Patrimoine québécois
Les Rituels funéraires
En 1991, Alain Tremblay inaugurait l’Écomusée de l’au-delà. Il avait pour mission de se questionner sur l’avenir des cimetières et des problèmes tels que la conservation des monuments funéraires. Au Québec, de nouveaux enjeux sont à considérer comme l’apparition de nouveaux rituels, l’accroissement des communautés culturelles et la nécessité pour les thanatologues (personne intervenant auprès des familles dans le processus funéraire) de s’adapter à différentes approches de la mort.
Annie Dion-Clément dossier Culture
L’Écomusée de l’au-delà a été fondé pour démocratiser les rituels liés à la mort et pour préserver le patrimoine québécois. Comme l’explique le directeur de l’organisme, Alain Tremblay, «chaque communauté possède sa propre perception de la mort et tente de la représenter à travers des objets et des cérémonies. Il est important de faire connaître ces traditions.»
Ce pour quoi au printemps, l’organisme fait des visites guidées de cimetières dans la région de Montréal. M. Tremblay explique que ce sont des circuits à pied où il est présenté ce qu’est un cimetière. «Le cimetière peut être perçu comme la ville des morts à travers lequel on rencontre des monuments petits ou prestigieux appartenant à des individus de toutes les classes sociales et communautés culturelles», précise-t-il. Les cimetières sont un autre reflet de nos sociétés, et comme tout patrimoine historique, ils permettent d’en apprendre davantage sur nous-mêmes.
Les mausolées et leurs conséquences environnementales sont une autre question au cœur de l’Écomusée. Ces monuments funéraires de grandes dimensions sont un problème pour l’avenir des cimetières. Leur construction est massive, externe et permanente. «Qu’est-ce qu’il adviendra de ces bâtiments lorsqu’ils seront à leur pleine capacité? S’exclame Monsieur Tremblay. Les fabriques de plusieurs cimetières acceptent de telles constructions parce qu’elles sont payantes. C’est lucratif! Cependant, à long terme, elles risquent de transformer les cimetières, qui sont des lieux naturels souvent construits à la manière de jardins, en lieux peu esthétiques.»
À mort égale
Depuis plusieurs années, de nouvelles problématiques sont apparues dans les rituels funéraires de nos morts. L’adaptation aux diversités culturelles est notamment un de ces enjeux.
Récemment, l’organisme Sépulture musulmane est renté en contact avec Alain Tremblay. Leur volonté était d’ouvrir des cimetières pour musulmans au Québec. Plutôt que d’en ouvrir de nouveau, l’Écomusée leur a conseillé de faire des demandes pour une section musulmane dans les cimetières déjà existants. La présidente de Sépulture musulmane a trouvé que c’était une excellente idée! C’est ainsi qu’un premier organisme musulman devient membre de l’Écomusée de l’au-delà.
Hadjra Belkacem, présidente et fondatrice de Sépulture musulmane, explique son enthousiasme par l’obtention de ces 2 sections dans des cimetières catholiques: «Celle du Lac Viau sera inaugurée le 14 mars et elle offre à la communauté 500 places. Celle de Laval sera inaugurée le 7 juin et elle permet d’accueillir plus de 2 000 tombes.»
Auparavant, beaucoup de musulmans préféraient rapatrier les défunts dans leur pays d’origine, précise-t-elle, malgré qu’il existe un cimetière pour musulmans à Laval. Ce dernier, pour différentes raisons, est peu utilisé.
Comme elle le souligne, c’est une nouvelle réalité pour le Québec d’accueillir des musulmans dans leurs cimetières catholiques. Madame Belkacem vit ici depuis 2006 et est éducatrice qualifiée dans un service de garde. Comme elle l’explique, il y a encore quelques décennies, «il y avait peu de musulmans dans la province. Mais maintenant la communauté prend de l’expansion et ses membres veulent y être enterrés. Les cimetières sont des lieux d’histoire et de mémoire. Moi, je veux être enterrée ici avec ma famille. Après mon décès, je veux que mes enfants puissent venir se recueillir sur ma pierre tombale.»
Nouveaux rituels
Si la diversité culturelle des rituels semble ne pas créer de remous, certaines nouvelles pratiques (non religieuses) suscitent des interrogations auprès des professionnels. Ce pour quoi M. Tremblay souhaite organiser une consultation populaire en 2015 sur les services funéraires.
Comme il l’explique: «Il y a beaucoup de problèmes avec les rituels funéraires. La corporation des thanatologues réclame une loi pour protéger leur industrie. On ne peut pas imposer aux citoyens de se faire enterrer. Le cimetière et les organisations qui gravitent autour doivent s’ouvrir aux nouveaux rituels comme la dispersion des cendres. Les thanatologues, à présent, ne manifestent pas d’intérêt à l’égard du patrimoine. Ils pensent à leur industrie.»
Du côté de la Corporation des thanatologues du Québec, ils expliquent que leurs motivations sont d’imposer des balises pour éviter des dérapages dans l’industrie funéraire. La Corporation s’interroge sur l’éthique de certaines approches: est-ce acceptable d’asseoir le mort sur une chaise et de lui mettre des lunettes fumées lors de l’exposition? Ou créer une mise en scène où le défunt joue une partie de cartes? Peut-on organiser des funérailles via Internet? Toutes ces questions auxquelles il est difficile de répondre pour les thanatologues.
Autre enjeu important pour la Corporation des thanatologues: le durcissement d’obtention des permis de directeur de funérailles. Selon eux, il est trop simple à obtenir, mais extrêmement difficile à retirer. Ce qui laisse la porte ouverte à des praticiens peu scrupuleux où seules des fautes graves pourraient leur retirer leur permis. Selon la Corporation, il devient essentiel de normaliser la procédure et de prendre en compte la déontologie des maisons funéraires.
Madame Belkacem est en accord avec l’encadrement des rituels et du personnel autorisé. Elle a vu des individus ou des organismes amateurs se présenter aux familles musulmanes pour préparer les défunts et les laver. «Sépulture musulmane est un organisme qui veut venir en aide à la communauté pour éviter que certains soient exploités. On veut le respect des rituels et une place pour enterrer les morts. Nous devons penser aux générations futures pour qu’elles s’intègrent même dans la mort.»
À travers le Québec
Avec les nouvelles problématiques apparues ces dernières années, il devenait nécessaire, dit Monsieur Tremblay, de créer des organismes en région qui se penchent sur l’avenir des cimetières, du patrimoine et les rituels religieux. Ces organismes sont chapeautés par l’Écomusée de l’au-delà depuis 2012. Il y a notamment Patrimoine funéraire qui s’occupe de la région de Montréal et Pierres mémorables de Québec et des régions de Chaudière-Appalaches.
Malgré certaines divergences entre les organismes sur l’avenir des cimetières et le patrimoine funéraire, il demeure que tous se préoccupent de ces questions et souhaitent en parler de manière à offrir des services de qualités.
Quelques explications
Inhumation: Mettre en terre un défunt avec un cérémonial laïc ou religieux.
Urne cinéraire: L’urne cinéraire est une boîte dans laquelle on dispose les cendres. Elle peut être déposée en terre ou dans un mausolée.
Exposition du corps: L’exposition du corps d’un défunt dans un salon funéraire permet aux proches de reconnaître la réalité de la mort et facilite le détachement ultérieur.
Crémation: Cette pratique est traditionnellement utilisée par les religions issues du bouddhisme et de l’hindouisme. L’Église catholique l’a autorisé 1963, tandis qu’elle est interdite par le Coran dans l’Islam et est pratiquée exceptionnellement dans le Judaïsme.
Statistiques au Québec: Lorsque l’on compare avec les statistiques, on constate une augmentation du nombre de personnes incinérées. En 2013, 69.6% des défunts ont été incinérés contre 30,4% inhumés.
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