Écrire une histoire signifie s'immerger dans un univers parallèle. L'écrivain s'oublie. Il devient le biographe de ses personnages. Il décrit leur environnement, partage leurs émotions, témoigne des événements qu'ils provoquent ou subissent. Un processus complexe qui exige une mise en condition, un processus de concentration aussi exigeant que celui des champions sportifs.
Des mets de choix se révèlent bénéfiques à la concentration des écrivainsLa romancière Colette conseillait de manger des truffes avant d'écrire. " Accompagnées de vin blanc sec et non de champagne, elles aident à la digestion ", affirmait-elle. Je suis tout disposé à la croire. Se faire plaisir ne saurait nuire à la qualité de la narration !
Au plan pratique, le conseil de Colette pose cependant quelques difficultés. Met précieux, la truffe s'arrache à prix d'or. Sa consommation régulière n'est pas accessible à tous les auteurs. Elle abaissera singulièrement la rentabilité de l'heure d'écriture.
Par ailleurs, je doute que nos éditeurs acceptent des notes de frais basées sur l'achat de truffes et de vins fins... Par nature, l'éditeur traditionnel se montre circonspect sur les frais et peu disposé à nous accorder des cadeaux. Enfin, à supposer qu'un éditeur généreux cède aux légitimes revendications visant à réjouir nos palais dans la finalité d'offrir de sublimes récits à nos lecteurs, il resterait à convaincre l'administration fiscale de la justification de tels frais de bouche. Ses représentants se révèlent suspicieux et peu soucieux de l'art de vivre des contribuables contrôlés, fussent-ils des artistes. Colette vivait à une autre époque, moins étriquée, moins mesquine, moins formatée...