Dans la Chine du début du siècle, la petite Fleur de Lis est venue au monde dans une famille très modeste. Comme toute femme, elle doit apprendre à rester à l’étage et se préparer à enfanter des garçons pour son futur mari. Mais elle a un atout inestimable : à sept ans, ses petits pieds ont une forme parfaite, et pour une jeune Chinoise, c’est son meilleur argument pour un mariage réussi. Sa condition reste néanmoins un obstacle… C’est alors que la marieuse du village lui propose un arrangement. Dans un autre village, une autre famille bien plus riche, la petite Fleur de Neige, née le même jour, à la même heure que Fleur de Lis, possède assez de points communs avec elle pour devenir sa laotong, sa meilleure amie, son âme soeur. Commence alors entre les deux jeunes filles une profonde amitié, une intimité que seule les femmes peuvent entretenir dans une Chine qui les considère comme des marchandises et où elles ont même inventé un langage secret qu’elles s’enseignent de fille en fille.
J’ai lu ce livre à l’aveugle, mais l’ayant beaucoup croisé sur les blogs, je l’ai reconnu tout de suite. Son principal intérêt est de nous plonger dans la vie des femmes chinoises. On le sait, on l’a beaucoup commenté et fantasmé, la condition féminine en Chine a longtemps eu de quoi faire peur par son archaïsme. La procédure de bandage des pieds, notamment, a de quoi faire froid dans le dos, et le roman nous en montre l’envers, les os qui se cassent, la douleur, les enfants qui n’y survivent pas. Mais cela ne s’arrête pas là: codifiée à l’extrême, sans aucune marge de manoeuvre, la vie d’une jeune fille est prévue depuis la naissance, succession de passages obligés, de phrases toutes prêtes et de non dits. On les devine, enfermées par dizaine à l’étage des femmes, entre tantes, cousines, soeurs adoptives, véritable communauté silencieuse qui ne communique qu’avec ce langage secret ignoré des hommes.
La complicité qui lie les deux héroïnes est réellement touchante, et c’est Fleur de Lis qui raconte son amour inconditionnel pour sa laotong: d’une éducation bien supérieure à la sienne, Fleur de Neige est aussi un exemple pour elle, un idéal qu’elle se force à égaler. Mais alors que les choses tournent bien pour Fleur de Lis, alors qu’elle rejoint un époux qui la respecte et qu’elle fait sa place dans une famille influente, Fleur de Neige, elle, a moins de chance et les rapports entre les deux femmes doivent vite se confronter à leurs propres non-dits, à leur éducation corsetée et à leurs nouvelles responsabilités. La solidarité féminine, qui devrait pourtant être à toute épreuve dans un monde qui les musèle autant, est-elle pour autant de taille? Amer, mélancolique, plein d’espoir autant que de résignation, cette histoire promet un joli voyage émotionnel.
Pour autant, il m’a manqué un peu d’élégance dans la langue, résultat d’un style un peu trop simple pour moi. L’histoire de cette langue secrète, notamment, m’a paru un peu sous-exploitée là où elle promettait beaucoup de poésie dans quelques jolies scènes. Le roman ouvre une porte sans réellement proposer d’immersion, il reste donc au stade du divertissement sympathique.
La note de Mélu:
Un très bon moment de lecture.
Un mot sur l’auteure: Lisa See (née en 1955) est une auteure américaine d’origine chinoise. Fleur de Neige est son premier grand succès.