Au Limonadier, rien ne nous arrête, ni les étiquettes, ni les idées préconçues. Alors on s’est aventuré à l’Espace B la semaine dernière pour une soirée placée sous le signe de l’emo — abrégé de emotional hardcore, un dérivé du punk-rock américain. Rien à voir avec des mèches noir corbeau, l’excès d’eye-liner ou un quelconque groupe d’ados rebelles et pleurnichards, rassurez-vous.
Si les puristes n’aiment pas que l’on parle de revival, l’emo comme genre musical est incontestablement en train de redorer son blason et de reconquérir ses lettres de noblesse. Le Guardian, sérieux quotidien britannique, a consacré récemment un article à cette nouvelle vague emo (à lire ici, en anglais dans le texte). Nous voilà donc en route pour le concert de The Hotelier, jeune groupe du Massachussetts qui se revendique anti-pop et qui fait partie de cette nouvelle garde de l’emo ; et d’Emperor X, américain émigré à Berlin et bricoleur déjanté d’une folk noisy et alternative.
Nous étions arrivés à l’Espace B, petite salle/bar/resto du XIXe arrondissement un peu en avance. Quelle ne fut pas notre surprise lorsque Chad Matheny alias Emperor X fit irruption dans la salle alors que nous sirotions nos bières ! Il monta sur une chaise et entama son concert à l’improviste avec une guitare classique et une voix pénétrante. Incrédule, le public le suivit jusque dans la salle de concert où il finit sa chanson au milieu des spectateurs qui commençaient à rentrer. « Il n’y avait personne, alors je suis venu vous chercher » a simplement expliqué Chad.
Et nous voilà partis pour un set captivant de ce drôle de bonhomme accompagné de sa guitare et d’une boîte-à-rythmes-vocoder-delay-à-effets-divers-et-variés. La cinquantaine de spectateurs tapait des mains, chantait, sautait sur des morceaux plus ou moins farfelus comme « The Magnetic Media Storage Practices of Rural Pakistan », « At a Rave with Nicolas Sarkozy » ou « Allahu Akbar ». On a pu apercevoir dans le public, les membres du groupe The Hotelier, tête d’affiche de la soirée, qui reprenaient en cœur avec l’auditoire les « die ! die ! die ! » du titre « Fierce Resource Allocation ». Après un joli « Canada Day » dans la foule qui jouait les choristes, Emperor X terminait cette première partie inattendue et jouissive.
Pas de répit, The Hotelier entrèrent en scène pour dérouler leur setlist mouvementée, cathartique et bien huilée. Ils semblaient surpris et ravis de l’accueil que leur réservaient les parisiens pour leur toute première date en France. « An Introduction to the Album », la première chanson de leur dernier album Home, Like Noplace Is There, ouvrit les hostilités. Le groupe enchaîna ensuite avec « Vacancy » et « An Ode to the Nite Ratz Club », morceaux tirés du premier album It Never Goes Out, que le public entonna à gorges déployées. Il se produisit une sorte d’incroyable communion dans le bruit, dans le cri.
On atteignit progressivement l’apothéose avec la succession tonitruante de « In Framing », « Weathered », « Your Deep Rest » et « Dendron » qui, malgré le petit nombre de spectateurs ayant fait le déplacement, déclencha des pogos au milieu de la salle. The Hotelier poursuivaient avec ardeur et, arrivés à la fin du concert, le public en réclamait encore. L’Espace B eut alors droit au poignant « Housebroken » que le groupe joue rarement aux Etats-Unis. Les fans étaient ravis.
On en est sorti avec les oreilles qui sifflaient mais bien content de nos découvertes et de notre entrée dans le monde de l’emo. On a hâte de retrouver The Hotelier à deux reprises au Primavera Sound Festival de Barcelone. Emperor X, quant à lui, sillonne l’Europe en solo. Si vous aimez secouer la tête à vous choper des torticolis (oui, oui, ça nous est arrivé), foncez les découvrir en live pendant leur tournée européenne ou les écouter fort dans vos casques.
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