© Nicolas Joubard
Assister au HENRY VI mis en scène par Thomas Jolly revient à s’embarquer dans une aventure théâtrale hors-norme, une expérience artistique unique.
Inutile de dire que le jeune metteur en scène s’est attaqué à un monstre : pas moins de trois pièces, une quinzaine d’actes et une centaine de personnages… Et pourtant, le défi est relevé haut la main si l’on en juge par l’accueil délirant du public et le fait que l’on ne s’ennuie guère lors des 18 heures (entracte compris) que dure cette folle épopée.
On peut résumer l’histoire dans ses grandes lignes : la trilogie Shakespearienne narre le règne mouvementé du Roi Henri VI, évoquant la guerre de 100 ans qui opposa anglais et français ainsi que les rivalités entre les pairs d’Angleterre ainsi que les luttes internes pour accéder au trône.
Guerre, pouvoir, trahison mais aussi amour et passion : tous les ingrédients sont réunis pour faire vibrer le spectateur. Les chanceux auront pu voir le spectacle dans son intégralité et en une seule fois à Avignon l’été dernier. Les autres verront les 2 cycles en deux temps : deux après-midi et deux soirées au théâtre, cela est déjà bien assez fou.
Folle, la mise en scène l’est réellement tant elle regorge de trouvailles inédites, poétiques, drôles et décalées. Pas de vidéo ni de hautes technologies mais un art de la débrouille et de l’idée pertinente, un mélange entre une imagerie médiévale et des clins d’œil à notre époque. Ainsi, Jeanne d’Arc porte une perruque bleu turquoise, les soldats se battent avec de longs rubans, chevauchent des sièges en guise de monture… Certains changements se font à la vue du spectateur mais peu importe, on est emporté dans le tourbillon : des cris, des chants, de la danse, une musique parfois rock ou électronique, mais aussi des moments d’une gravité sans nom, où l’on passe soudainement de la farce au tragique.
© Nicolas Joubard
Car c’est sans doute la plus grande force de la mise en scène et un vibrant hommage rendu à l’écriture Shakespearienne : l’équilibre trouvé entre le rire et les larmes, le chaos de la fête et celui des batailles, le sublime et le grotesque. D’ailleurs, plus on avance dans la pièce et plus le drame s’installe, l’espoir s’enfuit mais jamais l’attention du spectateur ne faiblit. Les entractes et pauses sont placées à des endroits stratégiques et parfois inattendus de façon à nous tenir en haleine et à faire durer le suspense.
Ici aussi se trouve la magie du théâtre et de cette représentation : de par sa durée, sa longueur, elle invite les spectateurs à tisser des liens, à se rencontrer, se découvrir et échanger. L’épopée théâtrale devient une aventure humaine. On retrace les intrigues, on pose des questions sur ce que l’on n’a pas compris, on échafaude des hypothèses et chacun se pose la même question : mais que va-t-il encore se passer ?
Après le salut final, où la salle toute entière est debout, criant des bravos et applaudissant à tout rompre, difficile de sortir de la salle et de quitter les comédiens… Il n’y a pas à dire, on reprendrait bien quelques 18 heures de théâtre en plus ! Heureusement, l’histoire n’est pas réellement terminée car Thomas Jolly s’est déjà attelé à la suite : Richard III. A la vue de tant d’énergie créatrice et d’inventivité, cela s’annonce prometteur…
Emma Larretgère
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Henry VI de William Shakespeare, mis en scène par Thomas Jolly, Compagnie La Piccola Familia
A l’Odéon Théâtre de l’Europe/Ateliers Berthier : 16 et 17 mai 2015
Opéra de Rouen Haute Normandie-Théâtre des Arts : 20 juin à 10h- L’intégrale
Site internet de la compagnie : La Piccola Familia
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