En ce moment je sors peu. La léthargie d'un printemps tardif s'est dissipée et je me concentre sur ce fichue manuscrit et les dernières relectures avant de passer le pas : l'envoi à l'éditeur.
Cela ne fonctionne pas toujours.
Relire et corriger a quelque chose de frustrant : le travail avance à pas de fourmis. Je délaisse mon appareil photo, pourtant, lors de mes rares escapades, je suis plutôt satisfaire du résultat. Voilà donc une petite moisson d'un mini-séance au Père Lachaise (oui, encore et toujours!) avec, en prime un poème.
Ces graines qui ne poussent pas, sous la terre silencieuse,
Elles reposent, douce-amères, dans l'absolu figé, ni mortes ni vivantes.
Sans voix, aveugles, elles égraines les secondes ou les siècles
Elles se refusent à germer.
Le feu-follet s'étouffe. Le lierre enserre les troncs. Les racines brisent le marbre. La mousse conquière tout. Même la poussière. Les saisons courent et se ressemblent.
Pourtant tout change, vibre, danse.
Les humains passent. Parfois, le coassement râpeux d'une corneille ou le pépiement joyeux d'un rouge-gorge s'envole entre les branches et les mausolées.
Mais ces graines ne poussent pas.
Certaines succombent, grignotées par les insectes, coquille vides stériles. Un craquement sourd sous la chaussure. Une expiration courte. D'autres pourrissent, quittent le règne du végétal pour celui mystérieux des Fungi. Elles deviennent autre. Vivent encore.
La terre craque sous les soleil et gonfle avec la pluie. L'empreinte des nuages, la marque du vent.
Sous les stèles, les souvenirs s'amassent puis s'éparpillent. Les pas vont et viennent, accompagnés du sel et des rires.
Ces graines ne poussent pas.
Ni vivantes ni mortes. Pas vraiment endormies.
Peut-être demain, ou loin, plus tard, l'une d'elle se libèrera, brisera l'immobile. Autour, le cycle suspendu soudain contemplera le miracle.