LA FORET DES SONGES (Critique)

Publié le 19 mai 2015 par Cliffhanger @cliffhangertwit
SYNOPSIS: Dans la forêt d'Aokigahara, au pied du Mont Fuji, Arthur Brennan est venu mettre fin à ses jours, comme beaucoup avant lui en ces lieux. Alors qu'il a trouvé l'endroit qui lui semble idéal, il aperçoit soudain un homme blessé et perdu. Assailli par un sentiment d'humanité irrépressible, Arthur se porte à son secours. Alors qu'il s'était décidé à mourir, il va devoir aider un homme à survivre.

Carrière inégale que celle de Gus Van Sant. L'excellence y côtoie le moins bon, l'hollywoodien ( Prête à tout, Will Hunting, Psycho, A la rencontre de Forrester, Harvey Milk) se marie avec l'indé ( Mala Noche, Drugstore cowboy, My Own Private Idaho, Elephant, Gerry, Last Days, Restless...) mais on ne peut nier qu'il existe une certaine cohérence thématique dans son cinéma - les grandes lignes de son œuvre sont articulées autour de l'homosexualité, la mort et le mal être adolescent - faisant de lui un auteur original, talentueux et à suivre. The Sea of Trees, sa dernière mouture, est attendue pour plusieurs raisons. Primo, le pitch, très alléchant, pourrait se décliner en un croisement fantasmatique entre son Gerry (deux personnages perdus dans un lieu à l'écart du monde) et Last Days (pour la tonalité mélancolique et le désir de mettre fin à ses jours), ainsi qu'un cadre géographique rarement exploré au cinéma, en tout cas en Occident : la forêt des suicidés, au pied du mont Fuji, soit une nature hantée, ancrée dans l'inconscient collectif et propice à nourrir l'imaginaire du spectateur. Secundo, le film est présenté en compétition officielle au Festival de Cannes 2015. Pour rappel, l'une des dernières fois où Gus Van Sant a déambulé sur la croisette, il est reparti avec une palme d'or en poche (pour le magistral Elephant, démonstration formelle sur fond de teenage movie lucide, exigeant et brutal), rien que ça ! Tercio, l'immense Matthew McConaughey, le sage Ken Watanabe et l'excellente Naomi Watts figurent au générique.

Désillusion la plus totale : The Sea of Trees est un mélodrame bavard, visqueux et ennuyeux, au propos lourdement appuyé - il est question de deuil, de regrets et d'interrogations sur la mort mais le traitement est bien maladroit. Il faut dire que le pauvre Gus Van Sant est peu aidé par un scénario très (trop!) appliqué, pourtant signé Chris Sparling (auteur du très efficace Buried, huis-clos claustro exceptionnel d'intensité et de maîtrise), qui alterne entre des scènes de dialogues mystico-cryptiques de pacotille, des séquences survival complètement à côté de la plaque (fou rire involontaire devant McConaughey qui danse comme un apache autour d'un feu de camp) et des flash-back hyper scolaires sur la vie de couple du héros (ces passages faisant intervenir Naomi Watts sont grossiers, très mal tournés, bourrés de clichés et de pathos). Là où le récit d' Elephant montait crescendo en puissance jusqu'à un épilogue écrasant et bouleversant, celui de The Sea of Trees, prévisible à souhait, se noie dans des péripéties éculées (amas de boue, chute d'une falaise, pluie diluvienne...) et du sur-symbolisme vaseux, jusqu'à un final gigogne interminable, ingrat et indigent. Tout est surligné au stabilo : des retours dans le passé centrés sur l'ébranlement de la relation conjugale à la nécessité d'introspection de McConaughey pour surmonter une tragédie, en passant par l'explication autour de la présence de Watanabe dans la forêt japonaise, élément qu'il ne fallait sans doute pas développer (pour cultiver le mystère).

Côté mise en scène, c'est tout aussi raté hélas. Gus Van Sant, en mode plan plan et/ou démonstratif, apparaît vraiment peu inspiré. La tragédie du climax en est l'exemple le plus probant. Filmée platement, elle en perd toute sa force émotionnelle. Il faut rajouter à cela une lumière moche (malgré la magie du lieu), un thème musical assourdissant répété en boucle, quelques effets tocs de montage, ainsi qu'une caméra désarticulée pour achever le spectateur. En conséquence, une des scènes finales, mis en boîte pour être l'acmé émotionnel du film, devient fade et dénuée d'intérêt. Aucune consolation avec le casting : McConaughey, en roue libre, cabotine dans la peau du héros dépressif, Ken Watanabe est transparent (personnage traité avec condescendance), et Naomi Watts ne parvient jamais à émouvoir. Où est passé le grand Gus Van Sant de My Own Private Idaho, Will Hunting et Elephant ? Deux ans après le consternant Promised Land, le metteur en scène vient de se prendre une grosse mandale critique méritée pour son navrant et insipide The Sea of Trees, présenté sur la croisette.

Titre Original: THE SEA OF TREES

Réalisé par: Gus Van Sant

Genre: Drame

Sortie le: 9 septembre 2015

Distribué par: SND

TRÈS MAUVAIS