et permettent de se projeter dans le futur de Batman avec une grande envie. Quant à la partie graphique, elle est aussi intéressante que la partie scénaristique.
Pour en connaître un peu plus sur cette série, vous pouvez lire l’article Comixtrip en cliquant ici.
- Batman Beyond, volume 1/3 : Le retour de silence
- Scénariste : Adam Beechen
- Dessinateur : Ryan Benjamin
- Editeur : Urban Comics, collection DC Beyond
- Prix : 28€
- Sortie : 07 mai 2015
Cigish ou le maître du je
Auteure de Borgnol et Capucin (chez Gallimard) ou de Forever ma sœur (chez Michel Lagarde), Florence Dupré La Tour a traversé une crise existentielle après la publication d’un de ses albums. Cette renaissance, elle la décrit dans Cigish ou le maître du je, publié par Ankama. Dans ce roman graphique, elle décide de devenir Cigish Hexorotte, personnage célèbre d’un jeu de rôle. Etonnant !
Résumé de l’éditeur :
Florence vit une crise existentielle : elle vient de rompre, se retrouve en garde alternée avec des enfants affreux et son activité d’auteure de BD est au plus bas. À vrai dire, elle n’en peut plus d’elle-même : ennuyeuse, trop gentille, elle se fait marcher dessus par tout le monde. Soudain, en pleine messe, la voilà prise d’une illumination mystique : elle décide d’incarner son ancien personnage de jeu de rôles favori, Cigish Hexorotte, un nain nécromancien, un personnage du MAAAL. Sa vie, elle l’envisage désormais comme une aventure, obéissant à sa vieille fiche de personnage.
A travers les 304 pages de cette curieuse autobiographie, Florence Dupré La Tour se livre comme jamais elle ne l’avait fait auparavant. Cigish ou le maître du je dépeint un moment fort de sa vie au mitant de son existence. Jusqu’à présent, la jeune femme était auteure de bande dessinée, professeur à l’école d’arts graphiques Emile Cohl de Lyon et maman de deux jeunes enfants. Mais après une séparation douloureuse d’avec son compagnon et la publication d’un des ses albums, cette mère (trop?) gentille a du mal à refaire surface. Ses deux fils espiègles, elle n’a plus le dessus sur eux.
La mort de son vieil oncle de 95 ans achève son envie de changement. Comme touchée par la grâce divine, elle souhaite incarner au mieux Cigish Hexorotte, un personnage d’un jeu de rôle, à l’opposé de son existence. Elle si douce et agréable veut se transformer en un être fort, bagarreur, nain du Mordor au nez retroussé et qu’elle utilisait lorsqu’elle jouait adolescente. Avec sa sœur jumelle, elle avait choisi son lycée parce que celui-ci proposait un Club de jeux de rôle. Là, elle fit connaissance de cet être fictif diabolique qui ne la quittera que quelques années plus tard.
Compilation des notes parues sur son blog (http://incarnfiction.blogspot.fr), ce roman graphique original et surprenant est une ode à l’imaginaire et à l’imagination. Cette envie de rupture dans sa condition de mère célibataire est mise en lumière d’une belle façon. Tous les ingrédients de son existence sont là : sa vie professionnelle d’auteure de bande dessinée, le Festival d’Angoulême, la mort de ses proches, son adolescence, ses premières amours, l’amitié, sa sœur et ses parents.
Beaucoup de lecteurs trentenaires se retrouveront dans l’album et plus particulièrement dans le jeu de rôle, très prisé dans les années 90. Pour les non-initiés, parfois cela semblera ardu et pourra les perdre. Il restera néanmoins la construction personnelle de Florence Dupré La Tour ainsi que son auto-dérision qui fait mouche. Le style graphique de l’auteure, proche des blogs, est composé d’un trait vif et nerveux. L’album est entrecoupé de commentaires d’anonymes publiés tels quels sur son blog.
- Cigish ou le maître du je
- Auteure : Florence Dupré La Tour
- Editeur : Ankama
- Prix : 15.90€
- Sortie : 10 avril 2015
Assassination classroom
La célèbre classe E se prépare à des vacances méritées. Tenue d’une main de fer par Monsieur Koro, mystérieuse créature rose à tentacules, cette classe ne va pas vivre un véritable repos estival : des élèves sont soudain malades. Ils sont victimes d’une attaque bactériologique. Aidés de leurs professeurs, ils essaient de récupérer l’antidote dans un hôtel des plus étranges. La partie ne sera pas de tout repos à cause de criminels à tous les étages. Assassination classroom, la très bonne série manga de Yusei Matsui est de retour dans un huitième volume percutant !
Résumé de l’éditeur :
Pendant les vacances d’été, la classe E a été victime d’une attaque bioterroriste. Afin de récupérer l’antidote, les élèves non infectés décident de s’infiltrer dans l’hôtel où se trouve le criminel. Pourront-ils mettre en pratique leurs techniques d’assassinat face à des véritables tueurs ?!
Prépublié dans le magazine Weekly Shônen Jump depuis 2012 au Japon, Assassination classroom (Ansatsu kyōshitsu) est un formidable et exceptionnel manga de Yusei Matsui. Depuis 2013, ce sont les éditions Kana qui font paraître les volumes en France. De nouveau, le récit du mangaka nous transporte et accroche le lecteur. C’est drôle, rafraîchissant et rempli d’actions. On s’amuse des situations cocasses du professeur Koro et de ses élèves et on suit avec un peu d’angoisse la classe E en quête de l’antidote pour sauver leurs camarades.
- Assassination classroom, volume 8
- Auteur : Yusei Matsui
- Editeur : Kana
- Prix : 6.85€
- Sortie : 03 avril 2015
La fourmilière
Après Lose et En toute simplicité, les deux recueils édités en 2014 par Atrabile, Michael DeForge est de retour avec La fourmilière, son premier long récit, qui comme l’indique le titre, plonge le lecteur dans ce lieu si ordonné comme une micro-société qui voit ses habitantes attaquées par des fourmis rouges…
Résumé de l’éditeur :
Pauvres pauvres petites fourmis… Dans un monde où grouillent des milliers de vies minuscules, soumises à une reine omnipotente, on pourrait aisément penser que c’est l’ordre et le respect qui règnent. Mais derrière cette masse sans visage, se trouve autant d’individus et de destins différents – et c’est à certains d’entre eux et à leur toutes petites existences que va s’intéresser Michael DeForge dans La Fourmilière. Car c’est le chaos qui va bientôt frapper à la porte de la fourmilière, sous la forme de fourmis rouges hautement vindicatives, et rendues folles par l’absorption de lait d’araignées…
Le récit de Michael DeForge est de nouveau original, singulier mais hautement brillant ! Ces toutes petites bestioles, malmenées par des visiteuses hors de tout control, réagissent et inter-agissent comme de vrais êtres humains. Tienté d’un bel humour, parfois très subtil, l’auteur canadien emporte son lecteur dans des histoires individuelles qui s’entrecroisent mais par une très grande maîtrise narrative forment une histoire très cohérente.
Les simples fourmis ont une existence des plus basiques : certaines vont chercher la nourriture, certaines sont utilisées pour leur semence transmise à la Reine, d’autres sont soldats… Tout est donc hiérarchisé et cette micro-société fonctionne très bien ainsi. Pourtant chez Michael DeForge tout s’entremêle, tout vole en éclat. Sa vision moins idyllique est à la fois pop dans le dessin et trash dans son scénario.
Pour rythmer son récit, le canadien utilise avec talent un découpage en gaufrier, un trait tout en rondeur, des personnages et des couleurs psychédéliques bienvenues. Un récit original pour un rendu singulier. Une très grande réussite !
- La fourmilière
- Auteur : Michael DeForge
- Editeur : Atrabile
- Prix : 24€
- Sortie : 23 avril 2015
Et pour quelques pages de plus…
Pour compléter notre sélection de la semaine, Case Départ vous conseille aussi les albums suivants :
Les fleurs du mal
Tanino Liberatore aime la poésie. Après avoir mis en image le texte pornographique Les onze mille verges de Guillaume Apollinaire (chez Drugstore en 2011), il revient avec un formidable ouvrage autour des Fleurs du Mal, le célèbre recueil de poèmes de Charles Baudelaire, paru initialement en 1857. Publié par Glénat, l’auteur italien magnifie de ses formidables illustrations, les textes du romancier français. A savourer !
Résumé de l’éditeur :
Le 25 juin 1857, la publication des Fleurs du mal fait l’effet d’une bombe. Ce recueil de poésie signé Charles Baudelaire offusque autant qu’il fascine. L’auteur y puise son inspiration dans la mort, la déchéance, le sang, la drogue ; autant de sujets pour le moins… non conventionnels. Son style, son utilisation esthétique du langage, la diversité et la singularité des thèmes abordés et le regard sans concessions qu’il porte sur la société le feront entrer au panthéon des écrivains : lus, relus et étudiés. Son œuvre a marqué la poésie et la littérature comme jamais, inspirant des générations de grands auteurs après lui.
De L’albatros à Femmes damnées, en passant par Don Juan aux enfers ou La mort des amants, Tanino Liberatore illustre magistralement 30 poésies de Charles Baudelaire. L’auteur italien est particulièrement inspiré par le poète français ; toutes les émotions sont regroupées dans ce magnifique ouvrage grand format 27,9×35,7 et notamment de très belles double-pages dépliables.
Les corps féminins sont sublimés et parfois même ceux d’hommes eux aussi peu vêtus sous les pinceaux de l’auteur de la mythique série Ranx. Moins osé que Les onze mille verges, il joue plutôt avec la sensualité et la délicatesse. D’une grande maestria, il propose des noirs et blancs d’une grande luminosité.
Un vrai bonheur de pouvoir voyager et se laisser bercer par les sublimes textes de Charles Baudelaire et par les belles pages de Liberatore. A noter que les illustrations de cet ouvrage sont exposés à la Galerie Glénat (22, rue de Picardie, Paris 13e).
- Les fleurs du mal
- Auteur : Tanino Liberatore
- Editeur : Glénat, label Hors Collection
- Prix : 39€
- Sortie : 06 mai 2015
L’élève Ducobu
In-cu-ra-ble ! est le vingt et unième recueil des aventures de L’élève Ducobu, une série humoristique pour les jeunes, signée Zidrou et Godi et éditée par Le Lombard.
L’élève Ducobu paraît pour la première fois en 1992 dans le journal belge Tremplin et est édité pour la première fois en album en 1995 par Le Lombard. Changement de cap et accélération de sa notoriété auprès du jeune lectorat en 1997 avec la prépublication de planches dans le Journal de Mickey.
Véritable succès éditorial avec 150 000 albums vendus à chaque nouveauté (soit plus de 2 millions d’exemplaires en 2011!), il fait l’objet d’une première adaptation cinématographique en 2011 signée Philippe de Chauveron avec Elie Semoun dans le rôle de Latouche, puis d’une seconde Les vacances de Ducobu en 2012. Les deux films connaîtront eux aussi un véritable succès en salle. En plus de nombreux goodies, la série est aussi déclinée en romans jeunesse.
Ducobu est un élève médiocre de l’école primaire de Sainte-Potache. Cumulant les zéros, il est le pire cancre que l’établissement est connu. Il magnifie la paresse et adore tricher sur sa voisine extrêmement brillante Léonie Gratin. Mais sa camarade est souvent excédée par ses excès et ses nombreuses inventions pour regarder par-dessus son épaule. Les tables de multiplication (6×7) ou les cours d’histoire, rien n’y fait, il ne se souvient de rien. Même les punitions de l’instituteur Gustave Latouche ne le font pas changer.
Malgré son incapacité intellectuelle, il est très populaire auprès de ses autres copains au grand dam de Léonie, qui l’envie. En plus de la jeune fille, son exact opposé, les auteurs ont imaginé d’autres personnages : Neness, le squelette de la classe ou encore Rotule, la petite chienne que Ducobu a offert à son ami qu’en os.
- L’élève Ducobu, tome 21 : In-cu-ra-ble !
- Scénariste : Zidrou
- Dessinateur : Godi
- Editeur : Le Lombard
- Prix : 10.60€
- Sortie : 22 mai 2015