L'influence, ses dispositifs comme ses fins, entre désormais dans le champ de l'actualité, de l'analyse et de la discussion. Cette influence dont on se défend (qui aime se faire qualifier d'influençable ?) et dont on se méfie (il n'est guère louable, communément, de vouloir influencer) constitue une thématique souvent examinée et parfois revendiquée.
C'est que l'influence fait partie commune avec la communication. Si communiquer signifie " mettre en commun ", n'est-ce pas pour partager - ou faire partager- ses perceptions, ses points de vue, ses opinions quand il ne s'agit pas de ses convictions ? Parce que la communication exerce une action, elle est fondamentalement un acte d'influence.
Nous pourrions dès lors nous étonner que l'influence conserve dans l'opinion publique une dimension négative. Oui, bien évidemment notre société communique, oui, sûrement elle communique pour influencer. Mais si nous souhaitons communiquer et acceptons l'influence, c'est le plus souvent de la nôtre qu'il s'agit. Influencer ? Oui mais se laisser influencer, sûrement pas !
Il est pourtant tout aussi nécessaire à la vie en société d'influer sur les avis des autres (pour choisir un lieu de vacances ou faire découvrir un nouvel artiste par exemple) que de se laisser influencer (pour découvrir un nouvel eldorado ou s'émouvoir d'une œuvre pour reprendre le même exemple). Communiquer c'est buter sur l'autre nous enseigne Dominique Wolton, c'est sans aucun doute vrai. Mais c'est sous l'influence des autres que l'on peut aller vers soi comme nous le rappelle Bachelard. Parce que communiquer c'est aller vers l'autre (échange et réciprocité), communiquer serait ainsi une volonté d'influencer mais aussi d'accepter de se laisser influencer. Avec, à la clef, la possibilité du partage voire de communion de pensée ou d'émotion.
Reste néanmoins que la communication d'influence est souvent attachée au domaine du politique et qu'elle est souvent synonyme de lobbying. Avec des images qui y sont le plus (et trop) souvent attachées telles que la manipulation quand ce n'est pas la corruption. La communication d'influence a donc besoin de règles et, en deçà, d'une éthique clairement établie.
Il est ainsi nécessaire d'installer un discours clair à même d'établir les différences entre l'influence et la manipulation. Tentons d'en jeter ici les premiers fondements : au moins deux repères doivent permettre d'éclaircir le sujet : la clarté et sincérité.
D'abord la clarté. L'objectif de la communication est affiché (je souhaite vous faire partager mon point de vue) ou masqué (je ne vous révèle pas mon objectif réel mais souhaite vous amener à partager in fine mon point de vue). Etablissons que dans le premier cas nous sommes dans l'influence, alors que dans le second nous sommes dans la manipulation.
Ensuite la sincérité. Rappelons que sincérité vint de sin-cire qui signifie " sans cire " qualité que l'on attribuait au miel de qualité dans l'antiquité. La sincérité consiste à afficher franchement qui l'on est sans se cacher ou masquer son identité.
Dire en toute transparence qui l'on est et quel est l'objectif que l'on poursuit est du ressort de l'influence et donc de la communication vraie. Masquer son dessein, de plus en faisant, le cas échéant, intervenir des tiers permettant de se dissimuler ressort du domaine de la manipulation et donc de la propagande.
Il est donc naturel de s'interroger sur le bien-fondé de l'influence et de la communication d'influence. L'influence est positive s'il celui qui l'utilise le fait à découvert et affiche clairement son but. Elle est nettement moins souhaitable si elle doit se faire masquée et intrigante.
Mais il serait trop simple de s'arrêter en chemin. N'y aurait-il pas de cas où une action d'influence à caractère manipulatoire pourrait être positive ? On touche ici à la question des enjeux et des fins poursuivis. Qui pourrait ainsi déplorer une manipulation orchestrée, à l'heure où le digital apporte une audience inégalée, pour déstabiliser Daech ? Pour faire découvrir des terroristes dissimulés sur notre territoire ? Plus sobrement, pour sauver des emplois face à une tentative d'OPA mal venue ?
Nous avons donc trois repères pour déterminer la nature plus ou moins positive de l'influence : l'enjeu, l'affichage plus ou moins clair de l'objectif, la connaissance de l'identité et des qualités de celui qui cherche à influer.
C'est au prix de ces éclaircissements que la communication pourra être reconnue dans toutes ses dimensions. Non seulement économiques et politiques mais également sociétales. Car il est temps que la communication ne soit plus soit taxée de superficialité ou d'inutilité (parce qu'assimilée à du vent). Il est temps qu'elle ne soit plus accusée d'être manipulatoire (parce que dérogeant à la vie démocratique). Et qu'elle soit enfin reconnue pour ce qu'elle est : aussi nécessaire que l'air que l'on respire.
Thierry Wellhoff
Président de Wellcom
et de Syntec Conseil en Relations Publics