TS. GEO. Etude de cas. Le SAHARA

Par Misterr

Le Sahara, longtemps considéré comme un espace à la marge, constitue désormais l'une des préoccupations majeures de la géopolitique européenne et internationale.

Souvent perçue comme une région peu peuplée, peu développée et difficile à contrôler, le Sahara entre de plain-pied dans la mondialisation par la découverte de ressources, par la réactivation de conflits parfois anciens, par les migrations clandestines, les trafics, ainsi que le terrorisme, qui placent la région au cœur de la sécurité internationale. Le Sahara est donc porteur d'enjeux géopolitiques, par les conflits et tensions entre acteurs lisibles dans des territoires déterminés. Il constitue aussi un enjeu géoéconomique, par les ressources dont il regorge et qui sont objet de convoitises.

Il convient donc de s'interroger sur le mode de développement du Sahara, notamment sur sa durabilité, mais aussi et surtout sur les effets de l'intégration du Sahara dans la mondialisation, tant du point de vue géoéconomique que géopolitique.

Pour cela, il faudra mettre l'accent sur l'abondance de ressources mal utilisées et dont l'exploitation ne profite pas à tous, dans un cadre géopolitique morcelé, instable et dépendant, dans lequel les convoitises suscitent des tensions lisibles à toutes les échelles.

I. Des ressources abondantes qui profitent peu aux populations sahariennes

Un immense espace : 8,5Mkm2 marqué par la contrainte de l'aridité à laquelle s'ajoutent des contrastes thermiques. Le poids démographique, économique et politique des régions littorales et urbanisées, où se situent les capitales et les grandes villes, contraste avec les faibles densités du Sahara, peuplé par des groupes minoritaires (le nom lui-même al-sahrà veut dire désert). Longtemps considéré comme une marge peu développée laissée aux oasiens et aux nomades touaregs, le Sahara a suscité récemment l'intérêt des États depuis la découverte des ressources de son sous-sol (phosphates, hydrocarbures, nappes aquifères fossiles) qui sont en grande partie destinées aux villes littorales.

B. Les ressources alimentaires et aménagements hydrauliques sont variés mais profitent peu aux populations.

La mise en valeur des ressources en eau, par des équipements modernes puisant dans la nappe fossile non renouvelable, pose la question de la durabilité. Ces aménagements nécessitent aussi de lourds investissements, au détriment de l'agriculture oasienne traditionnelle des paysans qui peut être menacée. L'agriculture des périmètres irrigués est destinée aux citadins et à l'exportation, alors que les rivières artificielles libyennes alimentent le littoral.

L'exploitation du pétrole, du gaz et des ressources minières génère des revenus considérables pour les États, mais se développent en parallèle, et non en complémentarité, des activités locales. Ainsi, les signes de faible développement persistent : faible IDH, fort taux de chômage et de pauvreté. Au sud, la mise en valeur des ressources est moindre, plus récente et les ressources sont moins diversifiées, ce qui explique le mal-développement et l'insécurité alimentaire persistante.

II. Le Sahara : un espace géopolitique fractionné, instable et sous dépendance

Le Sahara est morcelé par des États définis par la colonisation. Au nom de " l'intangibilité des frontières " décrété par l'OUA (Organisation des États Africains) en 1963, elles n'ont pas été remises en question. Néanmoins, ce découpage frontalier est source de contestation par les populations locales (fédérations touarègues) ou de revendications territoriales (Sahara occidental). Pour plusieurs des États saharo-sahéliens (Mali, Niger, Tchad, Soudan), l'enclavement s'ajoute à l'aridité.

De plus, la région a connu ces dernières décennies des conflits interétatiques, des attentats et des guerres civiles. L'absence de démocratie a conduit aux révolutions de 2011 (Libye, cette révolution s'est accompagnée d'une guerre civile). Ces conflits provoquent des morts et des blessés dans la population civile, mais aussi des déplacements de populations dans les camps de réfugiés, où les conditions de vie sont extrêmement difficiles.

La dimension humanitaire, le rôle de l'ONU dans la gestion des camps de réfugiés ou pour l'observation des conflits, font que les enjeux dépassent à nouveau les frontières de la région saharienne. La dimension économique explique aussi l'intérêt que les États étrangers portent à la région, à l'exemple de l'uranium du Niger exploité par Areva. Enfin, la dimension sécuritaire, liée aux deux précédentes, fait du Sahara un espace stratégique : aux trafics d'armes et de drogue s'ajoutent le phénomène des migrations et la menace terroriste qui inquiètent au plus haut point la communauté internationale.

Pour tenter de limiter les migrations clandestines, l'Europe a établi une barrière de surveillance et négocie avec les États sahariens le contrôle des migrations, ce qui se traduit par des mesures de répression à l'encontre des migrants emprisonnés dans des camps d'internement. Les FTN sont aussi concernées par le terrorisme d'Aqmi, qui s'est concrétisé par des attentats et des enlèvements.

III. Le Sahara : un espace convoité marqué par des tensions à toutes les échelles

Les enjeux géopolitiques et économiques des espaces sahariens suscitent de nombreuses convoitises entre de multiples acteurs internes à l'Afrique ou extérieurs : zones d'influence, contrôles de territoires, exploitation de ressources (pétrole, uranium, par exemple).

Captée par les États, la rente pétrolière est source de violence pour la population.

Les investissements des FTN sont également peu destinés aux populations locales et peuvent être en concurrence avec celles-ci, comme pour le tourisme. Les FTN sont surtout intéressées par l'exploitation des hydrocarbures ainsi que le montre la forte présence chinoise en Algérie ou au Soudan. Leurs investissements se négocient avec des États caractérisés par des pratiques de corruption et le clientélisme.

Les convoitises se manifestent dans les investissements souvent en provenance d'autres parties du monde, mais s'expriment aussi dans des conflits intra et interétatiques dont les populations subissent les effets, conjugués à ceux de la mal gouvernance. Par exemple l'eau et l'agriculture suscitent des conflits d'usage et des tensions interethniques au sein des États. À l'échelle régionale, ce sont encore les ressources énergétiques, ou l'espoir de découvrir des ressources minières ou en hydrocarbures, qui expliquent en grande partie les conflits armés régionaux et la convoitise sur les territoires des États voisins. Le conflit du Sahara Occidental entre le Maroc et l'Algérie ou encore la guerre entre le Nord et le Sud Soudan témoignent de l'enjeu stratégique que représentent ces ressources.

Face à cette situation tendue, à l'échec des politiques de développement local et à des conditions de vie difficiles, certains groupes ont mis en place des activités illicites, voire criminelles, bien que protégées par les responsables politiques et militaires. Les trafics de drogue, d'armes et de contrebande sont mis en œuvre par des réseaux mafieux, bien au-delà des frontières sahariennes même si certaines villes, au cœur du carrefour, sont des plaques tournantes de ces trafics.

A l'image du continent africain, le Sahara est un territoire en réserve de développement. Disposant d'importantes ressources naturelles, cet immense désert est marqué par l'aridité et la distance.

Cet ensemble territorial doit assumer un découpage frontalier contesté ainsi que des convoitises internes et extérieures que suscite son potentiel économique. L'insécurité endémique et la mal gouvernance perturbent la marche vers un développement raisonné.