Jusqu'à présent, la sélection officielle cannoise de cette année aura pour une part réunie des oeuvres alambiquées, construites sur un rapport déréalisé à notre monde et à notre inconscient collectif. La Loi du Marché en prend le contre-sens puisqu'il vogue dans une philosophie de cinéma social réaliste. On y suit Thierry, 51 ans, 20 mois de chomage et un quotidien étouffé par les interdits.
Stéphane Brizé, auteur d'oeuvres intimes de facture plus classique, ne bouleverse pas le moule esthétique bien établi du genre. On retrouve le même étirement d'instantanés et la même sensation de ne déboucher que sur un constat d'impuissance. Pourtant, son regard s'anoblit d'une compassion et d'une dignité sans égales qui déteint sur la carcasse fatigué de Vincent Lindon.
L'acteur n'a beau plus rien avoir à prouver, son réalisateur fétiche le réivente au travers de ce quidam épuisé par le poids d'une société absurdement figé. L'acteur se fond derrière les yeux attristés et la moustache hors du temps de Thierry et nous fait ressentir par sa seule écoute et son plus sincère ressenti la charge pesante d'une vie qui se délite. Un prix d'interprétation serait la moindre des choses.
La loi du marché sort le 19 mai 2015, en parallèle de sa présentation en sélection officielle à Cannes.