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Représentant un tiers de la production française, les huîtres triploïdes, accusées d’être des crypto-OGM, inquiètent les écologistes, qui demandent au minimum leur étiquetage. Pour le gouvernement, la solution ne semble pas à l’ordre du jour, a sous-entendu le secrétaire d’Etat à la pêche le 12 mai devant le Sénat.
Pour une douzaine d'huîtres, combien de chromosomes?
DRPeu connues du grand public, les huîtres triploïdes, surnommées «huîtres des quatre saisons», sont entrées sur le marché au début des années 2000. Disposant de dix lots de trois chromosomes, et non de dix lots de deux chromosomes comme toute huître sauvage diploïde, elles ont l’avantage d’une croissance plus rapide. Théoriquement stériles, elles sont propres à la consommation estivale, contrairement aux huîtres non modifiées, qui deviennent laiteuses en été.Or ces huîtres triploïdes ne sont pas sans poser plusieurs problèmes, a rappelé le sénateur Joël Labbé (EELV, Morbihan) lors d’une question au gouvernement. Outre un affaiblissement du patrimoine génétique, elles rendraient la profession «fortement dépendante des écloseries, à l'image des agriculteurs par rapport aux semenciers». Se pose aussi un risque pour l’environnement, notamment de stérilisation de l’espèce sauvage. Certains ont par ailleurs noté la concomitance entre leur arrivée et la surmortalité des huîtres, depuis 2008.Les huîtres triploïdes ne font l’objet d’aucune obligation d’étiquetage, n’étant pas considérées comme des organismes génétiquement modifiés (OGM). Ne recourant d’ailleurs pas à l’introduction de nouveaux gènes, elles n’en sont pas à proprement parler. Ce qui n’empêche pas que certaines de leurs caractéristiques (stérilité, croissance rapide) peuvent laisser songeur, et faire craindre un risque de propagation au milieu naturel.On peut d’ailleurs s’étonner de la rapidité avec laquelle elles ont pu intégrer le marché, avec assez peu de débat public au goût de certains observateurs. Un phénomène qui pourrait s’expliquer par le fait que leur promoteur n’est pas une entreprise du type Monsanto, mais un organisme de recherche publique, l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer).Triploïdes? Mais comme d’autres!Interrogé le 12 mai par Joël Labbé, le secrétaire d’Etat chargé des transports, de la pêche et de la mer, Alain Vidalies, a pris la défense des huîtres triploïdes, qu’il juge «complémentaires» des diploïdes –issues d’écloseries ou de captages naturels d’individus juvéniles.Et l’on est bien loin d’un éventuel étiquetage: Alain Vidalies se dit certes «favorable» à une mention d’origine lorsque le naissain est de provenance naturelle, mais se montre moins disert quant à une appellation «triploïde», certes peu alléchante.«Il ne s’agit pas d’organismes génétiquement modifiés, car le patrimoine génétique n’est pas modifié. En outre, il existe de nombreux autres organismes triploïdes, dans les céréales, les cultures maraîchères ou fruitières. Chez certains organismes, comme les fruits rouges sauvages, la polyploïdie peut même être naturelle», louvoie Alain Vidalies.Des huîtres en ICPELes huîtres triploïdes sont créées par croisement d’huîtres diploïdes, normales, avec des huîtres tétraploïdes, dont le nombre de chromosomes a été doublé par des procédés brevetés. Or ce brevet, détenu par l’Ifremer, expirera cette année. Jusqu’alors exclusivement aux mains de l’institut public, la production d’huîtres tétraploïdes, reproducteurs fournis aux écloseries, pourra ainsi échoir à des entreprises privées.«Ce transfert doit être préparé et accompagné, il n’est pas question de laisser cette technologie sans un encadrement adapté», promet Alain Vidalies. D’autant que les huîtres tétraploïdes pourraient, si elles venaient à fuiter dans l’environnement, constituer un danger pour l’espèce.Pour Alain Vidalies, «la production d’huîtres tétraploïdes par des opérateurs privés en vue de la commercialisation de naissains d’huîtres triploïdes justifie un encadrement réglementaire rigoureux. Cet encadrement est en cours d’élaboration, c’est une priorité forte de mon ministère. Nous y travaillons pour parvenir à une mise en œuvre effective au début de l’année 2016».Quant au statut des futures entreprises de production d’huîtres tétraploïdes, le secrétaire d’Etat dit penser au dispositif ICPE (installations classées pour la protection de l’environnement). Pour Joël Labbé, «il faudra prendre le chemin de la clarification et de la réduction des risques: on n’a pas le droit de faire prendre des risques aux milieux naturels. Tout le monde y gagnera, la profession en premier».
Le 19 mai 2015 par Romain Louryhttp://www.journaldelenvironnement.net/article/la-discretion-des-huitres-triploides,58666