Les manifestants hostiles au troisième mandat du
président burundais Pierre Nkurunziza sont à nouveau descendus dans les
rues de Bujumbura mardi. Plusieurs personnes ont affirmé avoir été
victimes d'exactions de la part de la police et des Imbonerakure.
Des centaines de personnes ont manifesté dans plusieurs quartiers
périphériques de la capitale, mardi 19 mai, tentant d'installer des
petites barricades de fortune au milieu des rues, au son des sifflets et
des slogans hostiles au pouvoir. Comme la veille, les militaires ont
parfois tiré en l'air pour disperser les protestataires, notamment dans
les quartiers de Jabe, Cibitoke ou encore Nyakabiga. En dépit des
violences, l'opposition et la société civile restent mobilisées à une
semaine des élections législatives et communales prévues le 26 mai, date
qui pourrait être reportée comme celle de la présidentielle, programmée
quant à elle le 26 juin.
"Notre mouvement n'a rien à voir avec les putschistes"
À Musaga, un des hauts-lieux de la contestation depuis le début du
mouvement fin avril, plus d'un millier de protestataires ont envahi une
des principales avenues. Ils ont été rejoints par cinq responsables du
mouvement Arusha, qui regroupe les partis d'opposition et les
organisations de la société civile engagés dans la lutte contre le
troisième mandat de Pierre Nkurunziza.
Au nom de la société civile, et en l'absence quasi-totale des forces de l'ordre, Dieudonné Bashirahishize, juriste burundais a
fait observer une minute de silence, après la mort d'une vingtaine de
personnes dans les violences ayant émaillé les manifestations depuis fin
avril. "Ce sang versé (...) nous enseigne qu'il ne faut pas avoir peur,
nous devons vaincre notre peur et continuer à manifester malgré les
menaces proférées par le conseil national de sécurité ou par le
président lui-même", a lancé Dieudonné Bashirahishize.
"Le mouvement Arusha n'a rien à voir avec les putschistes qui ont
tenté de renverser le pouvoir. Nous avons commencé avant eux, ils sont
aujourd'hui en prison", a déclaré Frédéric Banvugiyuvira, vice-président
du parti d'opposition Frodebu. "Nous venons de montrer que les
Burundais peuvent se battre pour leurs droits. Nous refusons d'être les
esclaves de Nkurunziza", a-t-il lancé. Et d'ajouter : "Nous continuons
notre lutte ! Si Nkurunziza veut que nous quittions les rues, il faut
qu'il renonce à son troisième mandat, sinon nous allons rester
mobilisés."
Témoignages d'exactions
Ce meeting improvisé a ensuite été perturbé par l'arrivée de
plusieurs blessés, dont certains avaient le visage tuméfié ou
ensanglanté, racontant avoir été attaqués dans un quartier voisin par
des Imbonerakure, la ligue de jeunesse du parti au pouvoir, accompagnés
de policiers.
L'un des blessés a notamment expliqué comment plusieurs de ses
camarades auraient été arrêtés et emmenés dans le véhicule du général
Adolphe Nshimirimana. Officiellement chargé de mission à la présidence,
celui-ci coordonnerait en réalité tout le système de sécurité
aujourd'hui au Burundi.
Dans le quartier de Mutakura, des témoins ont également signalé que
des policiers seraient passés en trombe au milieu d'un groupe de
manifestants, en tirant et en lançant des grenades lacrymogène.
L'incident n'aurait pas fait de blessés, mais les protestataires ont
immédiatement monté deux barricades enflammées et tenté de pousser un
container au milieu de la chaussée.
Médias entravés
Pour la première fois mardi, alors qu'elle jouissait jusqu'à présent
d'une liberté totale de mouvement, la presse internationale s'est vue
interdire l'accès d'un quartier contestataire, à Musaga, signe d'une
nervosité grandissante du pouvoir. Ils sont notamment accusés d'attiser
par leur présence le zèle des manifestants.
Le directeur d'une radio privée burundaise, en partie détruite par
des forces loyales au pouvoir pendant la tentative de coup d'État, a
quant à lui tenté sans succès mardi de rouvrir sa station. Il s'en est
vu interdire l'accès par la police, malgré de récentes assurances de la
présidence sur la liberté des médias.
Seule la radio télévision publique (RTNB) continue d'émettre et
relaie uniquement le message présidentiel. Le patron de la Radio
publique africaine (RPA), Bob Rugurika, a fui à l'étranger et plusieurs
journalistes de médias privés sont contraints de se cacher.
Source : JeuneAfrique