Robert Williams Chambers (1865-1933) est un écrivain américain, célèbre à son époque comme auteur de romans-feuilletons et de best-sellers, et reconnu aujourd'hui comme un des grands noms de la nouvelle fantastique, notamment pour son recueil Le Roi en jaune. Né dans une riche famille de l'Etat de New York (père médecin, frère avocat), après des études artistiques à New York puis, de 1886 à 1892, à l'Académie Julian à Paris, il travaille comme illustrateur pour quelques grands hebdomadaires ( Life, Vogue...) et commence à écrire. En 1933, alors qu'il a publié plus de 90 livres, il décède quelques jours après une opération chirurgicale. Le Roi en jaune, recueil de nouvelles publié en 1895, vient d'être réédité.
Le recueil contient dix nouvelles et quand j'ai refermé le bouquin, j'en suis ressorti dérouté et même un peu déçu d'une certaine manière. Non par les textes eux-mêmes, mais par la construction de l'ouvrage fait de deux parties tellement distinctes que je ne comprends pas leur réunification dans un seul livre.
Les quatre premières nouvelles ont un lien commun, Le Roi en jaune, et sont du domaine du fantastique effrayant, ce genre qui devra ses lettres de noblesse à H.P. Lovecraft, admirateur de Chambers. Le Roi en jaune, au centre de ces textes, est un livre maudit qui rend fous tous ceux qui le lisent, les entrainant dans un monde obscure et parallèle, se référant à la très antique cité de Carcosa (empruntée par Chambers à Ambrose Bierce). Ces nouvelles, Le Restaurateur de réputations, Le Masque, Le Signe jaune, La Cour du Dragon, sont extrêmement réussies et fortes. Elles forment un tout de grande qualité, on en voudrait plus encore.
La cinquième nouvelle, La Demoiselle d'Ys, reste dans le domaine fantastique, celui comme son nom l'indique des légendes bretonnes avec ses marais et ses brumes. Le reste du recueil n'a plus rien d'étrange ou de fantastique, relevant plutôt de la romance et des histoires d'amour se déroulant à Paris dans le Quartier latin, avec les artistes peintres et leurs modèles. C'est cette distorsion entre les deux thèmes ou les deux parties de ce recueil que je regrette.
Pour autant, cela n'enlève rien au talent de l'écrivain et si la seconde partie m'a décontenancé et moins intéressé, j'ai apprécié son écriture très précise et concise, il nous balade dans le centre de Paris comme si nous y étions, pas avare sur le nom des rues et la nouvelle, La Rue du premier obus, nous plonge dans la capitale assiégée par les prussiens durant la Guerre de 1870.
La présente édition offre en plus des nouvelles de Robert W. Chambers, la courte nouvelle d'Ambrose Bierce où est citée la maléfique ville de Cardosa et un texte permettant de faire le lien entre Le Roi en Jaune et la série télévisée True Detective qui s'en inspire.
" Alors je l'entendis se déplacer à pas feutrés dans le hall. Et il fut à la porte, et les serrures se décomposèrent à son contact. Et il entra. Mes yeux écarquillés tentaient de percer les ténèbres, mais quand il entra dans la pièce, je ne vis rien. C'est seulement quand je le sentis m'envelopper de son étreinte froide et molle que je me mis à hurler et à me débattre furieusement, mais mes mains étaient sans force et il arracha la broche d'onyx de ma veste et me frappa en plein visage. Alors que je tombais, j'entendis Tessie crier faiblement et son âme s'envola, et tout en tombant je regrettai de ne pas la suivre, car je savais que le Roi en jaune avait ouvert son manteau déchiré et qu'il n'y avait rien d'autre à faire qu'à implorer Dieu. "
Robert W. Chambers Le Roi en jaune Le Livre de Poche - 381 pages -Nouvelles traductions de l'anglais (Etats-Unis) par Christophe Thill