Ce billet a, pour l’essentiel, été rédigé avec des phrases extraites d‘un article paru dans Le Monde daté du 9 novembre 2005.
Le 27 octobre 2005, un employé du funérarium de Livry-Gargan observe « des silhouettes qui évoluent autour du cabanon [du chantier] ». Il téléphone à la police. Un peu auparavant, dix jeunes de la cité du Chêne-Pointu, à Clichy-sous-Bois, étaient allés à Livry-Gargan disputer une partie de football. Après le drame, l’un d’entre eux, Sofiane C., 16 ans. raconte :
« Nous avons joué, puis il était l'heure de rentrer pour couper le ramadan. Nous avons entendu les bruits des sirènes de police. Simultanément, j'ai vu mes amis qui couraient et j'ai couru de même. »
Attitude singulière, quand on connaît l’exquise délicatesse avec laquelle la police s’adresse aux jeunes des cités. On a enregistré cet échange entre le commissariat de Livry et une voiture de la police de proximité de cette ville :
- On vient d'avoir l'info comme quoi y aurait des jeunes qui couraient au niveau du cimetière de Clichy [ … ] rapprochez du monde [et, une minute plus tard], Ouais, alors les deux individus sont localisés et sont en train d'enjamber pour aller sur le site EDF, faudrait [inaudible]...
- Réitérez la fin du message », ordonne le PC, situé au commissariat.
- Ouais TN Livry, j'pense qu'ils sont en train de s'introduire sur le site EDF, faudrait ramener du monde qu'on puisse cerner un peu le quartier, ils vont bien ressortir.
- Oui, c'est bien reçu.
- TN Livry, en même temps, s'ils rentrent sur le site EDF, je ne donne pas cher de leur peau. »
Interrogé par la police judiciaire, le 2 novembre, le gardien de la paix Sébastien G., à l'origine du message radio, en a singulièrement nuancé la portée. Il a raconté comment, avec sa collègue Marie L., il a pris en chasse deux jeunes qui lui avaient été signalés par la brigade anticriminalité (BAC) aux alentours du cimetière de Clichy :
« J'ai alors vu deux silhouettes finir d'escalader un grillage séparant le bas du talus du cimetière d'un terrain en friche. [ … ] De là où je me trouvais, j'avais vue sur le talus du cimetière descendant jusqu'au grillage enjambé par les silhouettes, puis un terrain vague, puis le site EDF dont je ne voyais que les pylônes mais dont je connaissais l'existence. Lorsque je prononce les mots : " Pour aller sur le site EDF ", c'était dans le but de donner une direction de fuite éventuelle pour les silhouettes. [ … ] J'insiste sur le fait que, contrairement à ce qui semble être dit aujourd'hui dans les médias, nous n'avons jamais poursuivi qui que ce soit jusqu'au site EDF. »
Son témoignage a été confirmé par celui d'Etienne G.[ … ] Pour lui, c'est clair, son collègue « n'a pas eu de propos laissant entendre qu'il avait vu quelqu'un pénétrer dans ce site ». S'il « regardait ainsi vers l'intérieur du site [EDF], c'est simplement qu'il lui aurait éventuellement paru plausible que des fuyards viennent y trouver refuge ».
Si l’on en croit ces braves fonctionnaires, il n’y a jamais eu de poursuite. Mais alors pourquoi donner une direction de fuite et s’inquiéter de la destination des fuyards ?