Elle:
Alice est une jeune femme marin de profession qui s’engage pour un remplacement d’un mois sur un grand paquebot « le Fidelio » (le bien-nommé !) sur lequel elle a déjà œuvré une dizaine d’années plus tôt. Elle laisse à terre un amoureux norvégien dont elle semble très éprise, à moins que ce ne soit surtout la relation charnelle plutôt intense qu’ils partagent ensemble qui la lie à lui.Embarqué sur le navire au titre de second, elle reprend sa fonction de maintenance du moteur, le dénommé « démonia » par certains marins de l’équipage depuis que l’un d’entre eux a trouvé la mort près de la dite machine. Surtout, la jeune femme retrouve à bord le capitaine du navire avec qui elle a autrefois partagé une passion dévorante…Sur fond de romance au schéma somme toute assez convenu, ce premier film de Lucie Borteleau, offre un témoignage pertinent de la problématique particulière d’une vie de marin et ce quel que soit le sexe de l’individu : on est toujours entre hommes sur un navire et même si des relations charnelles ont lieu entre l’héroïne et certains hommes de l’équipage notamment le capitaine, elles ont toujours un goût d’éphémère et d’inachevé.La réalisatrice réussit particulièrement bien à illustrer la singularité des rapports des marins en mer. La solidarité qui se dégage du groupe face à l’adversité aussi bien que lors du partage de soirées chaudes et bien arrosées est bien rendue et pourrait donner envie d’embarquer à bord par la force qui en émane. Cependant comme en témoigne le camarade qui est décédé en mer dans son journal de bord, lorsque cette parenthèse-là prend fin,ces marins se retrouvent le plus souvent décalés face à une vie terrestre auquel ils neprennent part qu’en pointillés. Dès lors, toute vie sentimentale stable semble impossible soit qu’ils ne parviennent pas à la construire soit qu’elle soit compromise par les blessures qu’ils infligent aux conjoints restés àles attendre.C’est à ce dilemme d’ailleurs que se trouvera confrontée la jeune femme lorsqu’elle devra choisir entre ses deux amants…Ce premier filmbien mené àla réalisation soignée retient notre attention de bout en bout même si on peut regretter que le scénario ne soit pas plus étoffé pour donner plus de corps à l’ensemble (notamment dans le lien entre l’évolution de l’héroïne dans sa vie sentimentale et sa lecture du cahier de bord du marin disparu).Cependant son originalité réside dans le fait de placer une femme au cœur d’un monde d’hommes et de démontrer que dans certains contextes particuliers (ici la vie en mer), les mœurs et états d’âme des humains qui y sont confrontés n’ont finalement pas de sexe.Un premier film plutôt bien réussi donc d’une réalisatrice à suivre.
Moi:
Alice est mécanicienne dans la marine marchande. Elle laisse au port son jeune amoureux norvégien pour une mission en mer où elle va croiser : un ancien amour, un mécanicien mort et son témoignage, des amours de passage,… Ce qui se passe durant ces longs mois de mer doit rester en mer, c'est la règle ; mais lorsque le petit ami norvégien découvre la réalité d'une vie de marin, tout se complique.Lucie Borteleau réalise ici un premier long métrage intelligent, sérieux, appliqué et très bien documenté. Elle fait un vrai film de marin ; la vie de ces ouvriers de la mer est le centre du film. Le truc un peu original est d’avoir mis au coeur de l’intrigue une femme au milieu d’hommes. Et pour illustrer la célèbre phrase : « une femme dans chaque port » avoir mis une femme au centre est malin. Un plaidoyer pour la théorie du genre ; homme ou femme, loin de leurs attaches au milieu de l’océan durant de longues semaines ; tous prennent quelques distances avec leur moitié et se révèle avoir un comportement affectif et sexuel assez semblable. Comme si la mer rebrassait les cartes. A travers une Ariane Labed toujours juste, ce film nous montre bien les contours d’un nouveau monde affectif né dans ce vase clos. Par contre, le scénario a beaucoup de difficultés à raccorder l’histoire du marin mort à l’histoire d’Alice ; on peut même penser que cette intrigue parallèle à l’errance affective d’Alice est un prétexte à un enjeu policier… mais non, çà fait plouf…Film très agréable mais un peu trop court en bouche… mais une jeune réalisatrice prometteuse
Sorti en 2014