Carrière inégale que celle de Gus Van Sant. L'excellence y côtoie le moins bon, l'hollywoodien ( Prête à tout, Will Hunting, Psycho, A la rencontre de Forrester, Harvey Milk) se marie avec l'indé ( Mala Noche, Drugstore cowboy, My Own Private Idaho, Elephant, Gerry, Last Days, Restless...) mais on ne peut nier qu'il existe une certaine cohérence thématique dans son cinéma - les grandes lignes de son œuvre sont articulées autour de l'homosexualité, la mort et le mal être adolescent - faisant de lui un auteur original, talentueux et à suivre. The Sea of Trees, sa dernière mouture, est attendue pour plusieurs raisons. Primo, le pitch, très alléchant, pourrait se décliner en un croisement fantasmatique entre son Gerry (deux personnages perdus dans un lieu à l'écart du monde) et Last Days (pour la tonalité mélancolique et le désir de mettre fin à ses jours), ainsi qu'un cadre géographique rarement exploré au cinéma, en tout cas en Occident : la forêt des suicidés, au pied du mont Fuji, soit une nature hantée, ancrée dans l'inconscient collectif et propice à nourrir l'imaginaire du spectateur. Secundo, le film est présenté en compétition officielle au Festival de Cannes 2015. Pour rappel, l'une des dernières fois où Gus Van Sant a déambulé sur la croisette, il est reparti avec une palme d'or en poche (pour le magistral Elephant, démonstration formelle sur fond de teenage movie lucide, exigeant et brutal), rien que ça ! Tercio, l'immense Matthew McConaughey, le sage Ken Watanabe et l'excellente Naomi Watts figurent au générique.
Côté mise en scène, c'est tout aussi raté hélas. Gus Van Sant, en mode plan plan et/ou démonstratif, apparaît vraiment peu inspiré. La tragédie du climax en est l'exemple le plus probant. Filmée platement, elle en perd toute sa force émotionnelle. Il faut rajouter à cela une lumière moche (malgré la magie du lieu), un thème musical assourdissant répété en boucle, quelques effets tocs de montage, ainsi qu'une caméra désarticulée pour achever le spectateur. En conséquence, une des scènes finales, mis en boîte pour être l'acmé émotionnel du film, devient fade et dénuée d'intérêt. Aucune consolation avec le casting : McConaughey, en roue libre, cabotine dans la peau du héros dépressif, Ken Watanabe est transparent (personnage traité avec condescendance), et Naomi Watts ne parvient jamais à émouvoir. Où est passé le grand Gus Van Sant de My Own Private Idaho, Will Hunting et Elephant ? Deux ans après le consternant Promised Land, le metteur en scène vient de se prendre une grosse mandale critique méritée pour son navrant et insipide The Sea of Trees, présenté sur la croisette.
Titre Original: THE SEA OF TREES
Réalisé par: Gus Van Sant
Genre: Drame
Sortie le: 9 septembre 2015
Distribué par: SND